Le leader longtemps en fuite de « l'État islamique en Irak et en Syrie » (EIIS) est mort lors d'une opération audacieuse lancée dimanche 27 octobre dans la soirée par les forces spéciales américaines dans le nord-ouest de la Syrie.
Acculé dans un tunnel, Abou Bakr al-Baghdadi a fait exploser la ceinture explosive qu'il portait, a annoncé le président des États-Unis Donald Trump dans une allocution télévisée.
« Il a fait exploser sa ceinture, se tuant lui-même [...] Il est mort après s'être enfui dans un tunnel en cul-de-sac, gémissant, pleurant et criant jusqu'à la fin », a indiqué Trump, ajoutant que trois enfants avaient également été tués dans l'explosion.
Le secrétaire américain à la Défense Mark Esper a indiqué que l'équipe de la Delta Force qui a mené cette opération avait une confirmation à la fois visuelle et par ADN de la mort d'al-Baghdadi.
Cette opération, qui impliquait huit hélicoptères venant d'une base non identifiée, a été menée en coopération avec la Russie, la Syrie, la Turquie et l'Irak, a précisé Trump.
Il a remercié les Kurdes de Syrie « pour un certain soutien qu'ils ont été en mesure de nous apporter ».
Al-Baghdadi laisse derrière lui des décapitations, exécutions de masse, viols, enlèvements et nettoyages ethniques durant ses cinq années passées à la tête de l'EIIS.
Ce natif d'Irak, que l'on pense avoir été âgé de 48 ans, aura été rarement vu.
Après 2014, il a disparu, apparaissant seulement dans une vidéo en avril dans laquelle il encourageait ses partisans à « chercher à se venger » après la défaite territoriale du groupe.
Le département d'État américain avait promis une récompense de 25 millions de dollars pour des informations permettant de le localiser.
Mort du porte-parole de l'EIIS
Lors d'une autre opération, lancée quelques heures seulement après l'annonce de la mort d'al-Baghdadi, le porte-parole de l'EIIS Abou Hassan al-Mouhajir a également été tué, a déclaré le chef des Forces démocratiques syriennes (FDS) Mazloum Abdi.
Al-Mouhajir, « le bras droit d'al-Baghdadi et porte-parole de l'EIIS, a été ciblé dans le village d'Aïn al-Baydah, près de Jarablus, lors d'une action coordonnée entre les renseignements des FDS et l'armée américaine », a-t-il poursuivi.
Un correspondant de l'AFP à Aïn al-Baydah a expliqué que deux véhicules avaient été touchés par des frappes aériennes : un petit pickup et un camion plus gros transportant un petit conteneur métallique.
Il a vu deux corps gisant à l'extérieur du premier véhicule, tandis qu'un troisième corps calciné se trouvait dans le conteneur métallique.
L'Observatoire syrien des droits de l'homme a confirmé la mort d'al-Mouhajir, précisant qu'il faisait partie des cinq éléments de l'EIIS qui avaient été tués dans une opération dirigée par les États-Unis épaulés par les FDS.
Moustafa Bali, le porte-parole des FDS, a expliqué par la suite que l'on pensait qu'al-Mouhajir se trouvait à Jarablus pour faciliter l'entrée d'al-Baghdadi dans la région du Bouclier de l'Euphrate, une zone dans le nord de la Syrie contrôlée par les affiliés syriens de la Turquie.
« Les deux opérations dirigées par les États-Unis ont effectivement neutralisé ces hauts dirigeants de l'EIIS qui se cachaient » dans le nord-ouest de la Syrie, a-t-il ajouté.
« Opération coordonnée »
Lors de l'opération contre al-Baghdadi, des hélicoptères américains ont largué des soldats dans une zone de la province d'Idlib où « étaient présents des groupes liés à l'EIIS », a indiqué l'observatoire.
Ces hélicoptères ont visé une maison et une voiture à l'extérieur du village de Barisha, a-t-il continué, lors d'une opération qui a fait neuf morts, y compris le haut dirigeant de l'EIIS Abou Yamaan.
Barisha se trouve dans une zone montagneuse et faiblement peuplée, à environ 25 kilomètres au nord de la ville d'Idlib et à moins de cinq kilomètres de la Turquie.
Cette région agricole est proche de Bab al-Hawa, l'un des principaux postes frontaliers entre la Turquie et la Syrie, et abrite de petites installations improvisées de personnes déplacées venues d'autres régions de Syrie.
La maison ciblée lors de cette opération se trouvait en bordure du village.
Cette région est théoriquement sous le contrôle de Tahrir al-Sham, mais des cellules dormantes de l'EIIS et Hurras al-Din, lié à al-Qaïda, sont également présents dans la zone, selon l'observatoire.
La région est connue pour ses trafics et est suffisamment poreuse pour permettre à des groupes armés autres que Tahrir al-Sham d'y opérer.
Soulagement dans la province syrienne d'Idlib
Dans le nord de la Syrie, où al-Baghdadi a connu sa fin, les habitants d'Idlib ont fait part de leur soulagement en apprenant sa mort, a rapporté à Diyaruna Moussab Assaf, un militant d'Idlib.
Un sentiment de soulagement prévaut dans les régions contrôlées par Tahrir al-Sham après la diffusion de cette information, a-t-il ajouté, soulignant que les habitants d'Idlib considèrent la mort d'al-Baghdadi comme « un grand pas vers leur libération finale du joug extrémiste ».
