Les organisations d'aide internationale ont été contraintes de réduire l'aide alimentaire dans certaines parties du Yémen qui sont sous le contrôle des Houthis (Ansarallah), car les milices soutenues par l'Iran interfèrent continuellement avec la distribution de l'aide.
Les habitants de la province de Dhamar ont déclaré à Al-Mashareq que les Houthis imposaient un tribut aux bénéficiaires des rations alimentaires fournies par le Programme alimentaire mondial.
Ceux qui ne paient pas aux Houthis 1000 riyals yéménites (4 dollars) ne sont pas autorisés à recevoir leurs rations, qui ont une valeur d'environ 20 000 riyals (80 dollars), a déclaré Dawlat Hammoud, habitante de Dhamar et bénéficiaire des rations alimentaires du PAM.
« J'ai cinq enfants qui attendent cette aide », a-t-elle précisé à Al-Mashareq.
Mais avant que la milice ne l'autorise à recevoir cette aide, a-t-elle raconté, elle doit obtenir un prêt à court terme auprès d'un commerçant local afin de verser un tribut aux Houthis.
Pour le rembourser, elle doit « se séparer du conteneur d'huile fourni [dans le cadre de l'aide] pour 1000 riyals (4 dollars), ce qui représente moins de la moitié de son prix sur le marché ».
Réduction de l'aide aux zones contrôlées par les Houthis
Malgré les avertissements répétés du gouvernement américain et des organisations d'aide internationale, les Houthis continuent d'entraver les opérations humanitaires.
En conséquence, l'Agence américaine pour le développement international (USAID) a commencé fin mars à réduire l'aide qu'elle fournit aux zones sous contrôle houthi.
Cette diminution de l'aide vise à faire pression sur les Houthis pour qu'ils lèvent les restrictions qui ont rendu difficile aux organisations de soutien humanitaire d'opérer dans les zones contrôlées par les Houthis, a déclaré un responsable de l'USAID dans un communiqué.
Bien que les Houthis aient annulé certaines de leurs restrictions, comme l'imposition d'une taxe de 2 % sur toutes les aides, d'autres restrictions, comme les retards dans l'octroi des permis de voyage, sont toujours en vigueur, a-t-il fait savoir.
« Ces obstructions à l'aide sont inacceptables et ont déjà provoqué l'arrêt de nombreux programmes d'aide », a déclaré Kelly Craft, ambassadrice des États-Unis auprès des Nations unies, lors d'une réunion du Conseil de sécurité des Nations unies le 12 mars dernier.
« Nous attendons des Houthis qu'ils démontrent des progrès vérifiables et leur engagement à garantir les conditions minimales de fonctionnement pour la fourniture d'une assistance fondée sur des principes », a-t-elle indiqué.
« En l'absence d'actions crédibles des Houthis pour répondre à nos préoccupations, les États-Unis suspendront l'aide américaine aux zones contrôlées par les Houthis au Yémen à la fin du mois de mars, à l'exception de certains programmes vitaux. »
Environ 80 % de la population du Yémen a un besoin urgent d'assistance, selon les Nations unies.
L'année dernière, le gouvernement américain a apporté au Yémen une aide évaluée à plus de 740 millions de dollars.
La corruption entraîne davantage de souffrances
« Les Houthis doivent cesser de manipuler et de corrompre l'aide alimentaire, qui va financer l'effort de guerre du groupe ou qui se retrouve dans les poches de ses superviseurs », a déclaré Nabil Abdoul Hafeez, vice-ministre des Droits de l'homme.
Alors que la guerre entre dans sa sixième année, cela « signifie davantage de souffrances à tous les niveaux, davantage de personnes déplacées, et des conditions économiques et humanitaires encore plus difficiles », a-t-il expliqué à Al-Mashareq.
« Les Houthis font leur commerce avec la subsistance des bénéficiaires de l'aide alimentaire », a indiqué l'économiste Abdoul Aziz Thabet à Al-Mashareq.
« La majorité de la population yéménite, plus de 70 %, habite dans les zones contrôlées par les Houthis, et donc la plupart des secours et de l'aide alimentaire fournis par les organisations humanitaires vont aux bénéficiaires des zones contrôlées par les Houthis », a-t-il déclaré.
Cette situation a permis aux Houthis de « contrôler à la fois le travail des organisations et les bénéficiaires de l'aide », a-t-il rapporté.
« Auparavant, les Houthis imposaient une taxe de 2 % sur l'aide, qui allait directement dans ses coffres, mais sous la pression des organisations humanitaires, le groupe a relevé cette taxe le mois dernier et impose désormais un tribut aux bénéficiaires », a-t-il poursuivi.
Cela s'ajoute à la « falsification et à la corruption [de la gestion de l'aide] des Houthis, y compris la distribution basée sur des listes établies par le groupe ou par des organisations locales qui leur sont affiliées », a-t-il déclaré.
Manipulation de l'aide
La pratique des Houthis consistant à imposer des tributs aux bénéficiaires n'est pas nouvelle, a rappelé Moustafa Nasr, président du Centre d'études et de médias économiques de Taez.
« La manipulation de l'aide par les Houthis est ce qui a poussé les États-Unis à décider de réduire progressivement le montant de l'aide fournie aux provinces contrôlées par les Houthis », a-t-il indiqué à Al-Mashareq.
Le 28 janvier, le PAM a annoncé qu'un de ses entrepôts dans une zone contrôlée par les Houthis avait été pillé par des « milices », qui ont volé plus de 115 tonnes d'aide.
Un travailleur humanitaire de haut niveau, qui s'est exprimé sous couvert de l'anonymat par crainte de représailles, a déclaré que des miliciens houthis étaient à l'origine du pillage, a rapporté l'Associated Press.
« Il est regrettable que cela arrive aux personnes touchées par la guerre et que la décision ait été prise de réduire cette aide », a déclaré Nasr.
« Les Houthis en portent la responsabilité. »