Politique

Le Yémen veut libérer les femmes des prisons houthies

Nabil Abdoullah al-Tamimi à Aden

Le 11 janvier, des femmes yéménites d'une famille pauvre préparent de la nourriture tandis que des filles lavent des vêtements dans une cuvette en métal, dans une cabane d'al-Hodeidah, ville portuaire de la mer Rouge. [AFP]

Le 11 janvier, des femmes yéménites d'une famille pauvre préparent de la nourriture tandis que des filles lavent des vêtements dans une cuvette en métal, dans une cabane d'al-Hodeidah, ville portuaire de la mer Rouge. [AFP]

Le ministère yéménite des Droits de l'homme affirme surveiller et enquêter sur des cas de femmes enlevées détenues dans des prisons secrètes par les Houthis (Ansarallah) soutenus par l'Iran.

Le ministère œuvre pour obtenir la libération de ces femmes par le biais de la commission pour l'échange de prisonniers et de personnes enlevées mise en place en vertu de l'Accord de Stockholm signé le 13 décembre 2018.

Dans une déclaration du 18 janvier, l'Organisation yéménite de lutte contre le trafic humain, basée à Sanaa, a fait savoir qu'elle détenait des informations indiquant que 120 femmes étaient toujours séquestrées dans des prisons houthies.

Ce groupe de défense des droits de l'homme s'est dit prêt à fournir toutes les informations en sa possession pour étayer une sérieuse enquête sur cette affaire, et a appelé le procureur général, le ministre de l'Intérieur et des dirigeants de la sécurité présents dans les zones contrôlées par les Houthis à enquêter.

D'après la déclaration, le Département d'enquête criminelle des Houthis détiendrait plusieurs femmes dans son quartier général de Sanaa sans aucun chef d'inculpation.

Certaines de ces femmes ont été arrêtées arbitrairement lors d'une opération de répression des Houthis contre la prostitution, ont rapporté des organes de presse locaux, et elles n'ont pas été relâchées.

Les Houthis comptent faire chanter leurs familles, a expliqué la déclaration, ajoutant que celles-ci sont susceptibles d'accéder à leurs demandes par peur du scandale.

Le groupe de défense des droits de l'homme a déclaré avoir reçu des signalements de disparitions de femmes dans le district administratif de Sanaa (Amanat Sanaa) et la province de Sanaa.

Il a déclaré avoir contacté les autorités de sécurité immédiatement suite à cela, et a demandé aux proches de ces femmes de signaler leur disparition.

Lors de la communication avec les autorités de sécurité, a poursuivi le groupe, il a appris que plusieurs de ces femmes étaient détenues dans le quartier général du Département d'enquête criminelle des Houthis, Amanat Sanaa.

Le groupe a tenté d'obtenir d'autres informations auprès du département, mais celui-ci a refusé de coopérer et a nié détenir des prisonnières, a indiqué la déclaration.

Arrestations arbitraires et disparitions

Le ministère des Droits de l'homme poursuit ses efforts par le biais d'une organisation de la société civile, a rapporté le ministre adjoint aux Droits de l'homme Nabil Abdoul-Hafeez.

« Il y a 200 femmes enlevées dans les prisons houthies », a-t-il affirmé à Al-Mashareq, ajoutant que ce nombre va probablement augmenter.

Une fois que le ministère aura confirmé les noms des personnes enlevées, il demandera à la commission mise en place en vertu de l'Accord de Stockholm de les ajouter à la liste des prisonniers devant être relâchés, a-t-il rapporté.

Le ministère compte « signaler ce problème et cette violation flagrante des droits de l'homme auprès d'organisations internationales comme le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et des organisations qui s'occupent des droits des femmes », a-t-il ajouté.

Dans son rapport d'août 2018 sur les prisons et les centres de détention, la Commission nationale d'enquête sur les violations des droits de l'homme a déclaré avoir « enquêté sur plusieurs cas d'arrestations arbitraires et de disparitions de femmes à Sanaa et al-Hodeidah », a indiqué à Al-Mashareq la porte-parole Ishraq al-Maqtari.

Elle dispose de chercheurs en droit à Sanaa qui mènent des enquêtes et enregistrent les témoignages de témoins et de familles, a indiqué al-Maqtari, ajoutant que les familles doivent savoir qu'elles doivent signaler de tels incidents.

Sensibiliser le public et les familles

« Il est important pour nous de sensibiliser les familles », a fait savoir al-Maqtari, de « soutenir les femmes et les filles dont la dignité a été salie, et de demander des comptes aux coupables ».

« Malheureusement, les femmes sont confrontées de plus en plus à des violences dans la plupart des provinces, en particulier dans les zones hors du contrôle de l'État, où l'autorité de facto ne respecte aucun droit humain, et surtout pas ceux des femmes », a-t-elle déclaré.

« Nous portons une attention particulière à ces violations, car ce sont des infractions au droit des femmes », a ajouté al-Maqtari, indiquant que les femmes sont fréquemment marginalisées par la société, surtout en temps de guerre.

L'enquête sur ces cas commence avec des chercheuses qualifiées affiliées à la commission qui enregistrent les déclarations des témoins et remplissent tous les documents pour le dossier juridique, a poursuivi al-Maqtari.

Vient ensuite le processus d'enquête, lors duquel sont effectuées des analyses légales et des évaluations, a-t-elle expliqué, puis le dossier est transmis à la justice.

« Le crime d'enlèvement de femmes sur le long terme sans justification légale n'est pas nouveau », a déploré le militant des droits de l'homme et avocat Abdoul Rahman Barman, ajoutant que « la pression sociale et la peur du scandale font que personne ne parle de ces crimes ».

Seul un petit pourcentage de ces crimes a été révélé, a-t-il déclaré à Al-Mashareq, car la plupart des cas ont été enterrés par les familles, qui paient de fortes sommes d'argent pour que leurs filles soient libérées des prisons houthies.

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