Human Rights Watch a mis en garde lundi 14 septembre contre les « conséquences mortelles » de l'obstruction de l'aide au Yémen déchiré par la guerre, où l'effort humanitaire a déjà été gravement impacté par la crise du coronavirus.
L'ingérence du gouvernement et des Houthis (Ansarallah) soutenus par l'Iran a entravé l'acheminement de l'aide dans ce pays où le risque de famine est grand, a écrit le groupe de défense des droits dans un rapport.
Des entretiens avec 35 travailleurs humanitaires, dix responsables des dons et dix travailleurs de la santé yéménites ont révélé un réseau complexe de restrictions qui entravent l'acheminement de l'aide.
Des dizaines de milliers de personnes, pour l'essentiel des civils, ont été tuées dans le conflit yéménite, que les Nations unies qualifient de pire crise humanitaire au monde.
L'ONU a prévenu en juillet que le Yémen risquait de revenir « au bord d'une famine généralisée », alors que les appels à un cessez-le-feu pour aider à combattre le nouveau coronavirus s'intensifiaient.
Les longs délais d'approbation des projets d'aide, l'obstruction des sondages d'aide et les efforts pour dicter l'allocation des fonds, ainsi que la violence à l'égard des travailleurs humanitaires, ont entravé l'acheminement des produits essentiels, a fait savoir le rapport.
Les travailleurs humanitaires ont dû « repousser » les Houthis qui insistaient pour qu'ils remettent leurs voitures, ordinateurs portables et téléphones portables lors de la conclusion des projets en 2019 et 2020.
L'année dernière, le Programme alimentaire mondial des Nations unies a temporairement suspendu les livraisons dans les zones tenues par les Houthis suite à des accusations de « détournement de nourriture », après quoi les Houthis ont abandonné la menace d'imposer une taxe sur l'aide.
Les obstacles à l'acheminement de l'aide dans les zones contrôlées par le gouvernement dans le sud et l'est sont également en augmentation, a déclaré HRW.
Le rapport a également critiqué les organismes d'aide qui cèdent à des demandes illégitimes, ce qui pourrait aggraver la situation, en particulier dans les zones tenues par les Houthis.
Obstacles inutiles
Leurs actions ont « encouragé les autorités à rechercher un contrôle toujours plus grand, [...] canalisant de vastes sommes vers des ministères clairement corrompus », a indiqué HRW.
Ce rapport exhorte le gouvernement et les Houthis à « lever immédiatement tous les obstacles inutiles » à la fourniture d'une aide vitale, dont la demande a explosé depuis la pandémie de coronavirus.
Le Yémen a à ce jour enregistré plus de 2000 cas de COVID-19, dont 583 décès, mais les chiffres sont probablement beaucoup plus élevés, font savoir les Nations unies.
Plus de trois millions de Yéménites ont été déplacés et les trois quarts des 29 millions d'habitants du Yémen dépendent d'une forme d'aide ou d'une autre pour survivre, a précisé l'organisation.
La coordinatrice humanitaire des Nations unies pour le Yémen, Lise Grande, a déclaré que les Nations unies étaient attentives aux défis que représente l'acheminement de l'aide au Yémen.
« Pour chaque programme que nous avons en cours, nous identifions les risques pour la livraison sur principes », a-t-elle rapporté à l'AFP.
« Lorsque ces principes sont enfreints, nous ajustons notre livraison, ce qui signifie que nous devons parfois mettre fin à l'aide. »
Elle a prévenu le mois dernier que des millions de Yéménites « vont souffrir et pourraient mourir » à cause d'une crise de financement qui a obligé l'ONU à fermer ou réduire de moitié ses principaux programmes au Yémen.
Lors d'une conférence sur l'aide qui s'est tenue à Riyad en juin, les bailleurs de fonds n'ont promis que 1,35 milliard de dollars sur les 2,41 milliards nécessaires pour couvrir les activités humanitaires essentielles jusqu'à la fin de l'année.
Grande a également déclaré que la situation de l'aide s'est compliquée après que les Houthis ont fermé l'aéroport.
« Maintenant que l'aéroport de Sanaa est fermé, une tâche déjà extrêmement difficile est encore plus difficile en termes de mise en œuvre d'une réponse », a déclaré à l'AFP un travailleur humanitaire qui s'est exprimé sous couvert de l'anonymat.
« Il est vrai que le sud connaît aussi des restrictions, mais[...] dans le nord, leur nombre et leur sévérité sont exceptionnels. »