La mort d'Abou Bakr al-Baghdadi, dirigeant de « l'État islamique en Irak et en Syrie » (EIIS), et son remplacement soudain par une personne peu connue pourrait bien affaiblir davantage la branche yéménite du groupe, ont fait savoir des experts et des analystes.
Al-Baghdadi s'est fait exploser dans un tunnel souterrain le 27 octobre, avec deux enfants âgés, semble-t-il, de moins de 12 ans, lors d'un raid des forces spéciales américaines contre son repaire dans la province syrienne d'Idlib.
Mais même avant la mort d'al-Baghdadi, « l'EIIS au Yémen était dans un état affaibli, en particulier suite à des affrontements avec al-Qaïda », a déclaré à Al-Mashareq Abdoul Salam Mohammed, directeur du Centre Abaad d'études stratégiques.
Il semble maintenant évident que la disparition d'al-Baghdadi va accélérer la désintégration du groupe, a affirmé Mohammed.
Affrontement violent avec al-Qaïda
La branche de l'EIIS au Yémen a plusieurs caractéristiques distinctives, a expliqué Mohammed.
Elle a été créée par des dirigeants de niveau moyen qui avaient auparavant membres d'al-Qaïda, a-t-il précisé, notant que beaucoup de ces leaders avaient par la suite rejoint al-Qaïda et lutté contre l'EIIS.
Des combats très violents entre ces groupes extrémistes rivaux ont eu lieu, en particulier dans le district d'al-Qayfa, à al-Bayda, où al-Qaïda a pris le dessus.
De plus, l'exécution brutale en janvier de quatre jeunes Yéménites dans la même région avait suscité une indignation publique et érodé tout soutien dont l'EIIS avait pu bénéficier.
En plus d'être éclipsé et attaqué par al-Qaïda, qui a une plus grande base de soutien dans la péninsule arabique, « la mort du dirigeant de l'EIIS a fermé la porte à l'accès au soutien et au financement [pour la branche yéménite] », a-t-il déclaré.
L'incertitude quant à la nouvelle orientation et le manque de financement devraient affaiblir davantage l'EIIS, qui n'a jamais vraiment réussi à s'implanter avec succès au Yémen et n'a donc pas pu se développer, a-t-il indiqué.
Cela peut être attribué à « l'attrition subie par l'EIIS dès le début de sa création au Yémen, avant qu'il n'ait pu réaliser quoi que ce soit sur le terrain, du fait de ses affrontements avec al-Qaïda », a poursuivi Mohammed.
« L'EIIS est fini dans la région et sera bientôt fini au Yémen », a-t-il prédit.
L'EIIS encore affaibli
La mort d'al-Baghdadi et les différends et luttes intestines que la nomination d'un successeur ne manquera pas de déclencher « vont frustrer les dirigeants qui cherchent à activer le rôle du groupe, en particulier au Yémen », a déclaré Nabil al-Bakiri, chercheur spécialisé dans les groupes armés.
De nombreux groupes extrémistes cessent de fonctionner à la mort de leur dirigeant fondateur, qui concentre généralement tout le pouvoir et tous les plans du groupe, a-t-il expliqué à Al-Mashareq, « même si ces groupes prétendent avoir une structure organisationnelle ».
Dans la plupart des groupes extrémistes, « l'allégeance est généralement au dirigeant fondateur, mais après sa mort, des conflits internes et des divisions commencent à apparaître entre les dirigeants », a déclaré à Al-Mashareq l'analyste politique Faisal Ahmed.
« Ce sera le sort de la branche de l'EIIS au Yémen », a-t-il affirmé.
« L'annonce du successeur d'al-Baghdadi ne fera qu'accroître les divisions et les alliances entre les dirigeants de haut rang dans les branches du groupe, en particulier la branche yéménite », a déclaré Ahmed.
La branche yéménite de l'EIIS « lutte contre al-Qaïda pour son influence et ne dispose d'aucun incubateur populaire », a-t-il noté.
L'opération militaire qui a éliminé al-Baghdadi « renforce la crédibilité de la lutte contre le terrorisme », a ajouté Ahmed.
Elle a porté un énorme coup au moral des dirigeants et des éléments de l'EIIS, a-t-il poursuivi, « surtout après la série de défaites que le groupe a subies en Irak et en Syrie » et la défection subséquente de nombre de ses combattants.