« Laissez-nous faire notre travail », a déclaré le président iranien Hassan Rouhani à l'instance législative iranienne, jeudi 3 décembre.
Les tensions au sein du régime iranien sont montées d'un cran au lendemain de l'assassinat de Mohsen Fakhrizadeh, un ancien membre du CGRI qui était directeur de l'Organisation de la recherche et de l'innovation en matière de défense du ministère de la Défense et l'un des fondateurs du programme nucléaire iranien.
Il a été assassiné dans la banlieue de Téhéran le 27 novembre lors d'une attaque à la bombe et à l'arme automatique. Son assassinat, qui intervient après la mort de plusieurs autres scientifiques nucléaires iraniens ces dernières années, plusieurs explosions sur des sites militaires sensibles et le vol récent de documents sensibles sur le programme nucléaire et de missiles dans un centre nucléaire en Iran, a suscité un déluge de critiques des services de renseignements iraniens.
Presque immédiatement après son assassinat, le parlement iranien (Majles) a adopté une loi sur la reprise de l'enrichissement d'uranium et a un peu plus éloigné le pays de son engagement envers l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA).
Le Conseil des Gardiens de la constitution, une instance conservatrice désignée chargée de surveiller le gouvernement élu, a ratifié très rapidement cette loi ayant valeur de mandat pour le gouvernement, mercredi 2 décembre.
Cette loi ordonne une augmentation immédiate de l'enrichissement d'uranium à des niveaux plus proches d'un combustible servant à fabriquer des armes, ainsi que l'expulsion des inspecteurs internationaux si la communauté internationale ne lève pas les sanctions contre le régime d'ici à début février.
Il appelle le gouvernement à mettre fin aux inspections par l'AIEA des installations nucléaires iraniennes et à « produire et stocker 120 kilogrammes par an d'uranium enrichi à 20 % ».
L'uranium enrichi à ce niveau donnerait à l'Iran la capacité de convertir tout son stock à des niveaux suffisants pour fabriquer une bombe d'ici six mois, a indiqué le New York Times dans son édition de mercredi.
Mais un jour seulement après que le Conseil des Gardiens de la constitution a ratifié cette nouvelle loi, le ministre iranien des Affaires étrangères Javad Zarif a déclaré que si les signataires de l'accord de 2015 sur le nucléaire iranien s'engageaient à nouveau en faveur de celui-ci, la nouvelle loi « ne serait pas mise en œuvre par le gouvernement iranien ».
Rupture avec le mandat ?
S'exprimant jeudi par visioconférence lors du forum annuel des Dialogues méditerranéens sous l'égide de l'Italie, Zarif a déclaré que le gouvernement n'est pas satisfait de cette adoption, mais que « si elle est finalisée », l'administration de Rouhani n'aura d'autre choix que de la mettre en œuvre.
En effet, en vertu de la constitution de la République islamique, toute promulgation adoptée par le Conseil des Gardiens a force de loi et le gouvernement est tenu de l'exécuter. Puisqu'aucune autre mesure n'est prévue pour la « finaliser », la position de Zarif pourrait être interprétée comme une rupture avec le mandat en faveur de négociations potentielles avec l'Occident.
Plus que les déclarations de Zarif, ce sont les remarques de Rouhani qui ont le plus retenu l'attention des médias iraniens jeudi. Elles ont été vues comme une critique ouverte des partisans de la ligne dure contre les négociations.
Rouhani a demandé à ces partisans de la ligne dure et au Majles conservateur de lui permettre, ainsi qu'à son cabinet, de « faire notre travail » et d'avancer sur la base de « l'expérience et des capacités avérées », rompant ainsi, bien que seulement verbalement, avec l'augmentation demandée du niveau d'enrichissement.
La veille, il avait expressément manifesté le désaccord du gouvernement avec cette législation et déclaré qu'il la « considère comme dommageable pour la diplomatie ».
Dans son dernier rapport le mois dernier, l'AIEA avait indiqué que les stocks iraniens d'uranium enrichi étaient de plus de 12 fois supérieurs à la limite des 3,67 % stipulée dans l'accord de 2015.
Toutefois, Téhéran n'a pas franchi la barre des 4,5 % et le pays respecte son strict régime d'inspection, a indiqué l'organisme de contrôle nucléaire des Nations unies.
À ce jour, rien n'indique que le gouvernement iranien se fondera sur la loi nouvellement adoptée pour poursuivre l'enrichissement de l'uranium.
Pour sa part, le Département américain du Trésor a annoncé jeudi des sanctions contre le Groupe Shahid Meisami, une société affiliée au ministère iranien de la Défense, et son directeur.
Selon le Trésor, le Groupe Shahid Meisami serait « impliqué dans le programme d'armement chimique de l'Iran et serait affilié à Organisation de la recherche et de l'innovation en matière de défense, connue sous le sigle SPND ».
« Les États-Unis avaient désigné le SPND en 2014 en lien avec la prolifération d'armes de destruction massive (ADM) du régime iranien ou leurs vecteurs », a-t-il conclu.