Droits de l'Homme

Le PAM suspend en partie la distribution d'aide par suite des manipulations des Houthis

Nabil Abdoullah al-Tamimi à Aden

Des femmes yéménites amènent leurs enfants souffrant de malnutrition à l'hôpital de la province yéménite de Hajjah le 19 juin. Le PAM a annoncé la suspension partielle de l'aide pour Sanaa, ville contrôlée par les Houthis, faisant état de problèmes de « détournement de la nourriture » destinée aux plus nécessiteux. [Essa Ahmed/AFP]

Des femmes yéménites amènent leurs enfants souffrant de malnutrition à l'hôpital de la province yéménite de Hajjah le 19 juin. Le PAM a annoncé la suspension partielle de l'aide pour Sanaa, ville contrôlée par les Houthis, faisant état de problèmes de « détournement de la nourriture » destinée aux plus nécessiteux. [Essa Ahmed/AFP]

La manipulation de la distribution de l'aide alimentaire par les Houthis (Ansarallah), soutenus par l'Iran, aggrave les souffrances des citoyens yéménites et augmente les chances que l'aide internationale soit complètement coupée, préviennent des responsables yéménites et des Nations unies.

Le Programme alimentaire mondial (PAM) a annoncé jeudi 20 juin la « suspension partielle » de l'aide pour Sanaa, capitale du Yémen.

Cette suspension ne viserait dans un premier temps que la ville de Sanaa, touchant 850 000 personnes, a déclaré l'agence onusienne dans un communiqué. Mais les programmes de nutrition resteront en place pour les enfants souffrant de malnutrition, les femmes enceintes et les mères allaitantes.

Au final, la suspension concernera toutes les régions du Yémen « sous le contrôle des autorités basées à Sanaa », a-t-il précisé.

Les Houthis manipulent la distribution de l'aide alimentaire directement en la vendant sur le marché noir, et indirectement en la détournant vers leur effort de guerre, la distribuant à leurs partisans au lieu des nécessiteux.

Le PAM a fait savoir que sa décision avait été prise après l'échec de négociations sur un accord visant à « introduire des contrôles pour empêcher le détournement de la nourriture destinée aux personnes les plus vulnérables du Yémen », ajoutant que « certains individus cherchent à tirer profit en s'attaquant aux personnes vulnérables ».

« Le PAM a sollicité l'appui des autorités de Sanaa pour mettre en place un système d'enregistrement biométrique qui empêcherait les détournements et protégerait les familles yéménites que nous servons, garantissant que la nourriture parvienne à ceux qui en ont le plus besoin », a déclaré l'agence.

Le PAM a découvert des preuves du détournement de l'aide alimentaire en décembre dernier.

« Cette conduite équivaut à enlever la nourriture de la bouche de personnes affamées », a affirmé le directeur exécutif du PAM, David Beasley, dans un communiqué publié le 31 décembre 2018. « Alors que des enfants meurent de faim au Yémen, c'est un scandale. Ce comportement criminel doit cesser immédiatement. »

Échange d'accusations

Malgré des preuves photographiques et autres montrant des camions emportant illégalement de la nourriture de centres de distribution désignés, les Houthis ont rejeté les accusations du PAM.

Le Comité national aux affaires humanitaires et de secours des Houthis a déclaré le 18 juin que ces accusations sont une tentative du PAM de se soustraire à ses obligations humanitaires suite à l'exposition de la corruption financière et de l'importation de denrées alimentaires périmées.

En réponse à ces accusations, le PAM a publié un communiqué le 19 juin dans lequel il a indiqué que « le PAM travaille pour faire en sorte que tous les aliments livrés répondent aux normes les plus strictes de sécurité alimentaire et déploie des efforts vigoureux pour apporter une aide à plus de dix millions de personnes par mois menacées de famine en raison du conflit ».

L'année dernière, le PAM a accusé les Houthis d'avoir participé à une trentaine de cas de vol d'aide.

Pillage et vente d'aide au marché noir

« L'utilisation illégale de l'aide par les Houthis et la suspension temporaire par le PAM de la distribution de l'aide dans les zones contrôlées par les Houthis vont faire perdre au Yémen et à sa population cette aide et les importantes sommes d'argent allouées par les agences humanitaires aux Yéménites », a déclaré Nabil Abdoul-Hafeez, ministre adjoint aux droits de l'homme.

« La dégradation de l'aide humanitaire à ce point est due aux exactions des Houthis », a-t-il affirmé, y compris « le pillage de l'aide et sa vente au marché noir, ou son détournement vers leur effort de guerre sur les fronts ».

Les méthodes utilisées par les Houthis pour contrôler l'aide consistent entre autres à faire pression sur les employés des organisations d'aide locales et à créer de nouvelles ONG qui prennent en charge la distribution de l'aide et jouent le rôle d'intermédiaires, a-t-il expliqué à Al-Mashareq. Ils ont également fermé toutes les organisations d'aide non affiliées aux Houthis.

Abdoul-Hafeez a lancé un appel au PAM afin qu'il propose de nouveaux mécanismes de distribution, suggérant « l'utilisation des 22 couloirs humanitaires mis en place par le gouvernement légitime pour fournir l'aide ».

Exploitation de la souffrance humaine

« Plus de la moitié de la population yéménite se trouve dans une situation financière précaire et a besoin d'une aide d'urgence, tandis que la milice houthie utilise l'aide fournie par les Nations unies pour mobiliser et recruter des combattants », a déclaré à Al-Mashareq Mousa al-Nimrani, militant des droits de l'homme.

« Plusieurs responsables onusiens ont récemment critiqué les pratiques des Houthis, notamment le détournement de l'aide et le contrôle de sa distribution », a-t-il ajouté.

« Les Houthis ont infligé aux Yéménites la plus grande catastrophe humanitaire depuis les années 1940, et ils continuent d'exploiter cette catastrophe et ses conséquences à leur profit », a-t-il déclaré. « Un tel niveau de bassesse ne peut être toléré. »

« Les Houthis font davantage le commerce d'aide qu'ils ne la distribuent sur les lignes de front, et ils exploitent la tragédie humanitaire au Yémen pour attirer encore plus d'aide », a déploré l'économiste Abdoul Aziz Thabet.

« Ils ont forcé les personnes déplacées des zones de combat à aller vers les provinces sous leur contrôle afin de contrôler la distribution de l'aide qui leur est fournie », a-t-il rapporté à Al-Mashareq.

Thabet a accusé les Houthis d'exploiter les souffrances humaines qu'ils ont causées et « d'engraisser leurs profits en vendant [l'aide] au marché noir aux commerçants qui leur sont affiliés ».

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