Le Liban a entamé mercredi 5 août une journée de deuil, la première des trois déclarées par le président Michel Aoun, alors que les équipes de sauvetage ratissent la zone autour du port de Beyrouth à la recherche de survivants après les explosions dévastatrices survenues hier.
Le Conseil national de la défense du Liban a déclaré Beyrouth zone sinistrée, et la Croix-Rouge libanaise a annoncé mercredi que ces explosions avaient tué plus de 100 personnes et blessé plus de 4000 autres, selon le dernier bilan.
Des blessures ont été enregistrées dans toute la ville, et les vitres des bâtiments de plusieurs districts ont été soufflées. Un navire amarré au large du port a pris feu, et un bateau déployé avec la force de maintien de la paix des Nations unies, la FINUL, a été endommagé et certains membres de son personnel ont été blessés.
Les explosions, ressenties à quelque 240 kilomètres de là, à Chypre, ont été enregistrées par des sismologues comme étant l’équivalent d’un tremblement de terre de magnitude 3,3.
Mardi dans la soirée, des milliers de familles ont quitté Beyrouth pour se mettre en sécurité, mais beaucoup d’autres se sont retrouvées sans toit, ne pouvant aller nulle part ou ne voulant pas laisser leurs maisons éventrées ouvertes aux pilleurs.
Les opérations de sauvetage ont été ralenties dans la nuit par le manque d’électricité, qui était déjà au mieux intermittente dans une grande partie de la ville avant l’explosion.
Les forces de sécurité ont bouclé mardi une grande zone autour du lieu de l’explosion, repoussant les habitants qui tentaient de rejoindre leur maison pour évaluer les dégâts, les sauveteurs travaillant toute la nuit jusqu'à ce mercredi.
Le gouverneur de Beyrouth, Marwan Aboud, a déclaré mercredi que ces explosions avaient laissé 300 000 personnes sans logement et causé plus de 3 milliards de dollars de dégâts dans la moitié de la ville.
Les ingénieurs et les équipes techniques n’ont encore procédé à aucune évaluation officielle.
« Une catastrophe dans tous les sens du terme »
L’explosion semble avoir été causée par l’inflammation d’un énorme dépôt de nitrate d’ammonium laissé sans sécurité dans un entrepôt du port, déclarent les responsables, mais de nombreuses questions demeurent.
Une première grosse explosion dans la zone portuaire de Beyrouth a eu lieu mardi vers 18 heures. Elle a provoqué un incendie, plusieurs petites explosions, puis une explosion colossale qui a aplati le port et les bâtiments environnants.
Des images extraites d’une vidéo montrent une boule de feu s’élevant au-dessus d’immenses silos de stockage, puis un nuage s’élevant dans le ciel alors qu’une puissante onde de choc traverse la plus grande ville du Liban.
Le Premier ministre libanais Hassan Diab a déclaré que 2750 tonnes de nitrate d’ammonium, un engrais agricole, stockées dans un entrepôt du port avaient explosé, provoquant « une catastrophe dans tous les sens du terme ».
Le nitrate d’ammonium est une substance cristalline inodore qui a été la cause de nombreuses explosions industrielles depuis plusieurs décennies. Combiné au fioul, il crée un puissant explosif largement utilisé dans l’industrie du bâtiment, mais aussi par des groupes extrémistes pour créer des engins explosifs improvisés (EEI).
« Ce qui s’est produit aujourd’hui ne passera pas sans qu’il y ait des comptes à rendre », a affirmé Diab. « Les responsables de cette catastrophe en paieront le prix. »
Le chef de la Sûreté générale du Liban, Abbas Ibrahim, a déclaré que le produit avait été confisqué des années auparavant et stocké dans l’entrepôt.
« L’incident a été causé par une explosion dans un dépôt de produits chimiques contenant du nitrate d’ammonium », a expliqué Badri Dhahir, directeur de l’administration douanière. « Le matériau explosif avait été saisi et stocké dans un entrepôt de produits chimiques dans le port de Beyrouth. »
« Le conteneur avait été saisi sur ordonnance d’un tribunal après un litige entre l’importateur et le transporteur », a rapporté Dhahir.
Les responsables libanais n’ont pas indiqué que ces explosions avaient été causées délibérément, bien que certains utilisateurs de réseaux sociaux aient accusé le Hezbollah de stocker des armes et des explosifs dans le port.
Beyrouth lance un appel à l’aide
Aoun a annoncé qu’il allait débloquer 100 milliards de livres libanaises (66 millions de dollars) de fonds d’urgence. Mais le pays est en pleine crise économique et ses hôpitaux sont déjà débordés par la pandémie de coronavirus.
« Beyrouth lance un appel à l’aide », a indiqué l’ancien Premier ministre Saad al-Hariri sur les réseaux sociaux. « L’ouragan qui l'a frappé fait saigner les cœurs. Tout le monde est appelé au secours du Liban et à être solidaire de notre peuple. »
« L’ampleur des pertes est trop importante pour être décrite, mais la plus grande perte est celle de dizaines de personnes qui ont été tuées et blessées », a-t-il déclaré. « Nous prions Dieu de protéger notre capitale et notre peuple de tout dommage. »
L’explosion a endommagé la résidence d’al-Hariri, où il dirigeait une réunion du Courant du futur. Initialement, beaucoup ont cru qu’il en avait été la cible.
Son père, l’ancien Premier ministre libanais Rafiq al-Hariri, avait été tué dans un grand attentat-suicide en 2005, et un tribunal soutenu par les Nations unies doit rendre son verdict vendredi sur ce meurtre. Quatre membres présumés du Hezbollah sont jugés par contumace.
Dans tout Beyrouth et sa banlieue, des témoins oculaires ont raconté à Al-Mashareq que la panique et l’horreur régnaient dans des scènes de destruction, des bâtiments étant détruits et les vitres et les portes de la plupart des immeubles de grande hauteur brisées.
Des dégâts à grande échelle ont été signalés dans le centre de Beyrouth, à Achrafieh, à Dora, au Grand Sérail, au Parlement, au palais de Baabda, dans les hôpitaux, les centres commerciaux, à l’Électricité du Liban et à l’aéroport international de Beyrouth.
« Ce qu’il s’est passé est plus grand que le Liban dans les circonstances actuelles », a déclaré le ministre de la Santé Hamad Hasan, ordonnant à tous les hôpitaux de recevoir et traiter les blessés aux frais du ministère.
« Cette catastrophe est un défi pour l’État et un véritable désastre. »