Criminalité et Justice

Les Houthis exploitent la crise du coronavirus pour s'enrichir

Nabil Abdoullah al-Tamimi à Aden

Des femmes achètent des désinfectants pour les mains et les surfaces le 2 avril sur un marché de Sanaa, ville tenue par les Houthis, en raison des inquiétudes suscitées par la pandémie du nouveau coronavirus. [Mohammed Huwais/AFP]

Des femmes achètent des désinfectants pour les mains et les surfaces le 2 avril sur un marché de Sanaa, ville tenue par les Houthis, en raison des inquiétudes suscitées par la pandémie du nouveau coronavirus. [Mohammed Huwais/AFP]

Les Houthis (Ansarallah), soutenus par l'Iran, imposent des taxes aux citoyens et aux commerçants yéménites, prétendant que l'argent qu'ils collectent sert à combattre la pandémie du nouveau coronavirus (COVID-19), ont rapporté des responsables et des observateurs yéménites.

Mais beaucoup pensent que les Houthis utilisent en réalité ces fonds pour financer leur effort de guerre.

Dans un entretien accordé à un média local, le ministre yéménite de l'Information Mouammar al-Eryani a déclaré que les Houthis exploitaient la lutte contre le coronavirus pour se livrer à des extorsions à leurs propres fins.

Selon certains médias favorables aux Houthis, a-t-il indiqué, la milice a appelé ses partisans à se rendre sur les fronts de bataille et à se battre, plutôt que de mourir chez eux « comme des chameaux ».

« Cet appel exploite la peur des civils d'une possible propagation du virus pour les mobiliser sur les fronts de bataille », a-t-il déclaré, ajoutant que cela sert le programme de leur principal soutien et facilitateur, l'Iran.

Le 2 avril, la Banque centrale du Yémen à Sanaa, contrôlée par les Houthis, a annoncé par le biais de médias pro-Houthis que la Banque centrale et CAC Bank et leurs succursales allaient recevoir des dons pour la lutte contre le coronavirus.

Entre-temps, les Houthis ont imposé des tributs et des taxes aux magasins et autres établissements sous prétexte de collecter des fonds pour la lutte contre le virus, et ont forcé les commerçants à donner de l'argent pour cette cause.

Le Yémen a signalé son premier cas de coronavirus vendredi 10 avril dans la province méridionale de l'Hadramaout, a rapporté l'AFP.

« Ce cas est en isolement et en traitement et tous ses contacts connus sont répertoriés et mis en quarantaine », a déclaré l'Organisation mondiale de la santé sur Twitter.

« L'OMS travaille en étroite collaboration avec [le ministère de la Santé] pour s'assurer que d'autres mesures d'endiguement rapide sont prises ».

« Mesures arbitraires »

Les Houthis « utilisent la crise de l'épidémie de coronavirus pour imposer des mesures arbitraires, comme l'imposition d'amendes et l'intensification de la collecte de cotisations », a expliqué le vice-ministre des Droits de l'homme Nabil Abdoul Hafeez à Al-Mashareq.

Ils le font « pour financer leur guerre et enrichir leurs dirigeants, a-t-il affirmé, sans mettre en œuvre de véritables mesures destinées à arrêter la propagation de la pandémie ».

« Les miliciens houthis mènent une campagne d'inspection pour contrôler l'application des mesures sur les marchés et dans les magasins, et obligent les propriétaires de magasins à les appliquer afin d'imposer des sanctions financières », a-t-il déclaré.

Mohamed Saeed, propriétaire d'un restaurant à Sanaa, a rapporté à Al-Mashareq que des miliciens houthis armés lui avaient demandé de « leur dire combien d'employés travaillent au restaurant ».

Ils ont ensuite « imposé une taxe de 3000 riyals yéménites (12 USD) par travailleur pour prélever des échantillons de sang afin de tester l'infection par le virus , a-t-il déclaré.

« Quatre jours se sont écoulés et je n'ai aucune idée de qui a pris les échantillons de sang ni des résultats des tests », a indiqué Saeed, ajoutant qu'il ne sait même pas si les tests ont bien été effectués, mais qu'il ne pouvait pas refuser les demandes des militants.

Les commerçants sont obligés de faire des dons

« Les Houthis ont contraint les gros commerçants à faire des dons, sous prétexte de soutenir l'effort social visant à lutter contre la pandémie », a déclaré l'économiste Abdoul Aziz Thabet à Al-Mashareq.

La milice a également « mené des campagnes d'inspection pour contrôler le respect des mesures préventives par les marchés et les magasins », a ajouté Thabet.

La plupart des magasins ont payé des amendes pour ne pas avoir pleinement adhéré aux mesures de prévention ou pour ne pas avoir satisfait aux exigences en matière de santé des travailleurs et des clients, a-t-il indiqué.

« Il y a une forte demande sur le marché pour le matériel de nettoyage et les masques, ce qui a fait grimper les prix à plusieurs reprises et les a fait disparaître du marché », a-t-il déclaré.

Il a accusé les Houthis de négligence à cet égard, notant qu'au lieu d'empêcher les prix abusifs et d'assurer un approvisionnement suffisant en produits essentiels, ils ont concentré toute leur attention sur l'imposition de taxes et d'amendes.

Diffusion de fausses informations

L'analyste politique Faisal Ahmed a critiqué les médias houthis qui ont appelé les partisans de la milice à partir sur les fronts en prétextant qu'ils éviteraient ainsi le risque d'infection, car il n'y a « pas de mélange là-bas ».

« Les Houthis ne se préoccupent pas de la vie ou de la santé des civils autant qu'ils se préoccupent de leurs propres intérêts, en servant leurs dirigeants et en mettant en œuvre le programme iranien au Yémen », a-t-il affirmé à Al-Mashareq.

Ahmed a déclaré que depuis que les Houthis ont interdit les visites des familles à la prison centrale de Sanaa, ils ont imposé des taxes allant jusqu'à 2000 riyals (8 USD) aux familles pour la livraison de repas aux détenus.

Il s'est dit préoccupé par le fait que les Houthis pourraient envoyer « au front » des prisonniers libérés de la prison centrale de Sanaa et d'autres prisons qu'ils contrôlent sous prétexte de prévenir la propagation du virus.

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