Le Liban est confronté à une crise économique, mais la communauté internationale hésite à l'aider en raison de la domination du Hezbollah sur le processus de décision politique et de ses liens avec l'Iran, ont expliqué des responsables politiques et des économistes.
Lundi 6 avril, le président Michel Aoun a appelé les bailleurs de fonds internationaux à apporter une aide financière au Liban, qui lutte contre une grave récession économique aggravée par la pandémie du nouveau coronavirus (COVID-19).
S'exprimant lors d'une réunion du Groupe international de soutien au Liban, il a spécifiquement exhorté les pays donateurs à débloquer les onze milliards de dollars en dons et prêts qu'ils avaient promis lors de la conférence à Paris en avril 2018, a rapporté l'AFP.
Cet appel intervient alors que son gouvernement s'apprête à lancer un plan de réformes très attendu exigé par les partenaires internationaux, bien que les experts aient averti que l'influence du Hezbollah pourrait empêcher le pays de recevoir de l'aide.
Le Hezbollah s'est d'abord opposé à ce qu'il considérait comme une « ingérence étrangère » dans l'économie libanaise, mais son secrétaire général Hassan Nasrallah est par la suite revenu sur ses déclarations, déclarant qu'un plan de sauvetage financier du FMI pourrait être accepté selon des « conditions raisonnables ».
Le 7 mars, le Premier ministre Hassan Diab a annoncé que le Liban suspendait le remboursement d'un emprunt obligataire en euros de 1,2 milliard de dollars (la dette totale et les intérêts que le Liban doit payer en 2020 s'élèvent à 4,6 milliards de dollars).
Diab a réaffirmé « l'engagement du gouvernement en faveur de la vision de stabilité et de croissance proposée lors de la conférence Cèdre d'avril 2018 », ajoutant que les réformes « seront mises en œuvre parce qu'elles sont nécessaires pour relancer l'économie ».
Le 12 mars, le ministre des Finances Ghazi Wazni a annoncé que le plan du Liban pour faire face à cette crise économique suivra les recommandations du FMI.
Il a fait savoir que le Liban a besoin de 25 à 30 milliards de dollars d'aide sur les cinq prochaines années pour sortir de la crise.
Le Hezbollah pourrait coûter au Liban son soutien
« La mise en œuvre par le Hezbollah du programme de l'Iran dans la région fait peser sur le Liban une menace au niveau international et mondial », a déclaré à Al-Mashareq Elias Hankash, membre du bloc parlementaire Kataeb.
Le fait que le parti soit « impliqué dans les guerres de la région et les déclarations enflammées contre les États du Golfe et la communauté internationale » ont mis en péril les relations du Liban avec la communauté internationale, a-t-il expliqué.
Il y a une réticence à fournir au Liban « le soutien dont il a désespérément besoin pour se sortir de la faillite dans laquelle il est enlisé », a-t-il déclaré.
Hankash a noté que le Hezbollah, qui s'était auparavant opposé à toute aide du FMI, « a changé d'avis après que l'Iran a accepté l'aide du FMI ».
Il a appelé le Hezbollah et les groupes libanais dans son orbite à « désavouer leurs liens extérieurs, à libaniser leur activité politique et à concentrer leur attention uniquement sur le Liban, qui est en feu ».
De cette manière, « les efforts peuvent être combinés pour sortir le Liban de la crise actuelle ».
Le gouvernement libanais « a besoin de plus de 15 milliards de dollars à court et moyen terme, une somme qui ne peut être obtenue qu'auprès du FMI », a déclaré un économiste et expert financier libanais qui a demandé à ne pas être nommé.
« Pour que l'État libanais puisse obtenir ces fonds, il doit organiser des élections législatives anticipées et mettre en place un gouvernement indépendant », a-t-il affirmé à Al-Mashareq.
« Le gouvernement d'Hassan Diab n'est pas indépendant, dans la forme ou dans le fond, de la domination du Hezbollah, et ne peut donc pas espérer recevoir l'aide de la communauté internationale », a-t-il poursuivi.
« Le message international au Liban est clair : il est que le Hezbollah ne peut pas rester maître du processus de décision politique à un moment où le Liban a le plus besoin d'une aide extérieure », a-t-il précisé.
C'est particulièrement le cas « maintenant que le gouvernement a failli au remboursement de son emprunt obligataire en euros », a-t-il noté.
Le gouvernement « doit mettre en place des réformes, lutter contre la corruption et prendre ses distances avec les conflits régionaux », a-t-il ajouté.
Les fonds de Cèdre restent en attente
Le gouvernement de Diab « n'a pas reçu de soutien politique, ni au niveau international ni de la part des [États du] Golfe, depuis qu'il a été formé et a gagné la confiance du parlement il y a environ deux mois », a déclaré l'économiste Violette Ghazal al-Balaa.
Cela est dû au fait que « les communautés internationales et arabes le considèrent comme un gouvernement du Hezbollah », a-t-elle expliqué à Al-Mashareq.
Diab a essayé, en vain, par des contacts directs et par l'intermédiaire du ministre de l'Intérieur, d'organiser une tournée des capitales pour susciter un soutien au gouvernement, a-t-elle déclaré.
« Mais ces efforts ont été récemment sabordés par le choc de la pandémie de coronavirus, qui a fermé les frontières entre les pays et les a isolés les uns des autres », a-t-elle ajouté.
Al-Balaa a déclaré que la décision du gouvernement de suspendre les paiements dus est considérée par la communauté internationale comme « une position conforme à celles du Hezbollah ».
Le Hezbollah a déclaré son rejet catégorique de toute aide du FMI, puis a plus tard exprimé une certaine flexibilité à ce sujet, « bien que trop tard, après que le Liban eut officiellement annoncé qu'il suspendait le paiement » de l'euro-obligation, a-t-elle indiqué.
Elle a noté que les fonds promis lors de la conférence Cèdre resteront en attente en raison de l'opposition politique à la mise en œuvre des réformes prévues en échange du déblocage de onze milliards de dollars.