Le confinement du coronavirus (COVID-19) prend fin en Jordanie, notamment dans le camp de réfugiés d’al-Zaatari, où vivent près de 80 000 réfugiés syriens.
Mais la situation est loin d’être normale à al-Rukban, un autre camp de réfugiés en Jordanie.
Pour une population qui a fui les conflits, le confinement du coronavirus a été une difficulté de plus. Avec un si grand nombre d’entre eux vivant près les uns des autres sans installations sanitaires de base, les réfugiés syriens en Jordanie ont été confrontés à une nouvelle épreuve à laquelle ils n’étaient pas prêts.
Sans aide internationale, la pandémie devrait faire des ravages à long terme sur les réfugiés.
Augmentation de la pauvreté, chômage inquiétant
À l’occasion de la Journée mondiale des réfugiés, le 21 juin, Dominik Bartsch, Haut Commissaire des Nations unies pour les réfugiés en Jordanie, a déclaré que « les réfugiés de toute la Jordanie se retrouvent de plus en plus souvent dans la pauvreté, en particulier à cause de la récente crise du coronavirus ».
« Avant la pandémie, 79 % des réfugiés en Jordanie vivaient déjà en dessous du seuil de pauvreté, mais des enquêtes récentes indiquent que cette proportion a augmenté ».
Des experts en santé et en aide humanitaire ont fait part de leurs inquiétudes quant à la possibilité que la pandémie atteigne les camps de réfugiés, où les habitants vivent déjà dans de mauvaises conditions sanitaires. C’est un lourd fardeau à porter pour la Jordanie, qui accueille plus de 1,3 million de Syriens déplacés.
Selon Bartsch, seuls 35 % des réfugiés en Jordanie disent avoir un travail à retrouver une fois les restrictions entièrement levées.
Wissam Rabadi, ministre jordanien de la Planification et de la Coopération internationale, a indiqué que son pays demandait 6,6 milliards de dollars aux bailleurs de fonds internationaux pour répondre au défi permanent consistant à accueillir des centaines de milliers de réfugiés syriens jusqu’en 2022.
Al-Rukban : lointaine, dévastée, sans médecins
Des milliers de personnes vivent dans des conditions sordides dans le camp du désert dal-Rukban, situé dans le no man’s land proche de la base militaire d’al-Tanf, à la frontière sud de la Syrie avec la Jordanie.
À la clinique du camp de Palmyre, l’infirmier en chef Shukry Shehab a déclaré à Al-Mashareq que les derniers mois avaient été difficiles, et que la clinique n’y était pas préparée.
Le confinement en soi n’est pas une nouveauté pour les 12 700 réfugiés syriens qui vivent dans ce camp, a précisé Shehab. « Nous vivons en état de siège depuis un an maintenant. Mais c’est un véritable défi que de gérer les cas critiques qui nécessitent une attention immédiate en l’absence d’une clinique bien équipée à proximité. »
Même l’UNICEF a fermé par précaution son centre médical le 18 mars, selon Shehab. Situé à cinq kilomètres du camp, c’était le seul centre médical doté de bonnes ressources desservant le camp.
« Nous ne voulons pas d’aide humanitaire, tout ce dont nous avons besoin, c’est d’une assistance médicale pour sauver des vies », a fait savoir Shehab.
En raison du manque de nourriture, d’eau et de soins médicaux, Shehab a également souligné la pénurie de masques, de gants, de désinfectants et de thermomètres numériques au plus fort de la pandémie.
« Nous sommes des infirmiers, mais nous faisons le travail de médecins et de chirurgiens », a-t-il déclaré.
Al-Rukban reste le camp de réfugiés oublié de la Syrie où les gens vivent et meurent en silence. « Il y a une maison chauffée derrière ces deux montagnes où nous sommes coincés, remplie de nourriture et de boissons. Malheureusement, nous ne pouvons pas l’atteindre », a-t-il ajouté.
Al-Zaatari : défis similaires, conditions meilleures
Al-Zaatari, le plus grand camp de réfugiés syriens au monde, connaît de nombreuses histoires de réussite et de survie, une différence frappante avec al-Rubkan.
Pendant la pandémie cependant, ses rues et magasins actifs étaient hantés, et ses habitants appellant de leurs vœux les interactions sociales qu’ils avaient autrefois.
« Personne n’est autorisé à entrer dans le camp ou à en sortir », a déclaré Bassel al-Shahmeh, un résident du camp âgé de 23 ans. « Nous continuons à demander pourquoi nous sommes toujours confinés dans notre camp, mais nous n’obtenons aucune réponse. Beaucoup d’entre nous doivent partir pour travailler. »
Selon al-Shahmeh, les 20 dinars jordaniens (28 dollars) que le HCR alloue à chaque réfugié ne suffisent pas pour s’en sortir. Comme beaucoup d’autres réfugiés, il quitte le camp illégalement pour travailler dans les fermes voisines et ramasser des poires, des pastèques ou des tomates pour un dinar de l'heure.
« [Mais] si nous sommes pris, nous devons payer [en amendes] le double du montant que nous gagnons », a-t-il expliqué à Al-Mashareq.
La pandémie de coronavirus a fait apprécier à Zad al-Kheir al-Zoubi, une autre réfugiée d’al-Zaatari, lycéenne, la vie qu’elle avait dans le camp.
« La vie s’est arrêtée », a-t-elle rapporté à Al-Mashareq. « J’étais tout le temps accaparée par mes études et mon travail, et je traînais avec mes amis. La vie sociale fait partie du camp, c’est ce qui nous relie », a-t-elle déclaré.
Bien que les magasins du camp soient ouverts de 6 heures du matin à minuit, al-Zoubi a estimé que le marché n'est pas le même.
« Les gens ne reçoivent que leurs besoins de base et ne sortent plus comme avant », a-t-elle expliqué en conclusion. « Il faudra des mois pour revenir à la normale et payer les dettes que nous avons accumulées pendant la pandémie. »