La politique intérieure et étrangère du régime iranien a fait de la République islamique l'un des pays les plus isolés et les plus discrédités au monde, ont déclaré des analystes économiques à Al-Mashareq.
Les signes de l'isolement politique et économique de l'Iran deviennent chaque jour plus apparents, et ont même suscité l'inquiétude de certains responsables iraniens.
Afshar Soleimani, ancien ambassadeur d'Iran en Azerbaïdjan, a exprimé ces préoccupations après que le ministre iranien des Affaires étrangères Mohammad Javad Zarif se fut abstenu d'assister au Forum économique mondial de Davos en Suisse fin janvier.
Zarif devait y assister après avoir reçu une invitation personnelle, mais les plans ont changé, a rapporté le porte-parole du ministère des Affaires étrangères Abbas Mousavi lors d'une conférence de presse à Téhéran le 20 janvier.
Les tensions entre l'Iran et les États-Unis ont atteint leur point culminant avant la réunion de Davos, après qu'une attaque de drones américains le 3 janvier à Bagdad a tué Qassem Soleimani, commandant du Corps des Gardiens de la révolution islamique (CGRI).
L'Iran a tiré des missiles contre des troupes américaines stationnées en Irak le 8 janvier, et quelques heures plus tard, les militaires iraniens ont abattu un avion de ligne ukrainien, ce que le gouvernement a ensuite admis être une « erreur catastrophique ».
La tentative de dissimulation de l'incident par le régime a porté atteinte à la crédibilité de Téhéran, qui avait déjà été mise à mal après des mois de répression brutale contre les manifestants en Iran. Et la mauvaise gestion du CGRI face au coronavirus l'a encore fragilisé.
Isolement économique complet
Mi-février, le Groupe d'action financière (GAFI) a porté l'Iran sur sa liste noire pour son manque de progrès dans l'adoption d'une législation contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme (LAB/CFT).
« L'Iran s'est dit être enfin prêt à mettre en place des contrôles de base pour lutter contre les financements illégaux, mais le régime n'a pas respecté ses engagements », a fait savoir le 21 février le secrétaire américain au Trésor Steven Mnuchin.
Dans une déclaration faite le 19 février sur Radio Farda, Jason M. Brodsky, directeur des politiques de United Against Nuclear Iran, a indiqué que le Conseil des gardiens et le Conseil de discernement iraniens avaient bloqué les tentatives du gouvernement d'éviter la liste noire financière mondiale.
Le Conseil de discernement « doit accepter la responsabilité de ses propres décisions et expliquer pour quelle raison il s'est opposé [à rejoindre le GAFI] alors que le gouvernement et le parlement l'avaient approuvé », a déclaré l'économiste iranien Mahdi Pazouki à Al-Mashareq.
« Ce genre de problèmes conduiront sans aucun doute l'Iran à l'isolement international. »
L'analyste économique Hossein Rajabi a déclaré pour sa part que l'Iran était devenu le pays le plus isolé du monde après la Corée du Nord.
« Malheureusement, la politique étrangère de l'Iran a été établie sur la base de la création d'une instabilité et de tensions régionales », a-t-il indiqué à Al-Mashareq.
« Pour cette raison, des individus comme Qassem Soleimani et d'autres comme lui ont eu et ont toujours plus d'influence sur la politique étrangère de l'Iran », a-t-il expliqué. « C'est cette même politique qui a causé l'isolement sans précédent de l'Iran dans le monde. »
La Chine et la Russie sont des alliés peu fiables pour l'Iran
« Bien que la création de tensions se fasse au détriment de l'Iran, l'utilisation de la "carte Iran" s'est transformée en un plan à long terme par les rivaux mondiaux de l'Amérique, qui appellent même à un accroissement des tensions entre l'Iran et les États-Unis », a fait savoir Rajabi.
Les alliés de l'Iran, dont la Chine et la Russie, utilisent la "carte Iran" uniquement pour renforcer leur pouvoir de négociation avec les États-Unis », a-t-il déclaré, soulignant que la Chine et la Russie sont les pays qui ont le plus profité des sanctions contre l'Iran.
Il y a quelques années, le président de la Chambre de commerce mixte Iran-Chine, Asadollah Asgaroladi, a révélé que dans le cadre d'un accord passé entre les deux pays, « 65 % de l'argent du pétrole que l'Iran vend à la Chine reviendraient à l'Iran sous forme de marchandises chinoises », a expliqué Rajabi.
« Dans le même temps, des milliards de dollars de la dette chinoise envers l'Iran ont été bloqués, et même après la levée des sanctions [sous l'ancien président américain Barack Obama], ces fonds n'ont pas été restitués à l'Iran ».
« Si la Chine se comporte de cette façon en prétendue alliée de l'Iran de cette façon, on ne doit pas s'attendre à ce que les autres aient un meilleur comportement », a-t-il poursuivi.
Le ministre iranien du Pétrole Bijan Namdar Zangeneh « a admis à plusieurs reprises que les exportations de pétrole sont aujourd'hui très faibles », a rapporté Rajabi.
« Il explique que de nombreux projets pétroliers ont dû être arrêtés par manque d'argent, et pourtant [le ministère du Pétrole] n'a pas publié le montant de la production et des exportations de pétrole, parce que, selon lui, 'des ennemis pourraient nous entendre' », a-t-il poursuivi.
« Zangeneh et d'autres responsables de la République islamique n'expliquent cependant pas pourquoi ils sont devenus si inefficaces », a-t-il ajouté.
« Pourquoi les sanctions unilatérales d'un pays ont-elles uni le monde entier contre l'Iran ? Pourquoi les sanctions américaines contre l'Iran ont-elles suscité une solidarité mondiale totale », a demandé Rajabi ? « Si le gouvernement iranien avait la moindre crédibilité, le monde entier et même les soi-disant alliés de l'Iran adhéreraient-ils à ces sanctions ? »
Abandon des accords énergétiques avec l'Asie centrale
L'abandon par Téhéran de tous les projets énergétiques importants dans la région, y compris en Asie centrale, est un autre indicateur de l'affaiblissement de la position mondiale de l'Iran, a affirmé Rajabi.
« Même les voisins régionaux de l'Iran ont pris leurs distances avec lui, politiquement et économiquement », a-t-il déclaré.
« À la fin de l'automne dernier, l'oléoduc [Trans-Anatolian Natural Gas Pipeline] a été ouvert, qui va de l'Azerbaïdjan et de la Turquie vers l'Europe », a-t-il indiqué.
« Ce projet, qui a débuté il y a quelques années, a complètement laissé de côté l'Iran. Alors que l'Iran aurait pu être le plus grand exportateur de gaz vers l'Europe, [...] il n'a jamais été proposé comme option. »
« L'Iran n'a pas non plus été en mesure de jouer un rôle dans le développement des champs pétrolifères azerbaïdjanais », a souligné Rajabi. « La contribution de l'Azerbaïdjan à l'isolement de l'Iran a été de plusieurs milliards de dollars en exportations de gaz et en proximité stratégique avec l'Europe. »
« Un autre exemple est le projet pétrolier et gazier du Kazakhstan, qui a été conçu en coopération avec le Turkménistan et l'Ouzbékistan pour des exportations vers la Chine », a-t-il déclaré. « On raconte même que l'objectif ultime de la Chine est de réduire sa dépendance au pétrole de l'Iran. »
« Des dizaines de projets pétroliers sont en cours dans la région, et l'Iran ne participe à aucun d'entre eux », a-t-il déclaré. « C'est pour cette raison que je pense que l'Iran est le pays le plus isolé du monde après la Corée du Nord. »