Les Nations unies ont annoncé mercredi 23 septembre avoir réduit ou interrompu quinze de leurs 41 principaux programmes humanitaires au Yémen.
Elles ont mis en garde que 30 autres programmes pourraient subir le même sort s'ils ne recevaient aucun financement supplémentaire.
Dans une déclaration annonçant ces réductions, la coordinatrice humanitaire des Nations unies pour le Yémen Lise Grande a déclaré que seul un milliard de dollars sur les 3,2 milliards nécessaires avait été reçu.
« C'est une situation impossible », a-t-elle déclaré. « C'est la pire crise humanitaire au monde, et nous n'avons malgré tout pas les ressources nécessaires pour sauver les personnes qui souffrent et mourront si nous ne les aidons pas. »
Les Nations unies ont fait savoir que l'aide essentielle avait été réduite dans 300 centres de santé du pays et que les distributions de nourriture vitale avaient également été réduites, a rapporté l'AFP.
Entre avril et août, a précisé l'organisation, plus d'un tiers de ses principaux programmes humanitaires au Yémen ont été réduits ou complètement arrêtés, mettant en garde contre de nouvelles réductions drastiques « dans les semaines à venir, à moins que des financements supplémentaires ne soient reçus ».
Grande a exhorté les bailleurs de fonds internationaux à faire preuve de solidarité avec le peuple yéménite et à envisager sérieusement de continuer à apporter les ressources nécessaires.
« Les conséquences du sous-financement sont immédiates, énormes et dévastatrices », a-t-elle déclaré.
Mark Lowcock, le sous-secrétaire général des Nations unies pour les affaires humanitaires, a averti que le « spectre de la famine » plane à nouveau sur le Yémen.
L'envoyé des Nations unies Martin Griffiths a mis en garde pour sa part que le Yémen pourrait « s'écarter du chemin de la paix », et a cité « l'intensification des combats, l'augmentation des besoins humanitaires et la pandémie de COVID-19 » comme facteurs.
Ingérence dans les opérations d'aide
« La réduction ou l'arrêt partiel de certains programmes humanitaires aggravera la situation humanitaire et augmentera la souffrance de ceux qui en ont besoin », a déclaré le vice-ministre des Droits de l'homme Nabil Abdoul Hafeez.
Cela aura le plus grand impact sur les zones contrôlées par les Houthis (Ansarallah) soutenus par l'Iran, « où vit la plus grande partie de la population », a-t-il expliqué.
Il a souligné la nécessité pour les bailleurs de fonds de combler le déficit de financement afin que ces programmes puissent se poursuivre, et a exhorté la communauté internationale à faire pression sur les Houthis pour qu'ils mettent fin à leurs exactions contre le travail d'aide humanitaire.
« L'ingérence des Houthis dans les opérations des organisations internationales et dans la distribution d'aide alimentaire a un impact direct sur l'efficacité de ces programmes », a-t-il indiqué.
Par conséquent, a-t-il ajouté, l'aide humanitaire a été détournée des bénéficiaires prévus et distribuée à la place aux Houthis et à leurs partisans.
« Une partie de cette aide a même été détournée vers les efforts de guerre des Houthis », a-t-il précisé. Dans les cas où la milice a pu vendre de l'aide détournée, a-t-il ajouté, « un pourcentage de la valeur de cette aide lui est reversé ».
« Restrictions et obstacles coûteux »
De nombreux groupes de défense des droits de l'homme reprochent principalement aux Houthis d'entraver les opérations humanitaires et d'intervenir dans la distribution de l'aide dans les zones qu'ils contrôlent, a déclaré l'économiste Abdoul Aziz Thabet à Al-Mashareq.
Il a signalé un rapport du 14 septembre de Human Rights Watch (HRW) sur les conséquences mortelles de l'obstruction de l'aide au Yémen pendant la pandémie du nouveau coronavirus (COVID-19), qui signale plusieurs violations de ces droits par les Houthis.
« Les efforts pour empêcher la propagation de la COVID-19 et répondre à d'autres besoins sanitaires urgents au Yémen ont été gravement entravés par les restrictions et obstacles coûteux que les Houthis et d'autres autorités ont imposés aux agences d'aide internationale et aux organisations humanitaires », a indiqué le rapport.
D'après ce rapport, les Houthis ont « stigmatisé le fait d'être infecté par le virus et menacé le personnel médical, faisant craindre aux malades de se faire traiter et poussant les employés des cimetières à enterrer les morts en secret ».
« Fin juillet, les Houthis n'avaient enregistré que quelques cas de COVID-19 et ont mis fin à toutes les mesures de distanciation sociale après avoir déclaré que le virus n'était plus une menace », a poursuivi le rapport.
Thabet a souligné l'impact de la fermeture de certains programmes de santé début septembre à Sanaa et dans d'autres provinces contrôlées par les Houthis.
« Le secteur de la santé est le plus touché », a-t-il déclaré, dont la moitié environ a été mise hors service par le conflit en cours.
« La fermeture de certains programmes de santé et l'arrêt du financement des hôpitaux et des salaires des travailleurs de la santé ont obligé ces établissements à imposer des prix très élevés afin de pouvoir continuer à fournir des services », a-t-il déclaré.
« Les Yéménites subissent les conséquences de ces fermetures », a conclu Thabet.