Manifestations

Des vidéos iraniennes sur internet révèlent l'ampleur de la répression

AFP

Des Iraniens se rassemblent le 20 novembre à Shahriar, à l'ouest de Téhéran, devant une agence postale endommagée lors de manifestations contre la hausse des prix de l'essence. [Atta Kenare Atta/AFP]

Des Iraniens se rassemblent le 20 novembre à Shahriar, à l'ouest de Téhéran, devant une agence postale endommagée lors de manifestations contre la hausse des prix de l'essence. [Atta Kenare Atta/AFP]

Des vidéos montrant des scènes effrayantes de manifestants en sang, de barrages routiers en flammes et de tireurs d'élite sur les toits sont apparues après que l'Iran a levé un blocage quasi total d'internet, laissant voir ce que les analystes considèrent comme l'une des répressions les plus sanglantes de Téhéran.

Cette répression « a été plus dure » que lors des précédentes manifestations en Iran, a déclaré à l'AFP de Nicosie Kamran Matin, maître de conférences en relations internationales à l'université du Sussex au Royaume-Uni.

« Toutes les vidéos que j'ai vues avant la coupure d'internet montrent qu'il s'est passé peu de temps entre le moment où les gens se sont rassemblés jusqu'à ce qu'il ait été ordonné de 'tirer pour tuer'. »

Les manifestations qui ont éclaté dans le pays à partir du 15 novembre ont été déclenchées par une hausse des prix du carburant, un produit de base fortement subventionné dans l'un des plus grands producteurs de l'OPEP, dans le cadre d'un effort visant à réduire la pression des sanctions sur l'économie.

Mais le fait que le monde entier avait connaissance de ces manifestation et que la plupart des Iraniens pouvaient accéder au reste du monde ont été rapidement coupés lorsque les autorités ont sévi contre l'accès à internet, selon NetBlocks, qui surveille les perturbations du réseau.

Les manifestants « expriment leurs frustrations »

Alors qu'internet était progressivement restauré une semaine plus tard, les événements sont progressivement apparus plus clairement.

De nombreuses vidéos provenant de quelques-unes des 100 zones estimées où des manifestations ont éclaté semblent montrer les forces de sécurité tirant à bout portant sur des manifestants non armés ou les frappant avec des matraques.

Des images tremblantes montrent des gens ensanglantés dans la rue et des cris de panique pendant que d'autres se précipitent à leur aide.

On entend les foules scander des slogans contre l'appareil de sécurité et l'élite dirigeante, exprimant leurs frustrations face à l'inflation et au chômage élevés.

L'Iran « n'a jamais donné une telle impression de désespoir et de tristesse », a déclaré un Iranien vivant à l'étranger qui était dans le pays pendant les troubles, demandant à rester anonyme.

Des magasins, des banques, des stations-service et des voitures de police ont été incendiés, et les principales artères de circulation ont été bloquées par des bennes renversées et des pneus en feu.

Dans une vidéo d'un quartier de l'est de Téhéran vérifiée par Amnesty International, groupe de défense des droits de l'homme basé à Londres, un groupe de forces de sécurité arrive depuis l'arrière d'un bâtiment et tire sur des manifestants dans la rue.

Une autre montre plusieurs personnes armées en uniforme sombre tirant à plusieurs reprises sur des personnes depuis le toit d'un bâtiment gouvernemental à Javanrud, à l'ouest de Téhéran, dans la province de Kermanshah.

Les zones occidentales ethniquement kurdes et la province majoritairement arabe du Khuzestan ont été les premiers foyers de troubles, a fait savoir Matin.

Les familles des victimes menacées

La chercheuse d'Amnesty International Raha Bahreini a écrit lundi dans le New York Times que les autorités avaient déjà eu recours dans le passé à une force excessive contre des manifestants pacifiques, mais « cette fois-ci, nous avons assisté à un recours sans précédent à la force léthale contre des manifestants désarmés. »

Amnesty International indique que 208 personnes seraient mortes, et le chiffre réel devrait être beaucoup plus élevé.

Selon Amnesty, « les familles des victimes ont été menacées et averties de ne pas parler à la presse ».

Certaines le font encore, comme la famille de Pooya Bakhtiari, l'une des personnes dont la mort a été confirmée par l'organisation de défense des droits de l'homme.

Les vidéos envoyées par la famille au militant Masih Alinejad, qui habite aux États-Unis, commencent par un avertissement. Dans une morgue, quelqu'un ouvre un sac pour révéler le cadavre de Bakhtiari, montrant où il a apparemment été touché à la tête par une balle.

Mais pour beaucoup d'autres, la crainte de représailles est un moyen de dissuasion efficace.

Le journaliste Mohammad Mosaed aurait été arrêté après avoir contourné le blocage de Twitter : « Bonjour au monde libre ! J'ai utilisé 42 proxies pour écrire ça ! Des millions d'Iraniens n'ont pas internet. Vous nous entendez ? »

Kaveh Azarhoosh, directeur de recherche chez Small Media, qui surveille l'accès à l'information et les droits numériques en Iran, a rapporté que de nombreux Iraniens craignent probablement de publier directement des vidéos, choisissant souvent de les envoyer à des journalistes et des militants à l'étranger.

« Les responsables politiques se sont rendu compte qu'il n'est pas possible de contrôler le comportement en ligne en se contentant de contrôler la connectivité ; il faut aussi qu'il y ait un élément de peur hors ligne », a-t-il conclu.

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