Il y a moins de deux semaines, un agent supérieur de « l'Etat islamique en Irak et au Levant » (EIIL) de Syrie a été tué par balles près de la ville frontalière d'Ersal, dans le nord-est du Liban, dans un assassinat que certains attribuent au Front al-Nosra (FAN).
Abou Bakr al-Raqawi, agent supérieur de l'EIIL âgé de 30 ans, était un Syrien originaire d'al-Raqa, dont le vrai nom était Hussein Mahmoud Ali. Il a été trouvé mort, tué par balles, au matin du 9 octobre, dans la zone d'al-Jabban, près de Wadi Hmeid, à Ersal.
Certains pensent que cet assassinat est un règlement de compte entre l'EIIL et le FAN, aussi appelé Front Fatah al-Cham, indiquant que la lutte de pouvoir constante entre ces groupes pourrait causer d'autres meurtres.
Long casier judiciaire
Après que le corps d'al-Raqawi a été transporté à l'hôpital d'al-Rahma en ville, des hommes armés sont venus le prendre, a déclaré Rouba Mounther, journaliste spécialiste des groupes terroristes et qui écrit pour le journal al-Joumhouria.
En plus de son rôle au Liban, où il était chargé des « cellules terroristes d'Ersal », al-Raqawi avait servi de point de contact avec le commandement de l'EIIL à Wadi Mira, dans la région syrienne d'al-Qalamoun, et à al-Raqa, a-t-elle indiqué à Al-Mashareq.
Al-Raqawi « a été à l'origine des attentats à la bombe du Comité des érudits musulmans », a affirmé Mounther, ajoutant que cela faisait partie d'une longue liste d'actions terroristes.
Cinq membres du Comité des érudits musulmans ont été tués, et plusieurs autres blessés lors de cet attentat le 5 novembre.
Le 6 juillet, Al-Raqawi a également été responsable du meurtre de Qoutaïba al-Houjairi, propriétaire d'un magasin, a-t-elle poursuivi, l'assassinat le 13 décembre de Moukheiber Ezzeddine, et la mort du 1er sergent major Zaher Ezzeddine, des forces de sécurité internes, le 8 janvier.
« Il a joué un rôle majeur dans les événements d'Ersal et les affrontements avec l'armée, et a été responsable de la pose d'engins explosifs improvisés (EEI) visant l'armée à Ersal et dans ses faubourgs, et de l'attaque de leurs positions », a expliqué Munther.
Al-Raqawi a également pris part aux attentats mortels de novembre 2015 dans les quartiers sud de Beyrouth, et a reçu les soldats enlevés à Ersal en août 214 pour les remettre à l'EIIL, a-t-il déclaré.
En plus de son passé criminel fourni, a-t-elle ajouté, des informations indiquent qu'il a « créé une liste d'assassinats contenant le nom de 14 habitants d'Ersal ».
Ces derniers, parmi lesquels le maire de la ville, avaient à l'époque appelé l'armée libanaise à intervenir pour restaurer la sécurité dans la ville, a-t-elle poursuivi.
L'agent de l'EIIL « avait menacé beaucoup d'entre nous, y compris moi-même, et était suspecté d'être derrière la liste de cibles qui a été publiée », a déclaré à Al-Mashareq le maire d'Ersal, Bassel al-Houjaïri.
Il faisait partie des problèmes d'Ersal, a-t-il indiqué. « Je peux dire qu'Ersal va vers un meilleur [futur]. Sa mort, comme l'arrestation de tout criminel ou terroriste qui menace notre sécurité, aide notre ville », a-t-il déclaré.
Frictions entre les groupes rivaux
La bataille en cours entre l'EIIL et le FAN dans les faubourgs d'Ersal a mené à la mort d'al-Raqawi, a affirmé Mounther, « après que de vieilles différences aient refait surface entre les deux groupes sur l'extension du contrôle sur les faubourgs ».
Il a été signalé que le FAN avait déjà tenté d'assassiner al-Raqawi en montant une embuscade sur une route dans les faubourgs d'Ersal, mais il a survécu à cette tentative, a-t-elle indiqué.
« Le principal dirigeant des assassinats était Abou Taqiyeh, qui avait rencontré des éléments du FAN plusieurs jours avant la mort d'al-Raqawi et leur a demandé d'élaborer un plan basé sur le lancement d'une action pour liquider l'EIIL et ses chefs à Ersal », a-t-elle ajouté.
Ce plan a été mis en oeuvre avec l'assassinat d'al-Raqawi, a-t-elle expliqué, « ce qui indique que les deux groupes vont s'engager dans une longue guerre ».
Des armes seraient parvenues au FAN depuis la Syrie deux semaines avant la mort d'al-Raqawi, a-t-elle poursuivi, après quoi le groupe a attaqué des positions de l'EIIL et a occupé deux postes clefs du côté libanais de la frontière.
« Ces événements interviennent au moment de la nomination d'un nouvel "émir" du FAN à Ersal, après qu'Abou Malek al-Talli ait quitté la région d'al-Qalamoun avec une grande quantité d'argent », a-t-elle indiqué.
La nature du FAN n'a pas changé
« Al-Raqawi a sans aucun doute été assassiné », a affirmé le général de brigade Khaled Hamade, directeur du Forum régional pour la consultation et les études et officier à la retraite de l'armée libanaise.
« L'annonce par le FAN de sa séparation d'avec al-Qaïda et son adoption d'un nouveau nom ne signifie pas que ce n'est plus un groupe terroriste , ce qui signifie que le schisme n'a pas accompli son objectif », a-t-il déclaré à Al-Mashareq.
Quant à l'ambition du FAN de jouer un rôle politique dans le futur de la Syrie en prétendant se distancer d'al-Qaïda, a-t-il ajouté, « la guerre de liquidation entre ces factions islamistes extrémistes aurait pu être un moyen d'obtenir des gains politiques, mais ne le sera pas. »