L'Iran a annoncé mardi 14 janvier ses premières arrestations suite au tir accidentel contre un avion de ligne ukrainien la semaine dernière, des manifestants exprimant leur colère envers cette erreur catastrophique pour la quatrième journée consécutive.
Aggravant la situation du pays touché par des sanctions, le Royaume-Uni, la France et l'Allemagne ont déclenché un mécanisme de règlement des différends dans le cadre de l'accord nucléaire de 2015, qui est déjà en difficulté, ce qui a incité l'Iran à les mettre en garde contre des « conséquences » non spécifiées.
L'avion d'Ukraine International Airlines a été abattu par un missile peu après son décollage mercredi, tuant les 176 passagers et membres d'équipage à bord.
L'Iran a subi une pression internationale croissante pour que son enquête sur la tragédie soit complète et transparente.
La façon dont les autorités ont géré la catastrophe aérienne a également provoqué la colère de certains Iraniens.
Les correspondants de l'AFP ont indiqué qu'environ 200 étudiants, pour la plupart masqués, se sont réunis mardi à l'université de Téhéran et ont étaient bloqués dans une situation tendue avec des jeunes de la milice Basij fidèles au pouvoir en place.
Des vidéos mises en ligne lundi montreraient des centaines de manifestants descendant dans la rue pour une troisième nuit consécutive, apparemment criant des slogans contre l'Iran.
Les manifestants ont scandé « mort au dictateur » dimanche, a rapporté l'agence de presse Fars, ce qui est rare dans un pays où les médias qualifient généralement les manifestants « d'émeutiers » et s'abstiennent de publier de tels slogans.
« Une réelle fracture »
Ces manifestations ont été beaucoup plus réduites que les manifestations nationales contre la hausses du prix du carburant qui ont fait des morts en novembre.
Mais, selon un commentateur, les derniers rassemblements ont démontré qu'il existe « une réelle fracture entre le peuple et les autorités ».
« J'espère que [la retenue policière] se poursuivra et qu'il n'y aura pas de morts, car cela pourrait être un catalyseur pour de nouvelles protestations », a déclaré à l'AFP Mehdi Rahmanian, directeur du quotidien réformiste Shargh.
Autre signe de désaccord croissant, un groupe d'artistes a annulé sa participation au festival Fajr, organisé chaque année à l'occasion de l'anniversaire de la révolution islamique de 1979, selon le journal Hamshahri, qui appartient à la mairie de Téhéran.
Pendant plusieurs jours, Téhéran a démenti les affirmations occidentales fondées sur des renseignements américains selon lesquels le Boeing 737 avait été abattu par un missile.
Il a avoué samedi lorsque le général de brigade Amirali Hajizadeh, commandant aérospatial du Corps des Gardiens de la révolution islamique (CGRI), a reconnu qu'un opérateur de missiles avait pris l'avion pour un missile de croisière et avait ouvert le feu indépendamment.
Lors d'une conférence de presse télévisée, la justice a annoncé que les premières arrestations avaient été effectuées pour cette catastrophique erreur, sans en préciser le nombre.
« Des enquêtes approfondies ont été menées et certaines personnes ont été arrêtées », a annoncé le porte-parole Gholamhossein Esmaili.
Esmaili a également fait savoir qu'une trentaine de personnes avaient été arrêtées dans le cadre des manifestations contre la catastrophe aérienne.
« Le monde regardera »
Cette annonce a été faite peu après que le Président Hassan Rohani ait déclaré que toutes les personnes responsables de la catastrophe devaient être punies.
« Pour notre peuple, il est très important dans cet incident que toute personne fautive ou négligente à quelque niveau que ce soit » doive faire face à la justice, a affirmé Rohani.
« Tous ceux qui devraient être punis doivent être punis. »
« Le pouvoir judiciaire doit former une cour spéciale avec un juge de haut rang et des dizaines d'experts[...] Le monde entier regardera », a précisé Rohani.
L'avion à destination de Kiev a été abattu au moment où les forces armées iraniennes étaient en état d'alerte renforcée après avoir lancé une volée de missiles vers des bases irakiennes abritant des troupes américaines.
L'Iran a tiré ces missiles en représailles à l'attaque le 3 janvier d'un drone américain qui a tué Qassem Soleimani, qui était à la tête de la branche des opérations étrangères de la Force Qods du CGRI.
L'Iran a invité des experts du Canada, de la France, d'Ukraine et des États-Unis à participer à l'enquête sur la catastrophe aérienne.
Lundi soir, le Bureau de la sécurité des transports (BST) canadien a annoncé que ses enquêteurs se rendant à Téhéran auraient accès à l'épave et aux enregistreurs de vol de la boîte noire de l'avion de ligne abattu.
« Des signes précoces ont indiqué que l'Iran permet au BST de jouer un rôle plus actif que ce qui est normalement autorisé », a fait savoir la présidente de l'organisation, Kathy Fox.