Les groupes extrémistes comme l'EIIS et Tahrir al-Sham ont « détourné et perverti » le cours de la révolution syrienne, a-t-il continué, et ont très négativement impacté le cours de la vie des civils dans la région qu'ils contrôlaient.
La mort d'al-Baghdadi marque la fin de l'EIIS, a estimé l'avocat syrien Bashir al-Bassam pour Diyaruna, soulignant que sa présence symbolique était la seule chose qui faisait encore ciment.
Sans al-Baghdadi, il sera bien plus difficile pour le groupe de survivre et de se regrouper, a-t-il ajouté.
L'opération visant à abattre al-Baghdadi a envoyé aux extrémistes qui restent en fuite le message clair que la coalition internationale et ses partenaires sur le terrain frapperont une nouvelle fois avec une poigne de fer lorsque des cibles seront identifiées, a-t-il poursuivi.
Le sort d'al-Baghdadi conduira indubitablement à la désintégration des cellules de l'EIIS qui opèrent encore dans la région, a ajouté al-Bassam.
Il entraînera la perte de la plupart de la structure organisationnelle du groupe, et sa capacité à recruter de nouveaux combattants ou à regrouper les anciens, a-t-il précisé.
Rejoindre d'autres groupes extrémistes ne sera pas une option pour les combattants de l'EIIS restant en Syrie, a-t-il poursuivi, expliquant que ces autres groupes craindront que cela n'en fasse des cibles des frappes de la coalition internationale.
L'Irak salue « la fin d'un sombre chapitre »
Lundi, les Irakiens ont salué la mort d'al-Baghdadi comme la fin d'un « sombre chapitre », qualifiant cette mort de coup de poignard dans le cœur de l'EIIS.
Ils ont toutefois mis en garde que la mort du leader de l'EIIS ne signifie pas que le groupe est mort, et ont appelé de leurs vœux un maintien de la pression pour battre le groupe et son idéologie.
Le leader de l'EIIS « a connu son inévitable fin », a expliqué le spécialiste de la sécurité Safaa al-Aasam à Diyaruna, soulignant que cette mort était imminente et attendue, ainsi que la mort des membres du premier cercle d'al-Baghdadi et l'effondrement du groupe.
« L'élimination du leader du mal et de la personne la plus recherchée au monde est un coup sérieux porté à l'EIIS et un coup porté en son cœur », a-t-il ajouté.
« Nous nous sommes débarrassés d'un tueur assoifé de sang, mais ce qui nous importe réellement aujourd'hui, c'est de nous débarrasser de l'idéologie sanguinaire que ce criminel et ses partisans ont répandue », a continué al-Aasam.
« Cela demandera d'exercer une pression constante sur les résidus terroristes et une action de grande envergure pour les combattre et les empêcher de se propager », a-t-il ajouté.
Les renseignements irakiens ont révélé où se cachaient le leader de l'EIIS avec sa famille et ses compagnons après avoir « soigneusement surveillé les déplacements d'al-Baghdadi et de ceux qui l'entouraient », a expliqué à Diyaruna Fadel Abou Ragheef.
Ce raid a eu lieu « en coordination entre les services de renseignement irakiens et les forces américaines », a expliqué la Cellule de presse de la sécurité irakienne dans un communiqué.
Une équipe spécialisée de ces services suivait les mouvements d'al-Baghdadi depuis un an avant de pouvoir le localiser, a expliqué ce communiqué.
Le leader de l'EIIS « craignait pour sa vie » et ne faisait même plus confiance à ses plus proches lieutenants, a continué Abou Ragheef, soulignant qu'il utilisait les membres de sa famille comme des boucliers humains, « ce que confirment les circonstances de sa mort ».
La nouvelle de la mort d'al-Baghdadi a déclenché la joie dans la rue irakienne
« C'est un événement exceptionnel et historique ; le terroriste qui avait causé tant de tragédies n'est plus en vie », a déclaré Mohammed al-Fahdawi, un habitant de Ramadi.
« La mort de ce criminel clôt un chapitre noir », a expliqué pour sa part Mayada Ali, un habitant du quartier d'al-Shurta de Bagdad, à Diyaruna. « Nous attendions depuis longtemps le jour où il serait tué, et ce jour est enfin arrivé. »
« Un virage »
Les dirigeants internationaux ont salué le succès de cette opération, tout en soulignant la nécessité de rester vigilant.
Le président turc Recep Tayyip Erdogan a qualifié le raid qui a permis de tuer al-Baghdadi de « virage dans notre combat conjoint contre le terrorisme ».
Le président français Emmanuel Macron a parlé de la mort d'al-Baghdadi comme d'un « coup dur porté contre Daech ».
« Le combat se poursuivra avec nos partenaires au sein de la coalition internationale pour veiller à ce que l'organisation terroriste soit définitivement vaincue. C'est notre priorité », a-t-il ajouté.
« La mort d'al-Baghdadi est un moment important dans notre lutte contre le terrorisme, mais la bataille contre le mal de l'EIIS n'est pas encore terminée », a déclaré pour sa part le Premier ministre britannique Boris Johnson.
« Nous travaillerons avec nos partenaires de la coalition pour mettre un terme une fois pour toutes aux activités meurtrières et barbares de l'EIIS », a-t-il ajouté.
Le chef de l'OTAN Jens Stoltenberg a qualifié cette opération de « pas important dans nos efforts contre le terrorisme international ».
Quant à l'Arabie saoudite, elle s'est réjouie de la mort d'al-Baghdadi, une source du ministère des Affaires étrangères déclarant que le chef de l'EIIS avait « déformé l'image de l'Islam » et commis « des atrocités et des crimes ».