Des organisations internationales et yéménites de défense de la liberté de la presse ont appelé les Houthis (Ansarallah) soutenus par l'Iran à annuler les condamnations à mort prononcées à l'encontre de quatre journalistes au début du mois.
Le 11 avril, un tribunal de Sanaa dirigé par les Houthis a ordonné l'exécution d'Abdel-Khaleq Ahmed Abdo Omran, Akram Saleh al-Walidi, Harith Hamid et Tawfiq al-Mansouri, condamnés pour « trahison et espionnage ».
Le gouvernement yéménite légitime a fait savoir que le tribunal qui a infligé ces peines n'a aucune compétence juridique, car il est dominé par les Houthis, qui ont pris le contrôle de Sanaa lors d'un coup d'État en 2014.
Les Houthis accusent ces journalistes « d'aider la coalition [arabe] » et de « répandre des nouvelles et des rumeurs » contre les Houthis, a rapporté l'avocat des journalistes Abdel Majeed Farea Sabra au Comité de protection des journalistes (CPJ) en mai dernier.
Tous quatre avaient été arrêtés en compagnie de cinq autres journalistes alors qu'ils travaillaient dans un hôtel de Sanaa en juillet 2015.
Le tribunal a également prononcé des peines de prison qui ont été commuées en temps de détention contre six autres journalistes aux mains des Houthis : Hesham Tarmoum, Hisham al-Yousifi, Essam Balghaith, Haitham al-Shihab, Hassan Anaab et Salah al-Kaedi.
Mais le tribunal a refusé de libérer les journalistes qui ont déjà purgé leur peine, selon l'un des avocats qui les représentent.
Condamnation générale
Le CPJ, la Fédération internationale des journalistes (FIJ), la Fédération des journalistes arabes, le Syndicat des journalistes yéménites (SJY), l'Organisation nationale des reporters yéménites (ONRY) et Amnesty International ont condamné cette initiative.
« Alors que le Yémen a plus que jamais besoin de nouvelles et d'informations précises, cette sanction est vraiment consternante », a déclaré Justin Shilad, chercheur senior au CPJ pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord.
« Nous demandons aux Houthis de revenir immédiatement sur cette décision et de libérer tous les journalistes qu'ils détiennent. »
Des responsables yéménites et américains ont également critiqué la décision des Houthis, l'ambassadeur des États-Unis au Yémen, Christopher Henzel, dénonçant les condamnations à mort dans un message sur les réseaux sociaux le 12 avril.
« Nous nous joignons à la communauté internationale pour demander la libération immédiate des journalistes », a-t-il écrit.
Cette décision est « une escalade visant à faire échouer les efforts déployés par l'envoyé des Nations unies pour l'échange de détenus, de prisonniers et de personnes disparues de force », a déclaré le ministère yéménite des Droits de l'homme dans un communiqué.
L'ONRY a déclaré pour sa part que cette condamnation avait été « prononcée par un juge malhonnête et un tribunal non valide ».
Dans une lettre conjointe adressée le 15 avril au secrétaire général des Nations unies António Guterres, le SJY et la FIJ ont appelé cet organisme international à « défendre les journalistes ».
Amnesty International a demandé aux Houthis « d'annuler immédiatement ces condamnations à mort, d'abandonner toutes les poursuites en cours et de libérer les dix journalistes ».
Faire taire les voix indépendantes
Le vice-ministre yéménite des Droits de l'homme Nabil Abdoul Hafeez a indiqué à Al-Mashareq que ces procès « manquaient d'objectivité et constituaient un nouveau crime contre les journalistes ».
Le gouvernement yéménite a demandé quant à lui aux Nations unies, au Conseil des droits de l'homme et à d'autres organismes « d'intervenir rapidement pour mettre fin à l'impunité des Houthis et obtenir la libération immédiate des journalistes et de tous les détenus », a-t-il déclaré.
Cette mesure est prévue par l'Accord de Stockholm et s'inscrit dans le cadre des efforts internationaux visant à garantir la libération des détenus pendant la pandémie du nouveau coronavirus (COVID-19), a-t-il ajouté.
Les quatre journalistes ont été condamnés à mort « pour aucun crime », a-t-il indiqué, notant qu'il n'y avait plus de liberté d'expression dans les zones sous le contrôle des Houthis car la milice « a réduit toutes les voix au silence ».
Les Houthis ont rendu ce jugement contre les journalistes « pour justifier leur arrestation et leur torture, et aussi pour terroriser d'autres personnes d'opinion », a expliqué le journaliste et analyste politique Waddah al-Jalil à Al-Mashareq.
« Les Houthis ciblent les journalistes et les personnes d'opinion en général parce qu'ils les considèrent comme une plus grande menace que les combattants sur les champs de bataille », a déclaré à Al-Mashareq Nabil al-Osaidi, membre du SJY.
Depuis le coup d'État de 2014, les Houthis cherchent à « museler les critiques et poursuivre, arrêter, kidnapper et torturer physiquement et psychologiquement les journalistes pour faire taire la voix de la vérité et les témoins de leurs crimes », a-t-il poursuivi.
Atteintes à la liberté de la presse
Le SJY a enregistré 31 cas d'atteintes à la liberté de la presse au Yémen au cours des trois premiers mois de l'année, a annoncé le syndicat le 6 avril.
« L'environnement de travail des journalistes est très dangereux dans toutes les régions du Yémen, et les journalistes n'ont ni les outils ni les garanties d'une protection et d'un soutien efficaces », a-t-il déploré.
La décision des Houthis intervient « pendant l'une des périodes les plus difficiles que le monde moderne ait jamais connues, la pandémie de COVID-19, » ont indiqué le SJY et la FIJ dans leur déclaration commune.
« Le monde doit être à la hauteur de la responsabilité qu'il a d'assurer la libération des journalistes des prisons des Houthis et d'autres prisons », a déclaré al-Osaidi, compte tenu des risques sanitaires auxquels ils sont confrontés et face aux inquiétudes quant à la propagation du coronavirus.