Les autorités et les enseignants du Yémen ont fait part de leur profonde préoccupation face à l'érosion du système éducatif dans les zones sous le contrôle des Houthis (Ansarallah) appuyés par l'Iran, tandis qu'un autre rapport documente les violations commises par la milice.
Cette milice tente de subvertir le système en ne respectant pas les droits des enseignants, des élèves et des écoles, ont-ils déclaré.
Selon un nouveau rapport publié par le Bureau des droits de l'homme de Sanaa, intitulé « Éducation entre érosion et sectarisation », les Houthis ont violé le processus éducatif 8 140 fois entre le 5 octobre 2019 et le 4 octobre 2020.
Le Bureau des droits de l'homme de Sanaa est actuellement basé à Marib.
Les violations documentées dans ce rapport vont d'assassinats extrajudiciaires et la mort sous la torture au renvoi et au traitement oppressif de professeurs, aux changements de programmes et à la privatisation des écoles.
Ce rapport documente le pillage des salaires et de l'aide humanitaire par la milice, le recrutement des enfants dans les écoles, les différentes formes d'abus d'enfants auxquels elle s'est livrée, sa conduite et sa promotion d'événements sectaires et d'activités dans les écoles.
Parmi les crimes documentés se trouvent quatre crimes extrajudiciaires, cinq morts sous la torture et 158 cas d'agressions physiques et de menaces de mort.
Parallèlement, l'unité de suivi a documenté 56 autres cas de blessures subies par des enseignants durant la période couverte par le rapport.
Ce rapport a également enregistré 49 cas de disparition forcée et 48 cas de torture dans les prisons de la milice, en plus de 157 cas d'enlèvements d'enseignants à la fois hommes et femmes dans des institutions d'enseignement.
Érosion du système éducatif
Toujours selon ce rapport, les Houthis ont placé 35 enseignants en résidence surveillée, et en ont jugé 23 autres pour des motifs politiques, prononçant des peines de mort dans tous les cas.
Le rapport a également enregistré 1 943 cas de mauvais traitements et de renvoi de professeurs qui étaient opposés aux Houthis, et 210 cas de restriction de liberté de mouvement.
Il a enregistré 194 cas d'intrusions dans des établissements d'enseignement, y compris dans des écoles privées, des écoles publiques et des bureaux régionaux de l'administration de l'enseignement, ainsi que dans des écoles coraniques et des instituts de formation.
Par ailleurs, 523 cas de recrutement d'enfants mineurs ont également été signalés, pour aller servir dans les rangs de la milice, 826 cas de détournement des salaires et de l'aide alimentaire allouée aux professeurs, et 146 cas de violations contre des écoles privées.
Les autres violations concernant l'empêchement fait aux enseignants de participer à des manifestations pacifiques, la conduite d'événements sectaires auxquels enseignants et élèves étaient contraints d'assister, les changements des programmes d'éducation civique et l'incitation à la violence.
Les Houthis ont le système éducatif en ligne de mire parce qu'il est opposé à leurs objectifs, a expliqué Fahmi al-Zubairi, directeur général des droits de l'homme dans le district administratif de Sanaa.
« Dès le début, après avoir pris le contrôle de la capitale Sanaa et d'autres provinces, les Houthis ont délibérément érodé le système éducatif d'une manière très provocante pour les Yéménites », a-t-il expliqué à Al-Mashareq.
Cela a commencé par la nomination de Yahya al-Houthi au poste de ministre de l'Éducation, « malgré le fait qu'il n'ait aucune qualification scientifique ni universitaire », a indiqué al-Zubairi.
Les Houthis ont également obligé professeurs et élèves à assister à des cours et à des activités destinés à recruter des combattants, a-t-il ajouté.
Ils ont utilisé les écoles et les institutions d'enseignement comme plateformes de mobilisation, a-t-il poursuivi, et ont cherché à vider de leur substance et militariser les institutions d'enseignement.
Enseignants chassés de leur profession
Le système éducatif a été diminué par suite des directives des Houthis, « qui s'attachent avant tout aux activités du groupe et non au processus éducatif », a affirmé Ashwaq Mohammad, vice-directrice d'une école privée de Sanaa.
Les enseignants ont été chassés de la profession par peur pour leur sécurité au vu des agissements et des violations commises par les Houthis, a-t-elle ajouté.
« Certains ont tenté de chercher un travail dans les régions contrôlées par le gouvernement, d'autres ont tout simplement abandonné le métier d'enseignant et cherché à quitter le pays », a-t-elle poursuivi, d'autres encore ont accepté les emplois qui se présentaient, y compris des petits travaux.
Le non-paiement des salaires des fonctionnaires n'a fait qu'accentuer cette tendance, a ajouté Mohammad.
« Les écoles ont été vidées de leurs professeurs expérimentés, à de rares exceptions près, ce qui a eu un impact sur la qualité de l'éducation, parce que l'enseignant est un pilier essentiel du succès du processus d'enseignement », a-t-elle ajouté.
Ibtisam Abdel Aziz, une professeure des écoles, a expliqué à Al-Mashareq qu'elle avait quitté le système de l'enseignement public en raison de la coupure des salaires.
Elle a indiqué qu'un facteur jouant dans sa décision de partir avait été qu'aucune norme n'était appliquée dans les écoles, qui étaient, a-t-elle expliqué, administrées selon le bon vouloir et les caprices des Houthis.
« Dans l'enseignement privé, la situation n'est pas meilleure, mais les écoles ont essayé de trouver un équilibre entre les exigences des Houthis et l'attention portée à l'enseignement », a indiqué Abdel Aziz.
Ces écoles tentent de dispenser le meilleur enseignement possible, « malgré les fortes pressions auxquelles elles sont confrontées », a-t-elle conclu.