Terrorisme

Des rapatriés du Sinaï découvrent que l'EIIS a piégé des maisons

L'AFP et Al-Mashareq

Une photo prise le 25 novembre 2017 montre la mosquée de Rawda dans le Sinaï Nord après un attentat à la bombe, qui a été le plus meurtrier de ces derniers temps. [STR/AFP]

Une photo prise le 25 novembre 2017 montre la mosquée de Rawda dans le Sinaï Nord après un attentat à la bombe, qui a été le plus meurtrier de ces derniers temps. [STR/AFP]

Les habitants du Sinaï Nord qui ont fui lorsque « l'État islamique en Irak et en Syrie » (EIIS) a occupé leurs villages sont revenus et ont découvert que le groupe a piégé leurs maisons.

« J'ai perdu ma belle-sœur et son bébé de neuf mois lorsqu'un engin explosif placé dans leur maison a explosé », a rapporté un jeune habitant du village d'Aqtiya, qui a demandé à ne pas être nommé par crainte des répercussions.

Une quinzaine de personnes ont été tuées par des engins explosifs improvisés (EEI) depuis la mi-octobre dans les villages autour de Bir al-Abed, selon des sources de la sécurité égyptienne.

Les attaques avec des EEI qui se sont multipliées dans cette région vaste, isolée et peu peuplée rappellent celles que l'EIIS avait lancées pour semer la terreur en Irak et en Syrie.

Les proches des victimes de l'attaque contre la mosquée de Rawda, dans le Sinaï Nord, attendent devant l'hôpital universitaire du canal de Suez à Ismaïlia le 25 novembre 2017, où elles ont été emmenés pour recevoir des soins après l'attaque meurtrière de la veille. [Mohamed el-Shahed/AFP]

Les proches des victimes de l'attaque contre la mosquée de Rawda, dans le Sinaï Nord, attendent devant l'hôpital universitaire du canal de Suez à Ismaïlia le 25 novembre 2017, où elles ont été emmenés pour recevoir des soins après l'attaque meurtrière de la veille. [Mohamed el-Shahed/AFP]

Les récents décès ont fortement ébranlé les quelques 1 000 habitants qui sont revenus en octobre après avoir cherché refuge ailleurs en Égypte pendant trois mois, alors que l'armée poursuivait sa lutte acharnée pour écraser l'EIIS.

Un autre résident a déclaré que les habitants ont découvert que l'EIIS s'était emparé de leurs maisons, les avait utilisées comme repaires et les avait piégées.

« Ils ont même volé notre bétail », a-t-il ajouté.

En février 2018, les forces égyptiennes ont lancé une opération nationale contre les activistes, se concentrant dans le Sinaï Nord, qui est peu peuplé.

L'armée égyptienne a déclaré mardi 8 décembre qu'elle avait depuis septembre tué 40 activistes présumés lors d'opérations aériennes et terrestres dans la péninsule.

Des jouets pour enfants piégés

La ville côtière de Bir al-Abed est à la lisière du désert aride.

En 2017, elle a connu l'attaque la plus meurtrière de l'Égypte moderne lors d'un assaut contre la mosquée de Rawda pendant la prière du vendredi, qui a causé la mort de 305 personnes, dont 27 enfants.

Selon le ministère public, jusqu'à 30 activistes portant des tenues de camouflage et brandissant la bannière noire de l'EIIS avaient encerclé la mosquée et massacré les fidèles lors de la prière hebdomadaire du vendredi.

L'EIIS n'a pas revendiqué l'attentat, mais était le principal suspect, car la mosquée est associée à des adeptes de la branche soufie de l'islam sunnite, que le groupe avait qualifiés d'hérétiques.

Un cheikh soufi figurait parmi les tués, avait fait savoir un habitant local à Al-Mashareq, en précisant que les habitants avaient reçu des avertissements de l'EIIS par le passé.

Ces derniers mois, les attaques se sont multipliées.

Le Département d'État américain estime que l'EIIS a mené 137 attaques avec des EEI l'année dernière, principalement dans le nord et le centre du Sinaï, ainsi que des « assauts complexes quasi hebdomadaires contre des positions fortifiées du gouvernement ».

« Les pièges dans le Sinaï Nord suivent directement le précédent établi par les opérations de l'EIIS en Irak et en Syrie », a expliqué Nadia al-Dayel, une experte de l'EIIS vivant à Washington et dirigeante de Critica, un groupe de réflexion.

Elle a déclaré que les activistes ont perfectionné leurs techniques, en investissant « du temps et des ressources considérables dans le piégeage de portes, de meubles, d'appareils électroménagers et même de jouets pour enfants ».

De telles tactiques reflètent celles que l'on trouve en Syrie et dans le nord de l'Irak où, il y a trois ans, des activistes de l'EIIS en retraite et encerclés avaient installé des explosifs sur des réfrigérateurs, des jouets et même des exemplaires du Coran.

L'EIIS s'est également attaquée aux malades mentaux, aux handicapés et aux enfants, profitant de leur vulnérabilité et de leur fragilité pour les utiliser comme boucliers humains ou comme kamikazes.

En avril 2017, la police irakienne a signalé que l'EIIS avait piégé un malade mental et l'avait poussé vers une zone où les forces irakiennes étaient concentrées, avant qu'un sniper de la police fédérale ne l'oblige à battre en retraite.

« Il est probable que la tactique consistant à prendre pour cible les civils non seulement continuera, mais sera reprise par d'autres groupes violents », a averti Dayel à propos de l'EIIS au Sinaï.

L'EIIS est la « principale menace » de la région

Près de 970 activistes présumés et des dizaines de membres de la sécurité ont été tués dans le Sinaï Nord depuis février 2018, selon les chiffres officiels.

Des habitants ont indiqué à l'AFP que la principale menace restait l'EIIS et ses attaques aveugles.

Le nombre de victimes civiles a continué à augmenter.

Un habitant, qui a également demandé à ne pas être identifié, a déclaré que le bureau du gouverneur a mis à disposition des écoles comme abris pour les personnes déplacées après que l'EIIS a rasé cinq villages autour de Bir al-Abed.

Cette offensive a fait suite à une opération antiterroriste mortelle menée en juillet, au cours de laquelle les forces égyptiennes ont tué 18 extrémistes lors d'opérations aériennes et terrestres après avoir déjoué une attaque contre un complexe de sécurité à Bir al-Abed.

L'armée a poursuivi les coupables, en coopération avec l'armée de l'air, et les a assiégés dans une ferme et quelques maisons abandonnées.

L'armée a détruit quatre véhicules, dont trois étaient chargés d'explosifs, et deux soldats ont été tués « alors qu'ils accomplissaient leur devoir national », a rapporté un communiqué de l'armée.

Selon Dayel, même si l'EIIS a été largement écrasé en Irak et en Syrie, le Sinaï Nord a fourni un terrain fertile pour son expansion.

« Même avec des ressources limitées, l'EIIS s'est révélé être une menace constante dans le Sinaï », a-t-elle déclaré. « Ils ne vont pas disparaître de sitôt».

Mohamed Zaki, ministre de la Défense, a rencontré mercredi des soldats de la 3e armée de campagne égyptienne et de hauts responsables militaires. Il a souligné que le maintien d'un haut niveau de préparation au combat est la véritable garantie de la sécurité et de la stabilité de l'Égypte.

Les efforts pour poursuivre le développement et la reconstruction du Sinaï sont essentiels, a-t-il ajouté, exprimant sa fierté envers les habitants de la péninsule et sa reconnaissance pour leur soutien continu aux forces armées.

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