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Téhéran admet avoir partagé son expertise sur les missiles avec les Yéménites

Ardeshir Kordestani

Abolfazl Shekarchi, porte-parole principal des forces armées iraniennes, sur une photo non datée. [Photo de Mashregh News]

Abolfazl Shekarchi, porte-parole principal des forces armées iraniennes, sur une photo non datée. [Photo de Mashregh News]

L'Iran continue de dépenser de fortes sommes d'argent pour armer et équiper les Houthis (Ansarallah), fournissant même une expertise sur les missiles selon de récentes révélations, contribuant ainsi à la violence et à l'instabilité actuelles au Yémen et dans la région, aux dépens du peuple iranien.

Abolfazl Shekarchi, porte-parole de l'état-major interarmées des forces armées iraniennes, a récemment admis que l'Iran a « partagé des technologies et de l'expérience sur les missiles avec les Yéménites ».

Cette révélation contredit les déclarations précédentes de Téhéran selon lesquelles le pays ne fournit qu'un « soutien consultatif » aux Houthis.

Les Houthis ont utilisé des missiles balistiques et des drones chargés d'explosifs pour lancer des attaques contre l'Arabie saoudite et les ressources militaires de la coalition dans les eaux du Golfe au cours de l'année passée.

Fin juin, la coalition a annoncé avoir intercepté et détruit des drones et des missiles balistiques tirés vers l'Arabie saoudite par les Houthis, dont un tiré en direction de Riyad.

Le 10 septembre, les Houthis ont déclaré avoir à nouveau visé Riyad, cette fois-ci avec une variante du missile Fateh-110 de fabrication iranienne.

Les Houthis ont également pris pour cible à plusieurs reprises la ville saoudienne de Jizan, la dernière fois le 19 septembre.

L'Iran contourne les sanctions

Le régime iranien a fourni aux Houthis du matériel militaire et de l'entraînement alors que son propre peuple est soumis à une pression extrême à cause d'une économie qui empire, d'une dépréciation du rial et d'un taux d'inflation de 34 %.

L'avenir ne semble pas prometteur pour les citoyens iraniens.

« L'année prochaine, nous serons certainement confrontés à une nouvelle baisse du taux de change du rial face au dollar », a indiqué l'économiste Moloud Zahedi à Al-Mashareq. « Les sanctions réduiront encore la taille de l'économie, et le gouvernement sera obligé d'imprimer plus d'argent pour l'injecter sur le marché. »

Téhéran a toujours montré qu'il préfèrait soutenir les milices alliées au Corps des Gardiens de la révolution islamique (CGRI) que fournir des produits de première nécessité au peuple iranien.

Shekarchi, un ancien commandant du CGRI, a expliqué comment Téhéran a réussi à contourner les sanctions pour soutenir les Houthis.

« Nous avons transféré les connaissances et les technologies de la défense aux Yéménites, mais la pression des sanctions ne nous permet pas de leur envoyer des missiles », a-t-il expliqué lors d'un entretien télévisé accordé au réseau de radiodiffusion de la République islamique d'Iran (IRIB) le 22 septembre.

« Au lieu de cela, les Yéménites, qui sont un peuple capable et très intelligent, qui compte de nombreux scientifiques, ont appris à fabriquer des missiles, des drones et d'autres armes », a-t-il poursuivi. « Ils tirent ces armes sur leurs ennemis. Ce n'est pas comme si nous fournissions des missiles yéménites venus d'Iran. »

Exagérations

Bien que certains observateurs rappellent que Téhéran exagère souvent la capacité de l'Iran à fournir un soutien militaire et technologique à ses intermédiaires, l'aveu de Shekarchi devrait être pris au sérieux.

« Dans une certaine mesure, l'Iran exagère sa capacité à soutenir ses intermédiaires, y compris les Houthis », a déclaré un analyste de la marine iranienne à la retraite, qui a demandé à conserver l'anonymat.

« Si toutefois des missiles sont construits au Yémen, ils le sont par des conseillers du CGRI qui ont été envoyés là-bas, et non par les Houthis », a-t-il affirmé à Al-Mashareq.

Une installation d'assemblage de missiles ne peut pas être petite, et elle est complexe, a-t-il ajouté. Il ne serait pas facile de cacher une telle installation aux services de renseignement américains ou aux bombardiers saoudiens, et il est donc plus probable que les missiles soient envoyés au Yémen depuis l'Iran.

Les efforts de l'Iran pour construire, maintenir et exploiter avec succès des installations de production de missiles en Syrie ont largement échoué, parce que ces installations étaient des cibles militaires faciles, a précisé l'analyste.

Téhéran « omet des faits » concernant le soutien aux Houthis

« Shekarchi n'a pas tort, mais il omet le fait que l'Iran a envoyé des pièces de missiles sophistiquées fabriquées en Iran pour un assemblage au Yémen », a déclaré à Al-Mashareq Amir Toumaj, un analyste de recherche basé aux États-Unis, spécialiste de l'Iran.

« Shekarchi n'est pas le premier responsable militaire à confirmer que la République islamique soutient les rebelles au Yémen », a-t-il déclaré. « Avant Shekarchi, Mohammad Bagheri avait admis ce même soutien [aux Houthis]. »

En décembre 2019, Bagheri, un ancien commandant du CGRI qui est maintenant chef d'état-major des forces armées iraniennes, avait déclaré que l'Iran fournit « un soutien consultatif à l'armée populaire du Yémen », faisant référence aux Houthis.

Les remarques de Shekarchi et Bagheri sont une preuve supplémentaire que l'Iran envoie des armes de plus en plus sophistiquées aux Houthis par voie terrestre et maritime depuis au moins 2015.

Certaines de ces armes se retrouvent même en Somalie, et de là potentiellement vers d'autres zones de conflit en Afrique, a fait savoir l'Initiative mondiale contre la criminalité transnationale organisée (GI-TOC) dans son bulletin Risk de juillet/août.

« Les livraisons d'armes et de munitions de l'Iran à l'insurrection houthie ont été bien documentées à l'occasion de plusieurs saisies de boutres en pleine mer, remontant à 2015 », a indiqué le rapport.

« Des preuves suggèrent que certaines de ces armes iraniennes pourraient ensuite faire l'objet d'un trafic par des réseaux criminels dans la Corne de l'Afrique depuis le Yémen (ou même être détournées alors qu'elles sont en route vers le Yémen) », a-t-il conclu.

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