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Barrages routiers au Liban, la colère monte quant au choix du Premier ministre

AFP

Le sous-secrétaire d'État américain pour les affaires politiques David Hale rencontre le président libanais Michel Aoun à Beyrouth le 20 décembre. Hale se trouve au Liban pour des entretiens avec les hauts responsables. [Anouar Amro/AFP]

Le sous-secrétaire d'État américain pour les affaires politiques David Hale rencontre le président libanais Michel Aoun à Beyrouth le 20 décembre. Hale se trouve au Liban pour des entretiens avec les hauts responsables. [Anouar Amro/AFP]

Les manifestants ont bloqué des routes dans un Liban en crise, ce vendredi 20 décembre, pour condamner la désignation de Hassan Diab, soutenu par le Hezbollah, au poste de Premier ministre lors d'un vote profondément divisé qui a suscité un tollé au sein de la communauté sunnite.

Ces agitations interviennent en prélude à une série de rencontres prévues entre Diab et les responsables politiques sunnites ainsi qu'une visite de l'envoyé américain David Hale, le numéro trois du Département d'État.

Diab, un professeur d'ingénierie à l'Université américaine de Beyrouth peu connu âgé de 60 ans, a été désigné jeudi avec l'aval du Hezbollah et de ses alliés, mais sans le soutien du principal bloc sunnite du Liban.

La nomination de cet ancien ministre de l'Éducation indépendant et « technocrate » autoproclamé met fin à près de deux mois de joutes politiques entre les législateurs.

Le Premier ministre libanais sortant Saad al-Hariri rencontre le nouveau Premier ministre désigné Hassan Diab à Beyrouth le 20 décembre. [AFP]

Le Premier ministre libanais sortant Saad al-Hariri rencontre le nouveau Premier ministre désigné Hassan Diab à Beyrouth le 20 décembre. [AFP]

Mais elle a provoqué la colère des musulmans sunnites, qui expliquent que le Premier ministre désigné ne bénéficie pas du soutien de la communauté pour un poste réservé à un sunnite en vertu d'un système de partage des pouvoirs en vigueur depuis la fin de la guerre civile de 1975-1990.

À Tripoli, la grande ville du nord à majorité sunnite, déjà agitée par des rassemblements et des barrages routiers jeudi, les écoles sont restées fermées et les opposants à Diab ont une nouvelle fois bloqué les routes dans un contexte d'appels à la grève générale.

Des routes ont également été fermées dans le district proche d'Akkar et dans plusieurs autres parties du nord du Liban, a rapporté l'Agence nationale de presse (NNA).

Des manifestants ont par ailleurs bloqué des grands axes routiers avec des incendies de pneus et de poubelles à l'est et au sud de la capitale.

« Craintes pour le pays »

L'ancien Premier ministre Saad al-Hariri, que l'on considérait ces derniers jours comme le candidat le plus probable pour diriger le gouvernement, n'avait pas au départ avalisé Diab comme son successeur, le privant de toute couverture politique sunnite.

Cela avait suscité la crainte que la nomination de Diab comme principal représentant des sunnites donne un gouvernement déséquilibré susceptible d'alimenter des tensions sectaires.

De l'avis des observateurs, ce décalage pourrait compliquer les efforts pour obtenir la libération de l'aide internationale nécessaire promise pour faire sortir le Liban de sa situation de quasi-insolvabilité.

Les partisans d'al-Hariri ont organisé jeudi dans la soirée des manifestations dans Beyrouth et se sont rassemblés devant le domicile de Diab, poussant al-Hariri à les appeler à ne plus descendre dans les rues.

« Ce n'est pas moi qui formerai le prochain gouvernement, mais je reste préoccupé parce que je crains pour le pays », a déclaré al-Hariri à la télévision MTV jeudi soir.

Ce vendredi, Diab a rencontré al-Hariri et d'autres personnalités politiques sunnites qui n'avaient pas avalisé sa nomination la veille.

À la suite de sa réunion avec al-Hariri, Diab a déclaré qu'il souhaite former « un gouvernement de technocrates indépendants », une demande essentielle des manifestants.

« Al-Hariri apporte son plein soutien à la formation de ce gouvernement », a déclaré Diab.

Les objections de la communauté sunnite envers la nomination de Diab vont à contre-courant de la philosophie non sectaire de ce mouvement de protestation vieux de deux mois, qui a exigé que soit mis un terme à ce système de partage des pouvoirs communautaire.

Visite américaine

Il reste à la communauté internationale, qui a fait pression sur le Liban pour qu'il accélère la formation d'un nouveau gouvernement, à réagir publiquement à la nomination de Diab.

Hale, le sous-secrétaire d'État américain pour les affaires politiques, a déclaré vendredi que Washington n'a « aucun rôle à jouer dans le fait de dire qui doit diriger et qui doit composer » le nouveau gouvernement.

Le choix d'un nouveau Premier ministre n'est que la première étape et s'accorder sur l'ensemble de la composition du gouvernement pourrait prendre du temps, Diab lui-même parlant d'une période comprise entre quatre et six semaines.

L'approbation de Diab par le Hezbollah ne devrait vraisemblablement pas lui attirer la sympathie de Washington, qui considère cette milice libanaise comme un intermédiaire de l'Iran et a fait pression sur d'autres responsables libanais pour qu'ils minimisent son influence politique.

À la suite d'une rencontre avec le président Michel Aoun, Hale a demandé aux autorités «d'agir dans l'intérêt national, en adoptant des réformes et en formant un gouvernement qui s'engagera à entreprendre ces réformes ».

Hale a par la suite rencontré le président du parlement Nabih Berri et Hariri.

« Durant cette visite ... il rappellera l'engagement de l'Amérique dans son partenariat avec l'État du Liban », avait indiqué un communiqué de l'ambassade des États-Unis.

« Il encouragera les responsables politiques libanais à s'engager en faveur des réformes nécessaires qui conduiront à un pays stable, prospère et sûr. »

Les tensions politiques ont été intensifiées par le spectre de la banqueroute d'un État libanais criblé de dettes.

La livre libanaise, bien qu'officiellement rattachée au dollar américain, a perdu près de 30 % de sa valeur au marché noir, tandis que les entreprises versent des demi-salaires depuis deux mois et licencient du personnel.

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