Économie

Hostilité face à la proposition d'ouverture à l'Iran d'un ministre libanais

Par Nohad Topalian à Beyrouth

Le ministre libanais de l'Industrie, Hussein Hajj Hassan, rencontre Valiollah Seif, gouverneur de la Banque centrale iranienne. [Photo fournie par l'Agence nationale de presse du Liban]

Le ministre libanais de l'Industrie, Hussein Hajj Hassan, rencontre Valiollah Seif, gouverneur de la Banque centrale iranienne. [Photo fournie par l'Agence nationale de presse du Liban]

La récente tentative d'un ministre libanais affilié au Hezbollah de renforcer les liens entre les banques centrales du Liban et l'Iran mettrait le Liban sous pression et compromettrait sa crédibilité financière, ont indiqué des économistes.

Lors d'une visite en Iran fin août, où il a rencontré des responsables iraniens, le ministre de l'Industrie Hussein Hajj Hassan, membre du parti libanais du Hezbollah, a parlé de mesures visant à développer le commerce et les échanges financiers entre les deux pays.

Le plan du ministre, qui arrive un an après la levée des sanctions internationales contre, l'Iran, « vise à augmenter le commerce avec l'Iran », a déclaré Jassim Ajaka, expert en économie et stratégie, à Al-Mashareq.

Mais ce plan « est confronté à des problèmes juridiques, pratiques et politiques », a indiqué Ajaka.

Le ministre a évoqué une possibilité de coopération entre les banques centrales du Liban et de l'Iran suite à une demande faite au gouverneur de la Banque centrale libanaise, Riad Salameh, de la part de son homologue iranien, lequel demande que les deux parties travaillent ensemble pour ouvrir des branches de banques libanaises en Iran.

Cependant, cette proposition se heurte à des obstacles, car « la Banque centrale libanaise opère en accord avec les normes internationales sur la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme (AML/CTF), l'évasion fiscale et l'application de sanctions américaines contre le Hezbollah », a expliqué Ajaka.

Il serait également difficile de vérifier la conformité de l'Iran dans ce domaine, a-t-il indiqué, « surtout comme il ne reconnaiît pas la loi américaine qui impose des sanctions au Hezbollah ».

Salameh ne mettrait pas le Liban en danger de subir des sanctions internationales, a-t-il ajouté.

Des sanctions levées seulement partiellement

D'un point de vue pratique, a expliqué Ajaka, les sanctions internationales contre l'Iran n'ont été que partiellement levées, et il existe toujours une interdiction sur l'exportation de tous biens vers le pays.

Politiquement, a-t-il ajouté, certains pays – comme les Etats du Golfe, et l'Arabie saoudite en particulier – prendront des mesures économiques et financières contre les entreprises libanaises qui traitent avec l'Iran.

« Ceci empêchera les entrepreneurs libanais qui ont des investissements dans le Golfe de faire des affaires avec l'Iran, au risque de perdre des clients dans ces pays, ce qui veut dire que traiter avec l'Iran sera limité à un segment de la population libanaise, et que cela renforcera donc la fracture économique », a déclaré Ajaka.

« Les scénarios possibles résultant de la proposition du ministre Hajj Hassan requièrent la tenue d'une réunion entre le gouverneur de la Banque centrale du Liban et son homologue iranien », a-t-il indiqué.

Tout accord entre eux deux devra ensuite être soumis au cabinet, où il rencontrera une opposition des parties politiques, a-t-il ajouté.

De plus, « malgré la levée des sanctions, l'interdiction de traiter avec la Banque centrale iranienne n'a pas été annulée, en raison de pressions internationales ».

En dehors du système financier mondial

« Les relations économiques, et même le tourisme entre le Liban et l'Iran, sont mauvaises, et le commerce bilatéral entre eux n'excède pas 100 millions de dollars par an à cause des sanctions imposées à l'Iran », a expliqué l'expert en économie Ghazi Wazni à Al-Mashareq.

Les visites officielles en Iran pour renforcer les liens, « surtout les liens financiers », n'ont rien accompli, a-t-il déclaré. « Tant que l'Iran est en dehors du système financier mondial, il n'y aura aucun lien, financier ou autre, entre les deux pays. »

Le secteur bancaire libanais doit reconsidérer sa relation et faire preuve de prudence afin de préserver la réputation financière du Liban et la crédibilité dont il bénéficie dans le système financier mondial, a indiqué Wazni.

Établir un partenariat bancaire avec l'Iran « n'est pas aussi facile que l'a présenté le ministre de l'Industrie », a affirmé Violette Ghazal al-Balaa, rédactrice en chef d'Arab Economic News, notant que l'Iran n'était pas encore entré dans le marché bancaire mondial.

« Il y a encore des sanctions imposées à Téhéran par les États-Unis, dont la plus importante vise les aspects financiers et bancaires », a-t-elle indiqué à Al-Mashareq.

Le Liban devrait « garder à l'esprit les conséquences des sanctions américaines sur le Hezbollah, qui est proche de l'Iran, et qui ont mis davantage de pression sur les banques au Liban », a-t-elle ajouté.

L'ouverture de canaux financiers ou bancaires avec l'Iran compliquerait davantage les choses et exposerait le Liban à des pressions supplémentaires dont il pourrait se passer à l'heure actuelle, a-t-elle ajouté.

La mention d'un « dépôt » que Téhéran pourrait effectuer à la banque centrale libanaise par Hajj Hassan « n'est pas convenable tant que les sanctions sont toujours en place et interdisent tout investissement bancaire étranger à Téhéran », a jugé al-Balaa.

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