Réfugiés

Le nouveau ministère libanais a la difficile tâche de gérer la crise des réfugiés

Par Nohad Topalian à Beyrouth

Le 31 janvier 2017, des enfants syriens réfugiés marchent le long d'une allée boueuse dans un camp de réfugiés non officiel du village de Deir Zannoun, dans la vallée de la Bekaa au Liban. [Joseph Eid/AFP]

Le 31 janvier 2017, des enfants syriens réfugiés marchent le long d'une allée boueuse dans un camp de réfugiés non officiel du village de Deir Zannoun, dans la vallée de la Bekaa au Liban. [Joseph Eid/AFP]

Le nouveau ministère libanais des Affaires des réfugiés est confronté à de nombreux défis ; une infrastructure surchargée, des camps de réfugiés non réglementés, une économie affaiblie et une forte concentration de réfugiés dans des zones pauvres.

Selon le ministre d'État des Affaires des réfugiés Mouin Merhebi, la tâche principale du ministère est de développer des stratégies et de coordonner les autorités compétentes pour aider le Liban à faire face à la crise des réfugiés.

Merhebi, qui a été nommé à ce nouveau poste en décembre, s'est entretenu avec Al-Mashareq sur son rôle et les répercussions de la crise des réfugiés syriens sur le Liban, qui a jusqu'ici coûté un maximum de 18 milliards de dollars au pays.

Al-Mashareq : Quelles sont les responsabilités principales du nouveau ministère des Affaires des réfugiés ?

Mouin Merhebi, le nouveau ministre d'État aux Affaires des réfugiés, s'est entretenu avec Al-Mashareq sur la mission de son ministère. [Nohad Topalian/Al-Mashareq]

Mouin Merhebi, le nouveau ministre d'État aux Affaires des réfugiés, s'est entretenu avec Al-Mashareq sur la mission de son ministère. [Nohad Topalian/Al-Mashareq]

Mouin Merhebi : La création de ce ministère, bien qu'elle arrive six ans trop tard, a pour but d'aider le Liban à communiquer avec la communauté internationale en ce qui concerne la question des réfugiés.

Le ministère aide à mettre en place des stratégies liées au déplacement syrien et à coordonner les ministères compétents, comme ceux de l'Intérieur, de la Santé publique, des Affaires sociales et de l'Éducation d'un côté, et les bailleurs de fonds de l'autre.

Le ministère a aussi joué un rôle actif dans le développement du Plan libanais de réponse à la crise (PLRC), qui inclut un appel aux investissements dans les projets d'infrastructure, en particulier dans les régions comptant un plus grand nombre de déplacés.

Al-Mashareq : À la conférence sur la Syrie à Bruxelles les 4 et 5 avril, le Premier ministre libanais Saad al-Hariri a prévenu que la situation actuelle au Liban est une bombe à retardement, et il a appelé la communauté internationale à investir dans les projets d'infrastructure et autres au Liban. La conférence s'est achevée sur la promesse de 6 milliards de dollars. Quelle est la part pour le Liban ?

Merhebi : Nous avons été informés que le Liban recevra environ 1,5 milliard de dollars, qui ne seront pas réservés aux investissements d'infrastructure. Il nous faut 3,8 milliards par an, mais nous n'avons reçu que 1,5 milliard en 2016.

Nous dépensons le soutien financier que nous recevons, mais ce n'est pas suffisant pour répondre aux besoins des réfugiés et des communautés qui les accueillent, celles-ci étant déjà pauvres. Cela explique pourquoi des familles syriennes vivent avec moins de deux dollars par jour.

Cependant, nous avons commencé à recevoir un financement pour le plan de réponse du Liban. Nous avons à ce jour reçu 100 millions de dollars pour les écoles, 200 millions pour les routes, et nous attendons un montant encore indéterminé pour les hôpitaux et le [secteur] de la santé.

Al-Mashareq : À combien se chiffrent les pertes du Liban par suite de la crise des réfugiés ?

Merhebi : Les pertes sont importantes pour un pays comme le Liban, qui compte 4,2 millions d'habitants, une dette publique totale de 75 milliards de dollars et un taux de croissance de moins d'un pour cent. Jusqu'à présent, le Liban a subi des pertes allant de 15 à 18 milliards de dollars, causées directement par la crise des déplacements, avec une population de réfugiés s'élevant à plus de 1,3 million de personnes.

