L'Iran fournit aux Houthis (Ansarallah) des drones aériens qu'il fait entrer clandestinement au Yémen par le biais de deux unités de la Force Qods du Corps des Gardiens de la révolution islamique (CGRI-FQ), affirme une étude récente.
Le rapport du Centre Abaad d'études stratégiques, intitulé « Drones-suicides, l'arme stratégique des Houthis » et publié en janvier, examine les méthodes que l'Iran utilise pour fournir aux Houthis des drones et le soutien connexe.
Abdoulsalam Mohammed, directeur du Centre Abaad d'études stratégiques, s'est entretenu avec Al-Mashareq sur la connexion entre l'Iran et les drones, ainsi que les preuves présentées dans le rapport indiquant que l'Iran fournit cette technologie aux Houthis.
Al-Mashareq : Par quels canaux l'Iran fournit-il des drones aux Houthis ?
Abdulsalam Mohammed : L'Iran utilise plusieurs méthodes pour fournir des drones aux Houthis, y compris la contrebande, le transfert de technologies et la fabrication locale sous la supervision d'experts, et tout est géré par des unités spéciales du CGRI.
Les moteurs des drones peuvent être achetés et transportés illégalement par la mer comme pièces détachées, et les hélices peuvent être commandées par internet, tandis que la coque en fibre de verre est fabriquée dans des usines et des ateliers locaux. Les drones-suicides sont remplis de TNT et de C-4.
Des drones complets peuvent passer illégalement par le long littoral du Yémen, et les instructions techniques et opérationnelles peuvent elles aussi être transférées par internet, après quoi les drones sont assemblés par des experts iraniens et du Hezbollah présents aux côtés des Houthis.
L'étude révèle que la contrebande est le fait des unités CGRI-FQ 400 et 190.
Al-Mashareq : Où les Houthis fabriquent-ils ou assemblent-ils ces drones ?
Mohammed : Il est difficile d'identifier ces endroits, mais ils sont répartis dans les provinces de Sanaa, Amran et Saada, où les Houthis disposent d'usines et d'ateliers construits sous terre, d'autres dans des villes pour qu'ils ne soient pas pris pour cibles.
Al-Mashareq : Quels éléments présentés par le rapport prouvent-ils le rôle de l'Iran dans l'approvisionnement des Houthis en drones et en technologies liées ?
Mohammed : Le rapport s'est concentré sur la comparaison des technologies utilisées dans la fabrication des drones des Houthis avec celles de modèles de drones iraniens connus, dont des drones-suicides et des drones de surveillance. Le Qasef-1, par exemple, est de type et de technologie identiques au modèle Ababil iranien.
Al-Mashareq : Quelle menace pour le Yémen et la région la possession de drones par un groupe comme les Houthis représente-t-elle ?
Mohammed : La technologie de drones constitue une grave menace pour la sécurité régionale, en particulier dans une région qui est un couloir du commerce international, et surtout si cette technologie est aux mains de groupes et de milices comme les Houthis.
Le lancement d'un « bateau-suicide » ou d'un drone coûtant moins de 2000 dollars contre une cible telle qu'une installation pétrolière, un port, un aéroport ou un pétrolier causerait des pertes immenses. Cela signifie que la sécurité nationale des États du Golfe serait menacée par une telle arme entre les mains d'un groupe armé affilié à l'Iran.
Al-Mashareq : Par quels autres moyens l'Iran fournit-il un soutien technologique aux Houthis dans la surveillance et l'identification des cibles de drones ?
Mohammed : L'Iran se concentre en effet sur l'aide apportée aux Houthis avec des technologies modernes, d'une part pour les tester en temps de guerre et juger de leur efficacité, et d'autre part pour aider ses alliés dans la région. Les Houthis possèdent des drones pouvant corriger des [coordonnées] d'artillerie en temps réel, ce qui les rend importants pour les opérations des Houthis.
Les Iraniens peuvent aussi fournir des informations par satellite, et l'on soupçonne le navire iranien Saviz, qui est présent dans les eaux territoriales du Yémen depuis 2016, d'apporter un soutien logistique aux Houthis, en particulier en ce qui concerne les aspects technologiques et d'informations.
Al-Mashareq : Que va faire la communauté internationale contre l'Iran pour son soutien apporté aux Houthis par des drones ?
Mohammed : La communauté internationale peut imposer un contrôle des technologies liées aux drones armés et des sanctions contre les États fournissant ces technologies aux groupes armés. Elle peut également rétablir les sanctions contre le Saviz, qui est suspecté de jouer un rôle dans la fourniture aux Houthis d'un soutien logistique lié aux drones armés et aux drones et bateaux-suicides.
Il est aussi possible de rétablir certaines des sanctions qui avaient été imposées à l'Iran à cet égard, et, en vertu du chapitre VII de la Charte des Nations unies, de punir les Houthis militairement pour avoir utilisé ces armes contre des pays voisins, des installations pétrolières, des installations de service et des routes de navigation maritime.
Garantir l'existence d'un État yéménite solide capable d'imposer son autorité dans le pays aidera également à limiter l'utilisation de cette technologie.