Droits de l'Homme

La milice houthie continue d'envoyer des enfants yéménites au combat

Par Abou Bakr al-Yamani à Sanaa

Un combattant adolescent des Houthis fraîchement recruté participe à un rassemblement le 2 février à Sanaa pour mobiliser encore plus de soldats sur les champs de bataille. [Mohammed Huwais/AFP]

Un combattant adolescent des Houthis fraîchement recruté participe à un rassemblement le 2 février à Sanaa pour mobiliser encore plus de soldats sur les champs de bataille. [Mohammed Huwais/AFP]

Les critiques envers la milice houthie (Ansarallah) s'accroissent par rapport à son utilisation du recrutement d'enfants pour renforcer ses rangs sur tous les champs de bataille.

Après l'avalanche de critiques locales et internationales concernant le recrutement d'enfants, le chef houthi Abdoul Malik al-Houthi a transmis une directive à ses partisans le 15 novembre leur ordonnant de ne pas publier de photos d'enfants recrutés morts, a rapporté le journal Asharq Al-Awsat.

Le ministre yéménite des Droits de l'homme, Mohammed Askar, a déclaré que son ministère inclura cette directive au dossier qu'il présentera aux organisations internationales des droits de l'homme sur l'exploitation des enfants par les Houthis lors d'opérations militaires.

« Les milices pensent qu'interdire la publication de photos pourra atténuer les critiques formulées à leur encontre », a déclaré Askar.

Le ministère des Droits de l'homme a recensé jusqu'à 4 000 cas de recrutement d'enfants, a-t-il indiqué, ce qui représente un échantillon du nombre total d'enfants soldats qui se battent dans les rangs des milices.

En se basant sur le nombre de champs de bataille, le ministère estime le nombre total d'enfants soldats combattant avec les Houthis à 20 000, a-t-il ajouté.

En juin, le gouvernement yéménite a déclaré qu'il créerait un centre de réhabilitation dans la capitale temporaire d'Aden afin de s'occuper des enfants soldats des Houthis capturés.

« Le gouvernement met au point les derniers détails de ce centre de réhabilitation à Aden compte tenu de la récente recrudescence du recrutement d'enfants », a fait savoir Askar dans une déclaration à la presse.

Le nombre d'enfants soldats recrutés dans la seule ville de Sanaa est passé à 10 000, a-t-il indiqué.

Dans le même temps, la Yemeni Coalition to Monitor Human Rights Violations (YCMHRV) a déclaré en juin que 400 enfants recrutés par la milice houthie ont trouvé la mort dans la guerre depuis 2015.

Cette information a été révélée lors d'une conférence organisée par l'YCMHRV au siège du Conseil des droits de l'homme des Nations unies à Genève.

« Le nombre d'enfants soldats tués dans des combats s'élève à 424, et seize autres ont été handicapés de façon permanente », a rapporté Riyad al-Dubai, responsable chargé de l'Unité de surveillance et de documentation de l'YCMHRV.

Il a appelé les Houthis à « laisser partir tous les enfants soldats présents dans leurs rangs, fermer les centres d'entraînement et de recrutement, admettre leur responsabilité et indemniser les victimes ».

Diverses méthodes de recrutement

« Les Houthis ont cherché à détruire l'éducation et ont fermé des écoles pour améliorer leurs chances de recruter des enfants », a raconté à Al-Mashareq l'avocat et militant des droits de l'homme Abdoul Rahman Barman.

Le ministre de la Jeunesse du gouvernement houthi au Yémen a proposé le 20 octobre d'interrompre les cours pendant un an et d'envoyer les élèves et les enseignants au front.

« La société yéménite rejette catégoriquement le recrutement des enfants », a affirmé Barman, notant que les Houthis visaient et recrutaient des enfants sans que les parents le sachent.

« Nous avons vu des enfants soldats âgés de moins de dix ans, alors que la législation internationale criminalise le recrutement des enfants en dessous de 18 ans », a-t-il fait savoir.

Les Houthis profitent du manque de sensibilisation des enfants aux risques associés à leur recrutement et les soumettent à un lavage de cerveau et un endoctrinement, a-t-il précisé.

Ils ont également utilisé des incitations financières pour persuader certains parents de laisser leurs enfants intégrer la milice, a-t-il ajouté.

Ils disent aux parents que « leurs enfants seront recrutés pour garder des installations civiles ou pour tenir des postes de contrôle, mais ils finissent par se battre sur les lignes de front et risquent leur vie », a déclaré Barman.

Les Houthis utilisent aussi des pilules de stupéfiants pour rendre les recrues « courageuses et sans peur de la mort », a-t-il poursuivi.

« Certains des [enfants soldats] capturés que nous avons vus répétaient sans cesse les slogans que les Houthis leur avaient appris jusqu'à 18 heures après leur arrestation », a-t-il rapporté.

« Cependant, une fois que les effets des stupéfiants ont disparu, les enfants reprenaient leurs esprits et affichaient des remords », a-t-il indiqué.

Comme un gang

« Les Houthis se comportent comme les gangs et les groupes terroristes qui comptent sur les enfants et les adolescents [dans le cadre de leur recrutement] », a déclaré le politologue Yassin al-Tamimi.

Cette tactique implique la modification du mode de pensée des enfants afin de les pousser à tuer et à commettre des actes terroristes, a-t-il expliqué à Al-Mashareq.

« La milice subit des défaites et de lourdes pertes dans ses affrontements militaires, ce qui rebute les jeunes plus âgés et plus matures de rejoindre ses rangs, car ils voient cela comme un énorme risque et une situation où ils ont tout à perdre », a-t-il continué.

La milice a donc concentré ses efforts de recrutement sur les enfants, et utilise la pression et l'intimidation pour forcer les tribus à autoriser leurs enfants à intégrer ses rangs, a-t-il ajouté.

« Pour les Houthis, il est facile d'attirer et de recruter des enfants, de les piéger et de les lancer dans des batailles desquelles ils ne peuvent pas s'enfuir », a expliqué à Al-Mashareq l'analyste politique et écrivain Rashad al-Sharaabi.

Ils empêchent les enfants de quitter les champs de bataille en les menaçant de les tuer, a-t-il indiqué, ajoutant que certains enfants qui avaient pris la fuite avaient été poursuivis jusqu'à leurs maisons et leurs villages.

« Je connais des enfants de Taïz qui ont été piégés, trompés, envoyés dans un centre d'entraînement dans la province de Dhamar et soumis à un lavage de cerveau », a-t-il fait savoir.

Leurs téléphones ont été confisqués et on les a empêchés de communiquer avec leurs familles, a précisé al-Sharaabi.

Des centaines d'enfants combattant avec la milice ont été capturés par les forces gouvernementales et des centaines de corps d'enfants ayant combattu dans ses rangs ont été trouvés, a-t-il déclaré.

Il a ajouté que les Houthis incluent des enfants soldats dans leurs parades militaires et les utilisent pour tenir des postes de contrôle.

« Ils en sont même venus à les utiliser comme outils dans des opérations de surveillance et de détection de mines sur de nombreux fronts », a-t-il rapporté.

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