Économie

Investir en Iran sous un régime de sanctions américaines, une perte pour la Chine

Behrouz Laregani

Le président chinois Xi Jinping, en visite en Iran en 2019, aux côtés du président iranien Hassan Rohani. [Photo via Fararu]

Le président chinois Xi Jinping, en visite en Iran en 2019, aux côtés du président iranien Hassan Rohani. [Photo via Fararu]

Les détails d'un nouvel accord de partenariat stratégique entre l'Iran et la Chine n'ont pas encore été rendus publics, mais ils ont déjà suscité beaucoup de controverse en Iran.

L'année dernière, le ministre iranien des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, avait rendu visite à son homologue chinois, Wang Li, pour lui présenter une feuille de route pour cet accord sur 25 ans, proposé pour la première fois en 2016.

Le cabinet du président Hassan Rohani l'a approuvée en juin dernier, mais il n'a pas encore été soumis à l'approbation du parlement iranien ni rendu public.

Cet « accord échelonné sur 25 ans pourrait marquer un changement important dans le secteur mondial des hydrocarbures », avait déclaré le magazine Petroleum Economist en septembre 2019.

Cette publication citait des sources iraniennes déclarant que le pilier de cet accord était l'investissement chinois de 280 milliards de dollars dans les secteurs pétrolier, gazier et pétrochimique de l'Iran.

La Chine investira 120 milliards de dollars supplémentaires pour améliorer les infrastructures de transport et industrielles d'Iran, conformément à l'initiative chinoise « Belt and Road », poursuivait cet article.

La Chine compte utiliser la main-d'œuvre bon marché disponible en Iran pour construire des usines conçues et supervisées par de grandes entreprises industrielles chinoises.

Si les avantages pour les deux pays sont présentés comme nombreux, la Chine prend un risque énorme en investissant en Iran, visé par des sanctions américaines dans plusieurs secteurs, précisent les observateurs.

Une grande entreprise chinoise sanctionnée

Deux unités de COSCO, le plus grand réseau de transport chinois, ont déjà été sanctionnées par les États-Unis en septembre dernier en raison de leur complicité dans le contournement des sanctions contre l'Iran.

COSCO possède environ 4 % de tous les superpétroliers du monde.

L'embargo contre COSCO a immédiatement provoqué une augmentation du prix des livraisons de pétrole en Asie et a augmenté les coûts mondiaux d'environ 30 %.

La situation a atteint le point où des représentants du gouvernement chinois ont exigé la levée des sanctions contre l'entreprise lors de négociations commerciales avec les États-Unis en janvier. Les sanctions ont finalement été levées pour l'une des deux unités.

Il est à noter que les bénéfices de COSCO en 2019 ont été 28 fois supérieurs au montant que l'Iran espère que la Chine y investira dans le cadre de l'accord, soit environ 400 milliards de dollars, a fait savoir l'économiste iranienne Moloud Zahedi à Al-Mashareq.

Il semble très peu probable que la Chine renonce à son plus grand marché d'exportation, les États-Unis, en investissant excessivement en Iran, a déclaré Zahedi.

La Chine exporte des centaines de milliards de dollars de biens et services vers les États-Unis chaque année, a-t-elle déclaré. Si les États-Unis imposent des sanctions aux entreprises ou aux citoyens chinois pour leurs activités liées à l'Iran, la Chine perdra des segments importants de ses marchés mondiaux, dont on estime qu'ils rapportent plusieurs fois le profit potentiel des investissements en Iran.

Après que les États-Unis ont imposé des sanctions unilatérales à la République islamique en 2017, la Chine s'est retirée de la 11e phase du plan de développement du champ pétrolifère de South Pars.

La Chine n'était pas seule ; la société française Total a également quitté le consortium franco-chinois pour une coopération dans le champ pétrolier de South Pars, ce qui montre que les répercussions de ces sanctions vont bien au-delà de l'Iran et ont déjà atteint la Chine et certains pays européens.

Colère de l'opinion publique iranienne contre la présence de la Chine

En raison de la campagne de « pression maximale » des États-Unis et du manque de matières premières importées pour la production, l'industrie manufacturière iranienne a totalement cessé de fonctionner depuis 2017. Les marchés iraniens sont saturés de produits chinois importés.

Fariborz Etemad, un économiste basé en Iran, a évoqué le mécontentement général des Iraniens à l'égard des produits chinois de mauvaise qualité dans le pays, qui a conduit certains Iraniens à lancer une campagne contre l'achat de produits chinois au cours des deux dernières années.

Une grande partie de l'opinion publique iranienne est opposée à la présence chinoise sur la scène économique iranienne, a-t-il expliqué à Al-Mashareq.

« Bien que la saturation continue des marchés iraniens par des produits chinois donnerait une marge de sécurité au gouvernement iranien, elle augmenterait également le mécontentement de l'opinion iranienne à l'égard de la Chine », a-t-il ajouté.

« L'incapacité des dirigeants de la République islamique à répondre aux besoins de la population iranienne est telle que la présence de la Chine ne suffit pas à la compenser », a-t-il poursuivi.

Parallèlement, les relations commerciales de la Chine avec l'Arabie saoudite doivent également être prises en considération, a déclaré Etemad.

« En raison de son besoin croissant en pétrole importé, la Chine a cherché à établir un solide ancrage en Arabie saoudite ces dernières années », a-t-il indiqué. « Elle traite avec l'Arabie saoudite et l'Iran, qui sont des rivaux régionaux, d'une manière qui ne dérange ni l'un ni l'autre. Cela se fait à travers une politique de satisfaction des deux parties. »

Cependant, « si le soi-disant accord [entre la Chine et l'Iran] est mis en œuvre, la Chine devra renoncer au pétrole saoudien, ce qui pourrait ne pas être à son avantage », a-t-il déclaré.

La Chine n'est pas susceptible de choisir l'Iran plutôt que les États-Unis

Après l'annonce de l'accord, les médias affiliés au CGRI ont lancé une campagne de propagande massive sur la présence économique de la Chine en Iran, la décrivant comme la « nouvelle route de la soie ».

Cette campagne semble indiquer aux Chinois qu'il existe pour eux un marché encore plus vaste que celui qu'ils ont pu atteindre jusqu'à présent en Iran, où la main-d'œuvre est également bon marché, a expliqué à Al-Mashareq un éminent journaliste vivant en Iran, qui a demandé à rester anonyme.

Toutefois, mettre en péril ses relations avec les États-Unis ne serait pas profitable pour la Chine, comme cela a déjà été démontré avec les sanctions, a-t-il déclaré.

La plupart des gens considèrent cette propagande du CGRI avec scepticisme, a-t-il ajouté.

« La majorité des gens disent que c'est juste une nouvelle façon de voler pour le régime et le CGRI, et que des cas majeurs de détournement de fonds seront bientôt révélés », a-t-il conclu.

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