Droits de l'Homme

Les services de santé yéménites affaiblis par la suspension des salaires

Nabil Abdoullah al-Tamimi à Aden

Des enfants yéménites déplacés reçoivent un examen médical dans un camp de fortune dans la province de Hajjah, au nord du pays, le 14 juillet. [Essa Ahmed/AFP]

Des enfants yéménites déplacés reçoivent un examen médical dans un camp de fortune dans la province de Hajjah, au nord du pays, le 14 juillet. [Essa Ahmed/AFP]

Les services de santé dans certaines parties du Yémen contrôlées par les Houthis soutenus par l'Iran (Ansarallah) ont été gravement affaiblis en raison de la suspension des salaires dans le secteur public, ont rapporté des experts à Al-Mashareq.

Les récentes inondations éclair, conjuguées au mauvais entretien des systèmes de gestion des déchets et au manque d'accès à l'eau potable ou à l'irrigation, ont accéléré la propagation du choléra, ont-ils fait savoir.

Entre janvier et début juillet, plus de 460 000 cas suspectés de choléra ont été recensés, dont environ 200 000 concernant des enfants. Sur l'ensemble de l'année 2018, en comparaison, le nombre total de cas suspects s'élevait à 380 000.

Depuis le début de l'année, 705 décès ont été enregistrés à la suite de cas suspectés de choléra, contre 75 pour la même période l'année dernière.

Un infirmier prépare du lait le 22 juin pour des enfants souffrant de malnutrition dans un centre de traitement de la maternité al-Sabeen dans la ville de Sanaa, laquelle est contrôlée par les Houthis. [Mohammed Huwais/AFP]

Un infirmier prépare du lait le 22 juin pour des enfants souffrant de malnutrition dans un centre de traitement de la maternité al-Sabeen dans la ville de Sanaa, laquelle est contrôlée par les Houthis. [Mohammed Huwais/AFP]

Dans un rapport du 30 juin, le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF) a mis en garde contre la détérioration des services de base causée par la suspension des salaires dans le secteur public.

« Alors que le conflit au Yémen entre dans sa cinquième année, les salaires de plus de 1,25 million de fonctionnaires, dont des médecins, des travailleurs sociaux et d'autres agents du secteur public, sont suspendus depuis plus de deux ans et demi », a dit l'UNICEF.

La suspension des salaires a entraîné la fermeture ou la réduction du nombre d'heures d'ouverture d'établissements de santé, des services d'eau et d'assainissement, d'écoles et d'autres services sociaux de base, précisait le rapport.

Seulement 51 % de tous les établissements de santé sont encore pleinement opérationnels, et même ceux-là souffrent d'une grave pénurie de médicaments, d'équipement et de personnel, a-t-il ajouté.

Le taux de mortalité maternelle a fortement augmenté pendant la guerre, passant de cinq décès par jour en 2013 à 12 décès en 2018, selon le rapport, notant que « lorsqu'une mère meurt, cela augmente fortement le risque de décès de ses enfants ».

Un nourrisson dont la mère est décédée court un risque plus élevé de décès, soit directement à cause de la malnutrition, soit indirectement en raison d'une exposition accrue à l'infection.

Les suspensions salariales déclenchent l'effondrement

L'effondrement des secteurs de la santé et de l'éducation a été déclenché par la suspension des salaires, dont l'impact direct et indirect a aggravé les souffrances des populations, a déclaré le vice ministre des Droits de l'homme Nabil Abdoul-Hafeez.

En termes d'impact direct, la suspension prolongée des salaires a rendu les gens incapables de se payer des soins médicaux et des besoins scolaires de base, a-t-il expliqué à Al-Mashareq.

« L'impact indirect se reflète dans les mauvais résultats des travailleurs des secteurs de la santé et de l'éducation », a-t-il poursuivi, car le taux de productivité dans ces deux secteurs est inférieur de moitié à ce qu'il était lorsque les travailleurs étaient payés.

Abdoul-Hafeez a souligné que les Houthis, qui sont soutenus par l'Iran, ont « éludé le paiement des salaires des employés dans les zones sous leur contrôle ».

Les employés du secteur public ne touchent que la moitié de leur salaire environ tous les quatre mois, a-t-il fait savoir, ajoutant que les Houthis « utilisent des moyens de pression et des méthodes coercitives pour forcer le personnel de santé et d'éducation à travailler ».

Cela a eu « un impact négatif direct sur les performances des travailleurs de ces secteurs », a-t-il affirmé, et sur le secteur de la santé en particulier.

Les Émirats arabes unis ont fourni une aide qui devait servir à payer 50 dollars par mois à chaque enseignant pour poursuivre le travail, a-t-il rapporté.

Certains ne recevaient que 2 dollars par mois, tandis que 800 000 autres n'étaient pas payés, « parce que les Houthis distribuaient l'argent aux partisans qu'ils avaient nommés à la place des enseignants d'origine ».

« Les Houthis augmentent délibérément la souffrance des Yéménites en utilisant la faim, l'ignorance et la maladie comme outils pour soumettre, humilier et mettre les masses à genoux », a déclaré Abdoul-Hafeez.

Le secteur de la santé en fort déclin

« Certains employés se sont rendus à Aden pour recevoir leur salaire, mais ont été arrêtés à leur retour à Sanaa », a relaté Abdoul-Hafeez, tandis que d'autres ont été arrêtés chez eux.

Les Houthis accusent ceux qui reçoivent leur salaire du gouvernement légitime d'Aden « d'être des mercenaires et des traîtres », a-t-il déclaré.

La suspension des salaires a contribué à une stagnation économique plus large, les entreprises telles que les restaurants et les magasins voyant leurs revenus diminuer, a indiqué le politologue Waddah al-Jalil à Al-Mashareq.

« La suspension des salaires a également forcé de nombreuses familles d'employés [du secteur public] à retourner dans leurs villages, parce qu'elles ne sont pas en mesure de payer leur loyer », a-t-il indiqué.

De nombreuses personnes ont été contraintes de chercher d'autres sources de revenus, a-t-il ajouté.

Les services de santé se sont notablement détériorés, a déploré al-Jalil, « car de nombreux membres du personnel médical ont quitté le pays pour chercher du travail ailleurs ».

Les hôpitaux publics qui restent ouverts ont été la cible de corruption, de pillages et d'attaques perpétrés par les Houthis, a-t-il indiqué.

La détérioration du secteur de la santé a conduit à un déclin de la santé publique et a « sapé la capacité du secteur médical à contrôler les maladies et les épidémies, entraînant des taux de mortalité élevés », a-t-il ajouté.

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