Quelques jours après la mort du chef de « l’État islamique en Irak et en Syrie » (EIIS) Abou Bakr al-Baghdadi dansun raid en octobre par les forces spéciales américaines , le groupe a annoncé le nom de l'homme qui l'a remplacé à la tête du groupe.
Mais la vraie identité d'Abou Ibrahim al-Hashimi al-Qurashi est entourée de mystère, et avec elle la stratégie du groupe se poursuit.
« Nous ne connaissons pas trop de chose sur lui sauf qu'il était le juge principal de l'EIIS et il était à la tête du comité de la 'sharia'», a indiqué l'expert irakien en affaires de l'EIIS Hisham al-Hashemi.
Cependant, il y a même des doutes quant à l'existence de l'homme.
Certains suggère que le groupe a été pris par surprise et a annoncé un nom comme un pas en attente, pour créer son impression sur les choses.
« L'organisation a été prise par surprise par la brutalité de l'élimination d'al-Baghdadi», a affirmé Jean-Piere Filiu, un spécialiste du monde arabe à l'Université Sciences-Po de Paris.
« Elle a communiqué depuis lors l'identité d'un successeur que nous ne connaissons pas s'il existe vraiment ou s'il s'agit d'une simple leurre alors que le processus de désigner un vrai successeur se déroule en Syrie et en Irak, » a-t-il souligné.
Orientation stratégique
« Dans ce monde, vous ne pouvez pas garder le nom de votre chef secret, aucun groupe terroriste aujourd'hui ou hier ne peut garder secret la structuration de sa hiérarchie. Aucun n'est aussi bien à ce sujet», a expliqué Seth Jones du Centre des Études stratégiques et internationales à Washington.
Qu'il existe ou non, le successeur n'a pas donné un leadership visible.
Sous la direction d'al-Baghdadi, qui a aussi évité les feux des projecteurs, l'EIIS a expérimenté la gestion d'un proto-état, produisant des livres scolaires et créant sa propre devise.
Depuis l'expulsion du groupe terroriste d'al-Baghouz, le dernier bout de terrain qu'il contrôlait en Syrie, en mars, il a recouru principalement aux tactiques de guérilla.
Si al-Qurashi doit éviter un défi interne du leadership, il sera forcé de sortir de l'ombre, disent les experts.
« Il y aura une tension entre son besoin de s'établir et être efficace, et son désir de sécurité», a fait savoir Daniel Byman, un chercheur à l'Université de Georgetown à Washington.
Opter pour la deuxième serait couteux, créant un vide pour les groupes extrémistes qui rivalisent pour la suprématie.
« Nous avons vu beaucoup de critiques des autres [éxtremistes], qui disent vous ne pouvez pas vraiment être un Calife si vous n'avez pas de Califat, » a souligné Byman. « Cette personne aura de grandes difficultés à établir sa leadership».
Pour Filiu, les violentes perpétrés par les branches de l'EIIS au Sinaï et la région du Grand Sahara en Égypte contribuent à donner à la direction centrale le temps de se réorganiser.
Un 'tournant décisif'
Robin Simcox, chercheur à la Fondation Héritage Américain, a indiqué qu'un EIIS affaibli a peu d'espoir de reconquérir du territoire dans l'avenir proche, ce qui signifie que ses combattants se cacheront et adopteront des tactiques « d'insurgence ».
« Cela le rendrait un adversaire plus difficile à pourchasser en quelques sortes, mais il serait plus difficile pour eux d'attirer des recrus aussi nombreux puisqu'il n'y a plus de 'Califat' pour les étrangers pour y voyager», a-t-il indiqué.
« Cela le rend encore plus difficile à collecter des fonds, car l'EIIS générait auparavant des revenus à travers les impôts et l'extorsion de ceux qui vivaient sous son contrôle au 'Califat'», a-t-il dit.
Pour Byman, c'est un « point tournant pour le groupe ».
« Mais sans savoir beaucoup sur le chef, il est très difficile de savoir quelle voie ils emprunteront», a-t-il conclu.