En une semaine, deux responsables de « l'État islamique en Irak et au Levant » (EIIL) ont été retrouvés morts dans la ville frontalière libanaise d'Arsal, dans ce que des experts qualifient pour Al-Mashareq d'un renouveau de la guerre d'attrition entre ces groupes djihadistes rivaux.
Le 7 février, le responsable du « tribunal de la charia » de l'EIIL à al-Qalamoun a été trouvé mort dans son véhicule, tué par un engin explosif improvisé (EEI), ont rapporté les médias locaux.
Il a été identifié comme étant Ahmed Waheed al-Abed, un Syrien de la ville d'al-Jarajir bien connu sous le nom d'Abou al-Baraa.
Le corps d'Ahed al-Jawash, agent syrien de l'EIIL se faisant appeler Abou Adham al-Hamawi, a été trouvé criblé de balles le 15 février.
La National News Agency libanaise a signalé que trois hommes armés circulant à moto avaient ouvert le feu sur lui sur la place al-Sabeel à Arsal, le tuant sur le coup.
Lutte de pouvoir en cours
Certains pensent que ces derniers assassinats sont la poursuite de la lutte de pouvoir entre l'EIIL et le Front al-Nosra (FAN), désormais appelé Front Fatah al-Cham, portant sur l'extension du contrôle dans la région.
En octobre, l'agent de l'EIIL Abou Bakr al-Raqawi a été trouvé mort par balles dans la zone d'al-Jabban, près de Wadi Hmeid, à Arsal.
Les renseignements ont révélé que plusieurs jours avant le meurtre d'al-Raqawi, Moustafa al-Houjairi, aussi connu sous le nom d'Abou Taqiyeh, avait rencontré des éléments du FAN et leur avait demandé de mettre au point un plan pour éliminer l'EIIL et ses chefs à Arsal.
Abou Taqiyeh, un fugitif connu pour son affiliation au FAN, a été inculpé par les autorités libanaises pour son implication dans l'enlèvement de soldats libanais en août 2014.
Ces récents assassinats et d'autres en 2016 font partie des « liquidations ayant lieu dans les rangs de l'EIIL lui-même et entre l'EIIL et le FAN », a expliqué Michel Nasrallah, journaliste spécialisé dans les groupes terroristes et écrivant pour le journal Addiyar.
« Des informations récoltées par la direction des renseignements indiquent que Moustafa al-Houjairi est parvenu à un accord avec le FAN pour liquider l'EIIL à Arsal, dans ses zones arides et dans les camps de déplacés », a-t-il rapporté à Al-Mashareq.
« Mis à part cet accord, un conflit est toujours en cours entre l'EIIL et le FAN. Celui-ci a commencé comme une différence idéologique et s'est muté en différend au sujet des vols et des enlèvements de soldats », a-t-il précisé.
Chaque groupe lutte pour étendre son contrôle sur Arsal et ses environs, a-t-il ajouté.
Tensions accrues
Le meurtre des deux responsables de l'EIIL est la preuve de « la forte animosité entre l'EIIL et le FAN », a affirmé le général de brigade Khalil Helou, expert militaire et officier à la retraite de l'armée libanaise.
Les tensions entre les deux groupes ont encore grandi depuis la bataille d'Alep et les combats qui ont eu lieu dans la province d'Idlib, a-t-il indiqué à Al-Mashareq.
« Les événements en Syrie se reportent sur Arsal, comme le montre le conflit entre l'EIIL et le FAN, surtout après que l'armée libanaise, avec ses nombreux régiments, a renforcé son contrôle sur la frontière terrestre entre le Liban et la Syrie », a-t-il déclaré.
La guerre d'attrition entre les deux groupes a débuté en juin 2016, lorsqu'ils ont tous deux tenté de contrôler des routes vitales et d'obtenir l'accès à Arsal pour de la nourriture, pour imposer des tributs aux habitants et pour s'établir comme autorité régionale, a-t-il poursuivi.
Les combats autour d'Arsal sont « devenus plus sanglants, incluant des liquidations, des assassinats et des enlèvements, le FAN ayant récemment tué trois éléments de l'EIIL après les avoir enlevés », a-t-il ajouté.
Bien que les raisons expliquant ces meurtres varient, le contrôle d'une « ligne essentielle entre les zones arides et Arsal reste le but principal », a expliqué Helou.
« Le conflit entre l'EIIL et le FAN en Syrie est ancien et se poursuivra, affectant Arsal et ses environs », a-t-il affirmé.
L'objectif final est de « contrôler la région et de sécuriser des routes pour l'acheminement de ravitaillement depuis Arsal et d'armes depuis la Syrie, via la route Damas-Homs vers les faubourgs d'al-Qalamoun », a-t-il poursuivi.
Soulagement chez les habitants
Toute liquidation entre les deux groupes « soulage la ville de leurs méfaits et de leurs attaques sur le peuple d'Arsal », a déclaré à Al-Mashareq le maire d'Arsal, Bassel al-Houjairi.
« Leur présence représente une menace pour Arsal et le Liban », a-t-il affirmé.
Les agents de l'EIIL ont « sali la réputation de la ville et nous leurs sommes ouvertement opposés », a-t-il déclaré. « La municipalité les affronte avec ses gardes et sa police municipale et coopère avec l'armée et toutes les agences de sécurité. »
Arsal, comptant environ 30 000 habitants, accueille actuellement plus de 100 000 réfugiés syriens, la plupart vivant dans des camps aux alentours.
« Des éléments de l'EIIL et du FAN essaient d'infiltrer ces camps et sont régulièrement pris en embuscade par l'armée », a fait savoir al-Houjairi. « Pendant ce temps, ils se tuent également entre eux. »
La présence d'extrémistes à Arsal « met la pression sur notre sécurité et notre développement car nous ne pouvons pas accéder aux sources de nos moyens de subsistance, à savoir nos terres et nos carrières », a-t-il indiqué.
« Nous considérons chaque activiste comme un ennemi, et le danger réside dans leur mentalité agressive et leur comportement brutal parmi nous. Alors la mort d'un d'entre eux est un soulagement pour nous. »