Le samedi 12 décembre, la République islamique d'Iran a pendu Rouhollah Zam, âgé de 42 ans, après l'avoir accusé de « corruption sur Terre » et l'avoir condamné à mort en juin.
Outre ses parents, Zam laisse derrière lui une fille de 16 ans issue de son premier mariage, et une fille de cinq ans de son deuxième mariage, qui vivent toutes deux en France avec sa femme.
Bien que la peine de mort ait été confirmée par la Cour suprême iranienne après l'appel de Zam, sa pendaison a été plutôt abrupte et n'a eu lieu que quatre jours après la sentence finale.
La République islamique compte de nombreux prisonniers importants accusés de corruption, d'anciens responsables ou proches des responsables du régime qui ont été condamnés à mort il y a des années mais qui n'ont toujours pas été exécutés.
Le régime a souvent inculpé rapidement les militants politiques accusés de « tenter de renverser le régime » après les avoir accusés de « corruption sur Terre », une référence coranique utilisée depuis la révolution islamique de 1979 pour justifier la mise à mort de prisonniers politiques.
Cette accusation est aussi utilisée pour les accusations d'espionnage, bien que tous les cas d'espionnage n'aient pas abouti à la peine de mort.
Une condamnation à mort tout aussi rapide a été prononcée contre Navid Afkari, un lutteur célèbre pendu pour des motifs similaires le 12 septembre. Il avait été accusé d'avoir tué un agent de sécurité pendant les manifestations de 2018.
Zam a également été reconnu coupable d'incitation à la violence lors des manifestations contre le régime en 2017.
Réactions internationales
Peu après l'exécution de Zam, quatre membres de l'Union européenne ont boycotté un forum économique de trois jours avec l'Iran qui devait commencer lundi. La France, l'Allemagne, l'Italie et l'Autriche ont annoncé qu'elles ne participeraient pas à ce forum.
« Le comité d'organisation du Forum des affaires Europe-Iran a décidé de prendre la mesure exceptionnelle de reporter la conférence », ont déclaré les organisateurs dans un communiqué publié dimanche dernier.
Le ministère français des Affaires étrangères a publié un communiqué, déclarant qu'il « condamne avec la plus grande fermeté cette grave atteinte à la liberté d'expression et à la liberté de la presse en Iran ».
Michelle Bachelet, responsable des droits de l'homme aux Nations unies, s'est dite « consternée » par cette exécution, ajoutant qu'il y a « de sérieuses raisons de s'inquiéter » du fait que la capture de Zam en dehors de l'Iran « pourrait équivaloir à un enlèvement ».
Après que la télévision d'État iranienne eut diffusé ce qu'elle a qualifié « d'interview » de Zam lors de sa détention en juillet, Bachelet a également déclaré que sa condamnation était « caractéristiques d'aveux forcés extorqués sous la torture et diffusés dans les médias d'État, et utilisés comme base pour condamner des personnes ».
Le secrétaire d'État américain Mike Pompeo a déclaré lundi que les États-Unis condamnaient fermement l'exécution « injuste et barbare » perpétrée par l'Iran.
Le ministère allemand des Affaires étrangères a fait savoir dimanche dans un communiqué qu'il était choqué par les circonstances entourant la condamnation de Zam, et « en particulier par l'enlèvement [...] à l'étranger ».
Dans une déclaration, l'Union européenne a indiqué qu'elle condamnait l'exécution de Zam dans les « termes les plus forts » et qu'elle restait opposée à l'utilisation de la peine capitale dans toutes les circonstances.
Le ministère iranien des Affaires étrangères a convoqué dimanche les envoyés de l'Allemagne et de la France qui ont protesté contre la condamnation de l'UE, déclarant qu'il s'agissait d'une « ingérence inacceptable dans les affaires intérieures de l'Iran ».
Le lendemain, le président Hassan Rohani a déclaré que la décision d'exécuter Zam avait été prise par le pouvoir judiciaire iranien, non par le pouvoir exécutif, et s'est dit surpris par ce qu'il a décrit comme la « sensibilité » de l'UE face à la situation.
Enfant de la révolution
Né quelques mois avant la révolution islamique de 1979 en Iran, Rouhollah Zam était un véritable enfant de la révolution et, comme il l'a dit un jour dans une interview, un produit de la République islamique.
Son père, Mohammad-Ali Zam, est un religieux révolutionnaire qui l'avait nommé Rouhollah en hommage à Rouhollah Khomeini, le fondateur de la République islamique.
Confident du Guide suprême iranien Ali Khamenei, Mohammad-Ali Zam avait été dans le cercle interne du régime jusqu'en 2001, date à laquelle il avait perdu la faveur des partisans de la ligne dure.
Rouhollah Zam était membre du cercle interne de l'ancien candidat réformiste à la présidence Mehdi Karroubi, et avait participé activement à sa campagne présidentielle de 2009. Il avait quitté l'Iran, légalement en utilisant son propre passeport, en 2011, d'abord pour la Malaisie, puis la Turquie, et enfin la France, où il avait obtenu l'asile, une allocation et des gardes du corps.
Zam lui-même avait déclaré qu'il bénéficiait du deuxième plus haut niveau de sécurité (après le président français Emmanuel Macron) en France.
En France, il avait fondé le site internet Amad News et coordonné un canal Telegram associé, qui ont tous deux contribué à diffuser des informations lors des multiples manifestations antirégime en 2017 et 2018.
Amad News a notamment publié des informations sur les dissensions au sein du régime, des fuites sur le contenu des réunions gouvernementales, la logistique des manifestations et des tutoriels sur la fabrication de bombes à essence et de cocktails molotov.
Amad News a été fermé par Telegram après que la République islamique eut signalé que les tutoriels incitaient à la violence envers des responsables de Telegram. Peu de temps après, Sedaye Mardom a remplacé Amad News sur Telegram.
En 2017, Mohammad-Ali Zam avait écrit une lettre ouverte à son fils, lui demandant de « changer sa façon de vivre et de revenir en Iran ».
Zam avait été attiré vers l'Irak il y a environ quatorze mois, apparemment grâce à la promesse d'une visite au grand ayatollah Ali al-Sistani. Il avait été arrêté par la police irakienne à l'aéroport de Bagdad et remis aux autorités iraniennes.
Il avait été maintenu en isolement, interrogé par le Corps des Gardiens de la révolution islamique (CGRI) et forcé à « avouer » ses méfaits devant une caméra de télévision.
Comme il est d'usage en Iran, la confession a été produite sous la forme d'une interview, et Zam s'était à plusieurs reprises opposé aux remarques ou aux accusations de l'interviewer.
Mohammad-Ali Zam a déclaré que son fils n'avait pas été informé de son exécution imminente lors de la visite de sa famille la veille de sa pendaison.
Les médias nationaux ont cité « une source judiciaire informée » qui l'a nié, mais si cela était vrai, ce serait une violation de la constitution iranienne, en vertu de laquelle le prisonnier doit être prévenu de son exécution au moins 48 heures à l'avance.