Terrorisme

Le verdict du tribunal libanais déçoit les partisans d’al-Hariri

Nohad Topalian à Beyrouth

Bahia, la sœur de Rafiq al-Hariri, d’autres membres de sa famille et des représentants du Courant du Futur se rendent au mausolée d’al-Hariri dans le centre de Beyrouth. [Photo diffusée sur Internet]

Bahia, la sœur de Rafiq al-Hariri, d’autres membres de sa famille et des représentants du Courant du Futur se rendent au mausolée d’al-Hariri dans le centre de Beyrouth. [Photo diffusée sur Internet]

De nombreux Libanais ont exprimé leur consternation après qu’un tribunal soutenu par les Nations unies a déclaré un membre du Hezbollah coupable par contumace du meurtre de l’ancien Premier ministre libanais Rafiq al-Hariri en 2005, mais n’a pas établi de lien direct entre la milice et l’attaque.

Mardi 18 août , le Tribunal spécial pour le Liban a reconnu Salim Ayyash coupable de l’attentat-suicide à Beyrouth qui a tué al-Hariri et 21 autres personnes.

Il a innocenté trois autres suspects après un procès de plusieurs années.

Les juges ont déclaré qu’aucune preuve ne permettait de lier directement le commandement du Hezbollah ou la Syrie, qui dirigeait militairement le Liban, à l’attaque, a rapporté l’AFP.

Un panneau érigé par le Courant du futur commémore le fondateur du mouvement, Rafiq al-Hariri, tué dans une attaque-suicide à la bombe à Beyrouth en 2005. [Photo fournie par le Courant du Futur]

Un panneau érigé par le Courant du futur commémore le fondateur du mouvement, Rafiq al-Hariri, tué dans une attaque-suicide à la bombe à Beyrouth en 2005. [Photo fournie par le Courant du Futur]

Pour certains des partisans d’al-Hariri, ce verdict a permis au Hezbollah de s’en sortir.

« Au final, les accusés sont des dirigeants du Hezbollah », a déclaré Amin Baroudy, étudiant à Tripoli, qui a ajouté qu’il « restera convaincu que ceux qui ont commis ce crime sont affiliés au Hezbollah ».

Baroudy s’était joint à des dizaines de partisans d’al-Hariri près de sa tombe à Beyrouth pour regarder en direct le verdict, 5664 jours après que l’explosion eut secoué la ville.

Le fils de Rafiq al-Hariri, Saad, lui aussi ancien Premier ministre et désormais à la tête du parti du Courant du Futur, a adopté un ton plus positif.

« Aujourd’hui, nous avons tous découvert la vérité », a déclaré Saad al-Hariri à l’énoncé du verdict, qu’il a accepté au nom de sa famille et des familles des autres victimes.

Réactions mitigées au Liban

Suite au verdict, des rassemblements ordonnés ont eu lieu dans le quartier de Tariq al-Jadida, connu pour sa fidélité au Courant du Futur, et des feux d’artifice ont été allumés dans le bastion du Hezbollah, dans la banlieue sud de Beyrouth.

Des habitants d’Harouf, la ville natale d’Ayyash dans le sud du pays, ont hissé une banderole exprimant leur soutien au condamné du Hezbollah, ce qui a provoqué la colère de nombreux Libanais.

Pour Salman al-Danna, un habitant Tariq al-Jadidah, ce verdict est « injuste », car il ne condamne pas le Hezbollah pour cet assassinat, a-t-il déclaré à Al-Mashareq.

« Nous avons attendu quinze ans pour apprendre que c’est Ayyash qui a planifié et assassiné l’ancien Premier ministre al-Hariri de son propre chef », a-t-il déclaré.

« J’ai été déçu, car nous savions tous qui avait planifié et exécuté ce crime. Je ne peux donc plus faire confiance qu’au seul verdict de Dieu tout-puissant, car je n’ai pas été convaincu par la condamnation du tribunal », a-t-il confié.

Fatima Darian a déclaré à Al-Mashareq que « la logique veut qu’un crime d’une telle ampleur ne puisse être perpétré par une seule personne », et a ajouté avoir le sentiment que « nous n’avons pas obtenu justice de la part du tribunal".

« Nous avons attendu tout ce temps pour qu’on nous dise qu’il n’y avait pas suffisamment de preuves ou de témoins pour accuser la Syrie et le Hezbollah d’avoir assassiné [al-Hariri] », a-t-elle déploré.

Hassan Qutb, directeur du Centre libanais de recherche et de conseil, a indiqué que des pétards avaient été allumés dans la banlieue sud de Dahyeh pour célébrer le verdict, car il n’accusait pas expressément le Hezbollah d’être derrière le crime.

« Le parti et ses soutiens ignorent le fait que le tribunal a accusé un éminent responsable du parti d’avoir commis ce crime », a-t-il indiqué à Al-Mashareq, faisant remarquer qu’Ayyash n’avait pas pu commettre ce crime tout seul.

« Nous ne pardonnerons pas et nous n’oublierons pas, car nous devons connaître, tenir pour responsables et punir ceux qui ont planifié ces crimes répétés, persistants et ciblés, et s’y s’ont investis », a affirmé Qutb.

Le rejet par le Hezbollah du verdict du tribunal et son refus de remettre Ayyash font de « sa participation au gouvernement un point de discorde avec la communauté internationale », a-t-il ajouté.

« Un crime terroriste organisé »

« Le Courant du Futur a attendu quinze ans le verdict du tribunal international », a déclaré à Al-Mashareq Abdel Salam Moussa, coordinateur des médias du courant.

Dès le début, le Courant du Futur a confié l’affaire « à la plus haute autorité judiciaire du monde, qui a rendu un verdict final et historique », a-t-il annoncé.

Ayyash est un leader du Hezbollah, « ce qui signifie que l’assassinat de Hariri était un crime terroriste organisé », a-t-il indiqué.

« Le simple fait qu’un dirigeant du Hezbollah ait été condamné, et nous connaissons sa hiérarchie et comment les décisions sont prises, signifie que nous considérons le verdict comme une condamnation du parti, et il ne peut y échapper », a-t-il déclaré.

Selon le journaliste Tony Boulos, le verdict du tribunal montre qu’il n'est plus possible pour les auteurs d’échapper à la punition pour avoir commis des crimes politiques contre les dirigeants du Liban.

« Le Hezbollah considérait Rafiq al-Hariri comme un obstacle aux plans expansionnistes du Corps des Gardiens de la révolution islamique (CGRI) en Iran », a-t-il expliqué à Al-Mashareq.

Le CGRI cherche à transformer le Liban en une base militaire iranienne et à créer un couloir terrestre reliant Téhéran à la Méditerranée, a-t-il indiqué.

Ce « plan pour contrôler le Liban » a commencé avec l’assassinat d’al-Hariri, a-t-il conclu, et s’est poursuivi avec une série d’autres assassinats destinés à éliminer « toute personne faisant obstacle au projet iranien ».

Aimez-vous cet article?

0 COMMENTAIRE (S)

Politique Commentaire * INDIQUE CHAMP NÉCESSAIRE 1500 / 1500