Les Yéménites fêtent le mois sacré de Ramadan alors que la guerre se poursuit et qu'ils sont confrontés à une forte augmentation des prix et à la baisse de leur pouvoir d'achat.
Les marchés sont moins visités que les années précédentes, en partie à cause de la suspension des salaires des fonctionnaires depuis 18 mois, a déclaré Sadeq al-Thawabi, gérant du magasin Supermarket and Spices à Sanaa.
La plupart des gens limitent leurs achats aux aliments de base, et en plus petites quantités qu'auparavant, a-t-il indiqué à Al-Mashareq.
« Par le passé, nous étions submergés par les clients », a-t-il rapporté.
Le supermarché avait pour habitude d'embaucher du personnel supplémentaire pour gérer l'augmentation de l'activité, qui « atteignait son paroxysme la veille et le premier jour de Ramadan », a-t-il précisé.
Al-Thawabi a attribué cette baisse de la demande à l'augmentation des prix, au taux de change élevé des devises étrangères par rapport au riyal, et à la suspension du versement des salaires.
« Il nous est difficile d'obtenir du gaz domestique, et les coûts de transport sont élevés », a déploré Saleh Hassan, qui s'est également plaint des prix élevés des produits.
Hassan a expliqué à Al-Mashareq que sa famille dépend de l'argent envoyé par son fils qui habite à l'étranger, mais il a ajouté que le montant qu'il reçoit « n'est plus suffisant pour couvrir les besoins en nourriture et en médicaments par rapport aux années précédentes ».
Sadiq al-Ashaari, qui travaille comme ingénieur électronique dans le secteur privé depuis la suspension de son salaire de fonctionnaire, a expliqué avoir acheté les produits de Ramadan sur les marchés alternatifs qui ont fait leur apparition partout à Sanaa.
Ces marchés vendent les produits à des prix grandement réduits, a-t-il indiqué à Al-Mashareq, mais le manque de réglementation fait que beaucoup voient leur date d'expiration dépassée.
Marchandises contrefaites
Les contrefaçons, des produits cosmétiques aux pièces automobiles, constituent désormais près de 60 % de l'activité commerciale sur le marché yéménite, selon l'Association yéménite pour la protection des consommateurs.
« L'augmentation des besoins des clients à l'approche du mois de Ramadan en a conduit certains à vendre des produits qui ne répondent pas aux normes en vigueur », a déclaré le président de l'association Fadel Mansour à Al-Mashareq.
De nombreux produits sont vendus avec une date d'expiration très proche, a-t-il rapporté, certains produits périmés étant réemballés dans des boîtes de conserve ne comportant pas de date d'expiration.
Les commerçants profitent ainsi des difficultés des consommateurs, a-t-il déclaré.
« Le faible niveau de contrôle et le manque de mesures légales contre ceux qui se livrent à de telles pratiques ont encouragé la diffusion de ce phénomène », a indiqué Mansour.
Cela s'ajoute au manque et au prix élevé des aliments de base, a-t-il poursuivi.
« Nous avons conçu un programme de sensibilisation en direction des consommateurs pour le mois de Ramadan, qui porte spécifiquement sur la sécurité alimentaire et le droit des consommateurs », a-t-il fait savoir, ajoutant que cela se déroulera en conjonction avec des stations locales de radio et de télévision.
Faible pouvoir d'achat
« La baisse de valeur du riyal yéménite, qui a perdu plus de 50 % face aux devises fortes, a affaibli le pouvoir d'achat », a expliqué l'économiste Abdoul Jalil Hassan.
Le Yémen importe plus de 90 % de sa nourriture, et cela est une « cause directe de l'augmentation des prix », a-t-il indiqué à Al-Mashareq, soulignant que l'arrêt du versement des salaires aux employés du secteur public a aggravé les souffrances des citoyens.
« La suspension des agences de contrôle et de régulation a encouragé de nombreuses personnes à laisser parler leur cupidité et à remettre sur le marché des produits périmés après les avoir réemballés et avoir changé les dates d'expiration », a-t-il rapporté.
Ces actes peu scrupuleux peuvent avoir des conséquences graves sur la santé publique, a-t-il mis en garde.