Les Houthis (Ansarallah) ont intensifié leurs efforts de recrutement à Sanaa en prévision d'un soulèvement populaire, ont rapporté des analystes yéménites.
Cette campagne de recrutement s'inscrit dans le cadre d'un état d'urgence non déclaré, ont-ils fait savoir, alors que l'on craint une flambée de violence pour le deuxième anniversaire de l'assassinat de l'ancien président Ali Abdallah Saleh.
Le Congrès général du peuple (CGP) de Saleh était allié aux Houthis soutenus par l'Iran jusqu'en fin 2017, date à laquelle il a organisé un soulèvement populaire contre la milice.
Les Houthis ont assassiné Saleh le 4 décembre 2017 à Sanaa, suite à son appel au soulèvement deux jours plus tôt.
La milice a mis en place de nouveaux postes de contrôle et procédé à des perquisitions aux domiciles de militants, de responsables politiques et de personnalités connus pour leur loyauté envers Saleh.
Les Houthis anticipent un soulèvement populaire depuis que des leaders d'opinion à l'intérieur et à l'extérieur du pays ont appelé à organiser des manifestations à l'occasion du deuxième anniversaire du meurtre de Saleh.
Ils craignent que les manifestations populaires ailleurs dans la région, au Liban et en Irak, contribuent au climat d'agitation dans les régions du Yémen qu'ils contrôlent.
« L'approche de la carotte et du bâton »
Ces craintes ont été aggravées par un manque de cadres militaires dans leurs rangs, près de cinq ans après le début de la guerre au Yémen, ce qui a déclenché la dernière campagne de recrutement.
Cette campagne s'est faite selon une approche de la carotte et du bâton.
« Le représentant des Houthis dans notre quartier nous a demandé de montrer la cohésion du front intérieur en gardant nos zones et en installant des postes de contrôle », a fait savoir à Al-Mashareq Abdoullah Ahmed, ancien officier de l'armée.
« Si nous n'acceptons pas de le faire, nous serons accusés de soutenir la coalition arabe qui encourage les manifestations », a-t-il déclaré. « Mes compagnons et moi devons obéir à cette injonction sans quoi nous risquons d'être poursuivis, voire arrêtés. »
Mohammed Saleh, fils d'un ancien de la ville, a rapporté que les Houthis leur ont demandé de mener des enquêtes, de surveiller et de rendre compte des déplacements des membres du CGP en particulier.
« L'une de ces tâches consiste à observer les véhicules portant des affiches du président Saleh, arrêter leurs propriétaires et les détruire », a-t-il déclaré à Al-Mashareq.
Répression contre les dirigeants du CGP
Fin novembre, les Houthis ont placé en résidence surveillée de nombreux dirigeants du CGP qui avaient prévu de célébrer le jour de l'indépendance du pays et le deuxième anniversaire de la mort de Saleh.
Ils ont également imposé des restrictions aux écoles, aux mosquées et aux réseaux sociaux.
Les Houthis ont placé les agences de sécurité politique et de renseignement sous leur commandement, a précisé l'analyste politique Faisal Ahmed à Al-Mashareq.
La milice « réprime les libertés, surveille les comportements des gens et les emprisonne pendant des mois sur la base de simples soupçons », a-t-il déclaré, ajoutant que cela a « attisé les tensions dans la rue ».
La détérioration de la situation économique et la suspension des salaires dans le secteur public depuis trois ans ont également contribué au climat d'agitation, a-t-il poursuivi.
« Le soulèvement auquel le président Saleh avait appelé en décembre 2017 avait créé un mouvement et encouragé les gens à se débarrasser de la peur que les Houthis ont diffusée dans la société », a déclaré Ahmed.
« Sur cette base, de nombreuses manifestations ont été organisées contre les Houthis dans les zones sous leur contrôle, simplement parce qu'un dirigeant comme Saleh était derrière eux », a-t-il rapporté.
Et de conclure : « Si un dirigeant ayant un poids politique et social appelait à un nouveau soulèvement, cela aurait un impact fort. C'est la raison pour laquelle les Houthis ont placé les dirigeants du CGP en résidence surveillée. »