Religion

Le Moyen-Orient se prépare à un ramadan difficile alors que la menace virale persiste

AFP

Des Égyptiens passent devant des lanternes traditionnelles appelées « fanous » en arabe et vendues pendant le mois sacré musulman du ramadan, le 19 avril, dans le quartier de Sayeda Zainab au Caire. [Mohamed al-Shahed/AFP]

Des Égyptiens passent devant des lanternes traditionnelles appelées « fanous » en arabe et vendues pendant le mois sacré musulman du ramadan, le 19 avril, dans le quartier de Sayeda Zainab au Caire. [Mohamed al-Shahed/AFP]

Des fêtes de l'iftar annulées aux prières suspendues dans les mosquées, les musulmans du Moyen-Orient se préparent à un sombre mois de jeûne du ramadan, alors que la menace de la pandémie du nouveau coronavirus (COVID-19) persiste.

Le ramadan est une période de réflexion et de socialisation. Les croyants jeûnent de l'aube au crépuscule, puis se réunissent autour d'un repas familial ou communautaire chaque soir du mois le plus saint de l'Islam, qui commence à la fin de cette semaine et se termine par les festivités de l'Aïd el-Fitr.

Mais cette année, le nouveau coronavirus, qui se répand rapidement, menace de limiter le ramadan comme jamais auparavant, des millions de personnes étant bloquées dans tout le Moyen-Orient, de l'Arabie saoudite au Liban en passant par les zones de combat en Libye, en Irak et au Yémen.

Ce qui est encore plus décourageant pour de nombreux musulmans pratiquants, c'est que le culte en congrégation, y compris les prières nocturnes du taraweeh, est interdit dans les mosquées de toute cette région, dont beaucoup sont fermées afin de ralentir la propagation du virus.

Les autorités religieuses de plusieurs pays, dont Abdulaziz al-Cheikh, grand mufti d'Arabie saoudite, ont décidé que les prières pendant le ramadan et l'Aïd devront se faire à domicile.

« Nos cœurs pleurent », a déclaré Ali Mulla, le muezzin de la grande mosquée de La Mecque.

« Nous sommes habitués à voir la sainte mosquée bondée de monde le jour, la nuit, tout le temps [...] Je sens une douleur au fond de moi. »

Ces dernières semaines, un vide impressionnant a enveloppé la Kaaba sacrée, une grande structure cubique noire drapée d'un tissu brodé d'or dans la Grande mosquée vers laquelle les musulmans du monde entier prient.

La zone à carreaux blancs autour de la Kaaba rassemble habituellement des dizaines de milliers de pèlerins.

Le ramadan est considéré comme une période propice pour effectuer le pèlerinage de la oumra, qui peut être fait tout au long de l'année, mais que les autorités saoudiennes ont suspendu le mois dernier.

Il est probable que le grand pèlerinage du hadj, prévu pour fin juillet, sera également annulé pour la première fois de l'Histoire moderne après que l'Arabie saoudite a exhorté les musulmans à reporter temporairement les préparatifs.

« Pas de fêtes, pas de visites »

Le grand mufti de Jérusalem et des Territoires palestiniens, Mohammed Hussein, a annoncé des restrictions similaires sur la prière pendant le ramadan, tout en déconseillant l'observation publique du croissant de lune, qui est utilisé pour estimer le début du mois saint.

Ces restrictions sont conformes aux recommandations de l'Organisation mondiale de la santé, qui a demandé aux pays « d'empêcher les rassemblements d'un grand nombre de personnes dans des lieux associés aux activités du ramadan, comme les lieux de divertissement, les marchés et les magasins ».

Les restrictions ont frappé durement les entreprises, notamment les détaillants qui répondent à l'afflux typique des achats du ramadan.

Cette année, de nombreux musulmans ont réorienté leur budget d'achat pour le ramadan afin de s'approvisionner en masques, gants et autres équipements de protection contre le COVID-19.

« J'avais économisé un montant à dépenser pour les achats du ramadan, mais j'ai préféré le dépenser pour acheter des objets nécessaires à la quarantaine et à la protection contre le virus », a déclaré Younes, 51 ans, qui travaille dans un magasin de vêtements à Damas, la capitale syrienne.

« Cette année, pas de fêtes, pas de visites [...] Je sens que nous sommes assiégés par le virus où que nous allions. »

La semaine dernière, l'Iran, frappé par des sanctions, a permis à certaines entreprises de Téhéran qui avaient fermé leurs portes de rouvrir, alors qu'il est l'un des pays les plus touchés du Moyen-Orient, car de nombreux citoyens sont confrontés à un choix difficile entre le risque d'infection et les difficultés économiques.

Les statistiques officielles montrent que la maladie a tué plus de 5000 personnes et en a infecté plus de 80 000 en Iran, mais on estime que les chiffres réels sont plus élevés.

Le Guide suprême, l'ayatollah Ali Khamenei, a appelé les Iraniens à prier chez eux pendant le ramadan, tout en les exhortant à « ne pas négliger le culte, l'invocation et l'humilité dans [leur] solitude ».

On constate cependant une certaine légèreté au Caire, où les ruelles étroites de la capitale égyptienne et les marchés du centre-ville sont encore couverts de décorations traditionnelles du ramadan et de lanternes aux couleurs vives appelées fawanees.

Ces décorations ornent aussi typiquement les restaurants et les cafés, mais tous sont fermés à cause de la pandémie, ce qui donne un aspect plus sombre à la ville à l'approche du mois saint.

Prières et charité

Les partisans de la ligne dure dans toute la région ont rejeté certaines suggestions faites par des musulmans sur internet selon lesquelles ils devraient être exemptés de jeûne cette année en raison de la pandémie, en insistant sur le fait que si la distanciation sociale était nécessaire, le virus ne les empêchait pas d'observer les règles du ramadan depuis chez eux.

« Aucune étude sur le jeûne et le risque d'infection par COVID-19 n'a été réalisée », indique l'OMS dans sa liste de recommandations.

« Les personnes en bonne santé devraient pouvoir jeûner pendant ce ramadan comme les années précédentes, tandis que les patients atteints de COVID-19 peuvent envisager des licences religieuses concernant la rupture du jeûne en consultation avec leurs médecins, comme ils le feraient pour toute autre maladie. »

Pour beaucoup d'entre eux, coincés chez eux dans des pays en guerre comme la Libye, le ramadan est encore une période de prière, d'introspection et de charité.

« Pour moi, le ramadan est arrivé tôt cette année. En ces temps de couvre-feu, cela signifie moins d'heures de travail, comme au ramadan », a déclaré Karima Munir, une banquière de 54 ans et mère de deux enfants en Libye.

« Le ramadan est toujours une question de charité, et cette année les nécessiteux sont nombreux, surtout avec les [déplacements] causés par la guerre. »

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