Le Programme alimentaire mondial (PAM) a averti les Houthis (Ansarallah) qu'il pourrait mettre fin à ses livraisons d'aide dans les zones que le groupe contrôle, après avoir appris que de nombreuses personnes à Sanaa ne reçoivent pas les rations qui leur sont destinées.
Dans d'autres régions contrôlées par les Houthis, les habitants touchés par la faim n'ont reçu qu'une partie des rations auxquelles ils ont droit, a fait savoir le PAM après avoir mené une enquête.
Dans une déclaration faite lundi 31 décembre, le PAM a demandé à la milice soutenue par l'Iran d'arrêter immédiatement le détournement de l'aide humanitaire, après avoir découvert une fraude et une manipulation généralisées de la part des responsables locaux.
L'avertissement a été émis après que le PAM a trouvé des preuves de ces pratiques à Sanaa et dans d'autres régions du Yémen contrôlées par les Houthis.
« Une enquête du PAM réalisée auprès des bénéficiaires enregistrés a révélé que beaucoup de personnes à [Sanaa] ne reçoivent pas les rations alimentaires auxquelles elles ont droit. Dans d'autres régions, les personnes touchées par la faim n'ont pas reçu la totalité de leurs rations », a précisé la déclaration du PAM.
« Il a été découvert qu'une partie de l'aide alimentaire est donnée à des personnes qui n'y ont pas droit, et qu'une autre partie est venue sur les marchés de [Sanaa] », a-t-il indiqué.
Selon le PAM, le détournement de l'aide alimentaire a été découvert lors d'une enquête que l'organisation a menée ces derniers mois, laquelle avait été déclenchée par un nombre croissant de signalements d'aide alimentaire en vente sur les marchés de Sanaa.
Le PAM s'est aperçu que la fraude était perpétrée par au moins une organisation partenaire locale qu'il avait chargée de gérer et de distribuer l'aide alimentaire.
Cette organisation locale est affiliée au ministère de l'Éducation à Sanaa, lequel est contrôlé par les Houthis.
« Vol de nourriture à ceux qui ont faim »
« Ce comportement revient à retirer la nourriture de la bouche de ceux qui ont faim », a affirmé dans sa déclaration le directeur exécutif du PAM, David Beasley.
« Des enfants meurent au Yémen parce qu'ils n'ont pas assez à manger, c'est un scandale », a-t-il affirmé. « Ce comportement criminel doit cesser immédiatement. »
Lors de l'enquête du PAM, des observateurs ont rassemblé des photos et d'autres preuves montrant que des camions prélevaient illégalement de la nourriture dans les centres de distribution.
Ils ont également découvert que la sélection des bénéficiaires était manipulée par les responsables locaux et que les registres de distribution de la nourriture étaient falsifiés.
« Je demande aux autorités houthies à Sanaa d'agir immédiatement pour mettre fin au détournement de l'aide alimentaire et garantir qu'elle parvient à ceux qui en ont besoin pour rester en vie », a déclaré Beasley.
« Si cela n'est pas fait, nous n'aurons pas d'autre choix que de cesser de travailler avec ceux qui conspirent pour priver un grand nombre de personnes de la nourriture dont elles dépendent », a-t-il ajouté.
« En attendant, nous poursuivons nos enquêtes et nous corrigeons les erreurs qui ont mené à ces détournements de l'aide », a-t-il poursuivi.
Détournement de l'aide humanitaire
Selon le Haut comité d'aide du Yémen, les Houthis ont bloqué l'arrivée de plus de 88 bateaux transportant de l'aide, des produits commerciaux ou du pétrole dans les ports d'al-Hodeidah et de Saleef, dans la province d'al-Hodeidah entre mai 2015 et décembre 2018.
Parmi eux se trouvaient 34 navires qu'ils ont retenus pendant six mois, jusqu'à ce que la majeure partie des denrées périssables transportées soit périmée.
Les Houthis ont également bombardé sept bateaux d'aide, de produits commerciaux et de pétrole dans la mer Rouge, dont quatre navires venus d'Arabie saoudite, deux des Émirats arabes unis et un de Turquie, ont signalé des agences de presse locales.
Le gouvernement yéménite a exigé à plusieurs reprises que les bureaux principaux des agences d'aide de l'ONU soient déplacés de Sanaa vers Aden, la capitale temporaire, a rappelé à Al-Mashareq Nabil Abdel Hafiz, ministre adjoint aux Droits de l'homme.
Cette demande a été faite en raison des pressions exercées contre les agences d'aide, qui incluent des menaces à l'encontre des travailleurs humanitaires, a-t-il ajouté.
« Le ministre yéménite des Affaires étrangères a encouragé la communauté internationale à dénoncer les pratiques dévoilées par l'enquête du PAM », a-t-il déclaré.
« Nous avons déjà tiré la sonnette d'alarme à propos des organisations locales qui distribuent l'aide aux nécessiteux et qui agissent sous la supervision des Houthis », a-t-il poursuivi.
Ces organisations « distribuent l'aide aux fidèles des Houthis ou la vendent sur les marchés locaux pour leur compte, et privent les nécessiteux et les pauvres de l'aide dont ils dépendent entièrement », a-t-il fait savoir.
Plaintes pour vol et fraude
Qassim al-Shawesh, journaliste travaillant pour le journal al-Thawra, contrôlé par les Houthis, s'est plaint au PAM lorsqu'il n'a pas reçu d'aide alimentaire l'année dernière.
Il a fait cela après avoir appris que l'aide alimentaire mensuelle avait été attribuée aux employés du journal basé à Sanaa, qui n'ont pas touché de salaire depuis près de deux ans.
Dans sa plainte, publiée sur sa page Facebook, al-Shawesh a demandé que le PAM enquête et vérifie les registres de distribution.
« Le vol et la fraude auxquelles j'ai été soumis ne s'appliquent pas qu'à moi, mais à 1 000 employés d'al-Thawra Press Foundation », a-t-il indiqué.
Nous sommes ici au district d'al-Thawra, nous n'avons rien, et aucune des organisations ne peut accéder à ce district. Les gens sont dans un très mauvais état; mes voisins meurent de faim. Craignez Dieu en notre peuple, ô Houthis et forces du gouvernement légitime! Craignez Dieu!
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