Droits de l'Homme

Déplacements au Yémen : fuir la mort pour affronter le danger

Nabil Abdoullah al-Tamimi à Aden

Les Houthis soutenus par l'Iran au Yémen ont ciblé les puits qui fournissent de l'eau potable aux déplacés. Un enfant yéménite déplacé dans la province de Hajjah en 2020. [Essa Ahmed/AFP]

Les Houthis soutenus par l'Iran au Yémen ont ciblé les puits qui fournissent de l'eau potable aux déplacés. Un enfant yéménite déplacé dans la province de Hajjah en 2020. [Essa Ahmed/AFP]

Des milliers de Yéménites ont fui leurs foyers cette année en raison du conflit en cours, alors que les récentes vagues de déplacement sont provoquées par les attaques des Houthis, soutenus par l'Iran, contre Marib et d'autres provinces contrôlées par le gouvernement, indiquent les responsables.

L'Organisation internationale pour les migrations (OIM) a annoncé que 24 000 familles du Yémen ont été déplacées au moins une fois de janvier à septembre.

Dans un article publié sur les réseaux sociaux le 9 octobre, cette agence des Nations unies a déclaré qu'elle aidait actuellement plus de 13 000 familles vivant dans 55 sites de déplacement à travers le pays.

Umm Muhammad, une veuve d'une quarantaine d'années, a été déplacée à plusieurs reprises avec ses quatre enfants, dont un nourrisson souffrant de malnutrition, alors qu'ils fuyaient les bombardements houthis dans la province d'al-Jawf.

Des Yéménites déplacés se rassemblent devant une clinique mobile mise en place par une organisation médicale locale à Bani Hasan en 2018. [Essa Ahmed/AFP]

Des Yéménites déplacés se rassemblent devant une clinique mobile mise en place par une organisation médicale locale à Bani Hasan en 2018. [Essa Ahmed/AFP]

Elle a indiqué à Al-Mashareq que ces déplacements sont potentiellement mortels, à cause des conditions difficiles dans les camps, notamment l'accès insuffisant à la nourriture, à l'argent et aux soins de santé.

« J'ai l'impression d'être en voyage vers un destin inconnu, de vivre une mort lente », a-t-elle déclaré.

« Attaques délibérées contre les camps »

Mourad al-Gharati, membre du conseil consultatif au ministère yéménite des Droits de l'homme, a déclaré à Al-Mashareq que la vague de déplacements signalée par les Nations unies était le résultat d'attaques houthies contre Marib, al-Jawf, al-Bayda, al-Dhale et certaines zones d'al-Hodeidah.

La plupart des déplacés internes (DI) vivent dans la province de Marib, qui compte 140 camps et plus de 1,8 million de DI, a-t-il déclaré.

« Une augmentation du nombre de DI et une diminution de l'aide ont mis en danger la vie des personnes déplacées », a-t-il fait savoir, ajoutant que les zones résidentielles sont délibérément visées par les Houthis, déclenchant une vague de déplacements forcés afin que ces lieux puissent être utilisés comme sites militaires.

Al-Gharati a indiqué que les camps reçoivent une aide distribuée par l'OIM, la Croix-Rouge et le Centre d'aide et de secours humanitaire King Salman (KSrelief), « mais cela ne suffit pas ».

Le nombre croissant de DI qui fuient vers la province de Marib a mis en difficulté les hôpitaux de la ville, ce qui a un impact négatif sur la qualité des services, a déclaré à Al-Mashareq le Dr Ali al-Saidi, directeur de la maternité et de l'hôpital pour enfants Al-Shaheed Mohammed Hael de Marib.

Les puits sont ciblés par des missiles

Les Houthis pointent des missiles vers les installations qui fournissent des services aux DI, a rapporté Seif Muthanna, directeur de l'unité exécutive pour les DI à Marib.

La milice a ciblé des puits qui fournissent de l'eau potable aux camps de DI, a-t-il indiqué à Al-Mashareq.

Fin août, les milices houthies ont attaqué le seul puits du district de Medghal, qui alimente en eau potable les habitants du district et les camps de déplacés, a-t-il rapporté.

« Le gouvernement local essaie de fournir des puits alternatifs à l'usage du public et des DI », a fait savoir al-Saidi.

Les souffrances des DI ont encore été aggravées par la réduction par les Nations unies de leurs programmes d'aide en raison de coupes budgétaires, a déclaré à Al-Mashareq Ahmed al-Mesbahi, militant des droits de l'homme.

La réduction des services de santé a été particulièrement préjudiciable aux Yéménites déplacés, car le secteur de la santé du pays s'est effondré depuis le début de la guerre en 2015, a-t-il déclaré.

« Cette réduction est due au manque de financement et aux obstacles logistiques imposés par la milice houthie », a-t-il noté.

Les Houthis ont exacerbé la crise des déplacés en attaquant les civils qui vivent à proximité des zones sous leur contrôle, a déclaré al-Mesbahi, ajoutant que ce déplacement forcé cherche à vider ces zones de leurs habitants.

« En attendant, les tentatives des DI de fuir la mort dans leurs villes natales ne sont peut-être qu'un voyage vers la pauvreté, la faim et la maladie », a-t-il conclu.

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