Al-Mashareq : À quels problèmes majeurs le Liban est-il confronté du fait de la crise des réfugiés ?

Merhebi : Nous faisons face à plusieurs problèmes, dont le plus important est la forte concentration de réfugiés dans des zones pauvres du Liban.

Il existe des régions où le nombre de réfugiés est cinq fois supérieur à celui de la population locale. À cause de cela, les Libanais et les Syriens sont en concurrence pour l'eau, l'assainissement, la gestion des déchets, la santé, et les transports.

Cette concurrence s'exerce aussi sur le marché du travail, et entre les étudiants libanais et syriens pour des places dans des écoles. Il y a actuellement trois cycles scolaires quotidiens pour s'occuper d'autant d'étudiants que possible des deux côtés.

Nos problèmes sont nombreux et importants. Par exemple, Akkar [au nord] n'a pas de routes goudronnées depuis des décennies, et 92 % de ses habitations n'ont pas d'eau courante ou d'évacuation, et l'hôpital public local ne dispose que de 60 lits. Cela n'est pas suffisant par les 652 000 habitants d'Akkar, en plus des 300 000 réfugiés syriens qui s'y trouvent.

Al-Mashareq :Pensez-vous que les pays donateurs vont soutenir le plan d'investissement du Liban ?

Merhebi : Le Liban a aujourd'hui l'occasion de réhabiliter ses infrastructures, y compris l'eau, l'assainissement, l'électricité, les routes, les écoles et les hôpitaux. La communauté internationale est enthousiaste, et nous sommes prêts avec notre plan qui comprend la réhabilitation des secteurs qui servent à la fois les Libanais et les Syriens. Par exemple, lorsque nous réhabilitons les écoles, nous contribuons à l'éducation des enfants syriens, afin qu'ils aient un meilleur avenir lorsqu'ils retourneront dans leur pays.

Al-Mashareq : Quels sont les défis auxquels est confronté le Liban en ce qui concerne les camps de réfugiés ?

Merhebi : La majorité de ces défis relève de la sécurité, ce qui nécessite davantage de vigilance de la part de notre ministère. Mais à ce jour, notre rôle à cet égard n'a pas été précisé, car le ministère des Affaires sociales, en coopération avec des organisations internationales, a été chargé des camps.

Le Liban n'a pas pu construire de camps réglementés depuis le début de la crise, et il est donc difficile de trouver des réfugiés afin que nous puissions les aider et évaluer leurs conditions sociales.

Al-Mashareq : Et qu'en est-il d'Arsal, qui accueille le plus grand nombre de réfugiés et a connu des problèmes de sécurité ?

Merhebi : La ville d'Arsal accueille actuellement 110 000 réfugiés, alors que la population locale est de 30 000. Cette ville est confrontée à des problèmes de sécurité et de services publics en ce qui concerne l'eau, l'assainissement et les déchets.

À notre demande, le Bureau d'études techniques, en coopération avec un ingénieur spécialisé du ministère de l'Environnement, a mené des études préliminaires sur Arsal. Dans un mois, l'UNICEF lancera un appel d'offres pour des projets d'infrastructure visant à répondre à ces problèmes.

Al-Mashareq : Le ministère mettra-t-il en place des projets qui contribueront à résoudre la crise économique pour les réfugiés et les communautés qui les accueillent ?

Merhebi : Les projets d'infrastructure proposés contribueront à résoudre la crise économique, car ils attireront les investissements, que nous espérons voir dans les secteurs de l'agriculture et de l'industrie, et qui créeront des emplois pour les travailleurs libanais et syriens.

Je suis en contact avec trois universités pour entendre les idées de leurs étudiants sur [la façon de résoudre] la crise des déplacés. L'Université américaine de Beyrouth a organisé une conférence sur la reconstruction de la Syrie, au cours de laquelle ont été abordées plusieurs idées pouvant bénéficier aux réfugiés.

Dans le même temps, des étudiants de l'Université arabe de Beyrouth et de l'Université Saint-Joseph travaillent également à finaliser leurs idées sur des projets pouvant être mis en œuvre en coopération avec les réfugiés.

Ces projets aideraient à soulager l'économie libanaise et apporteraient une stabilité financière et sociale aux réfugiés. Nous devons penser à la manière de transformer le déplacement des Syriens en une source positive et productive d'opportunités.

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