Politique

Les souffrances accablent le Yémen trois ans après la prise de contrôle par les Houthis

AFP

Cette photo d'archive prise le 21 septembre 2014 montre des Houthis armés criant des slogans alors qu'ils tiennent un point de contrôle mis en place après que le groupe a capturé les districts du nord de Sanaa, la capitale. [Mohammed Huwais/AFP]

Cette photo d'archive prise le 21 septembre 2014 montre des Houthis armés criant des slogans alors qu'ils tiennent un point de contrôle mis en place après que le groupe a capturé les districts du nord de Sanaa, la capitale. [Mohammed Huwais/AFP]

Trois ans après que les Houthis (Ansarallah) soutenus par l'Iran sont entrés dans Sanaa, un semblant de normalité est revenu dans la capitale du Yémen. Mais dans tout le pays ravagé par la guerre, un drame humanitaire est en train de se dérouler.

Sanaa, seule capitale arabe à être contrôlée par un mouvement d'opposition armé, vit sous la menace constante des frappes aériennes par une coalition arabe combattant pour soutenir le gouvernement reconnu internationalement.

Les personnes déplacées ont envahi la ville, qui est l'épicentre d'une épidémie de choléra et où la faim est courante.

La capitale est déchirée par la rivalité entre les Houthis et les troupes alliées loyales à l'ancien président Ali Abdallah Saleh.

Mourad, un artiste visuel ayant participé aux manifestations de 2011 qui ont permis de chasser Saleh du pouvoir, a déclaré qu'il rêvait d'une « ville de paix et de liberté ».

Cet espoir a vite disparu lorsque les Houthis ont progressé depuis leurs bastions du nord et se sont emparés de la capitale, le 21 septembre 2014.

« Entre 2011 et 2014, nous avons profité d'un réel climat de liberté, que nous avions forgée de nos propres mains », a raconté Mourad.

« Mais au cours des trois dernières années, les choses ont changé avec la détérioration des conditions de vie et le retour de la peur », a-t-il rapporté à l'AFP.

« Aujourd'hui, Sanaa n'est plus ce qu'elle était en 2014. C'est une ville qui vit à l'ombre des avions de chasse et des kalachnikovs. »

Espoirs brisés

Après avoir pris d'assaut la capitale, les Houthis sont parvenus à en occuper les bâtiments publics en seulement un après-midi avec l'aide des forces fidèles à Saleh.

Le président Abdrabbo Mansour Hadi a fui vers la ville d'Aden, dans le sud, qu'il a ensuite déclaré « capitale provisoire ».

La situation a empiré lorsque la coalition arabe est intervenue le 26 mars 2015 pour soutenir Hadi.

« Nous avions de l'espoir », a fait savoir Yasser al-Matari, un chauffeur de taxi de 24 ans. « Mais la situation ne fait qu'empirer. Les prix de l'essence et de la nourriture ont progressivement augmenté, et les salaires ne sont plus versés. »

« Les Houthis justifient cela par l'état de guerre, mais pourquoi est-ce que les Syriens continuent de toucher leurs salaires alors qu'ils sont en guerre ? »

Après la chute de Sanaa, l'aéroport international a été fermé, la banque centrale a été déplacée à Aden, les services publics se sont effondrés et les prix ont flambé.

Sanaa doit faire face à une grave crise alimentaire à cause d'un blocus imposé par la coalition, alors que sept millions de Yéménites sont au bord de la famine.

Les rues de la capitale grouillent d'enfants mendiant pour de l'argent et de la nourriture.

Dans les écoles encore ouvertes, les élèves sont entassés parce que les autres classes sont utilisées comme refuges pour les personnes déplacées, ou présentent un risque d'être touchées par des frappes aériennes, car elles sont occupées par des combattants de l'opposition.

Un total de 1 640 écoles sur les 16 000 que compte le Yémen ont été fermées, laissant 1,8 million d'enfants sans scolarité.

Selon l'UNICEF, 1,6 million d'enfants supplémentaire n'ont jamais été à l'école.

« La plus grande crise humanitaire »

La détérioration des conditions d'hygiène a déclenché une épidémie de choléra dans la capitale qui a aussi touché plusieurs autres régions du pays, causant plus de deux mille décès.

« La vie des civils est de plus en plus difficile », avec un manque de nourriture en quantité suffisantes, un manque de logements et d'accès à l'eau et à l'assainissement, a rapporté un travailleur humanitaire à Sanaa.

« Le Yémen est désormais la plus grande crise humanitaire du monde, et il est frappé par la plus dangereuse des épidémies de choléra, et les gens manquent de nourriture. »

La nuit, Sanaa devient une ville d'ombres, parsemée de points de contrôle de sécurité.

Depuis mars 2015, plus de 8 400 personnes, principalement des civils, ont été tuées, et environ 48 000 ont été blessées dans le conflit.

« Ouverture au dialogue ? »

Jeudi, les Houthis ont organisé un rassemblement provocateur à Sanaa pour marquer le troisième anniversaire de leur prise de la capitale, qu'ils contrôlent conjointement avec les forces fidèles à l'ancien président Saleh.

L'alliance d'opposition a connu des dissensions internes sans précédent le mois dernier, tensions qui se sont étendues aux rues de Sanaa lorsqu'un colonel des forces de Saleh et deux Houthis ont trouvé la mort dans une fusillade.

Cela s'est produit après que l'ancien président eut qualifié ses alliés de « milice », les Houthis ayant répliqué en le traitant de « faux frère » et de « traître ».

Le parti de Saleh a prévenu que la fusillade pourrait faire basculer la capitale dans une guerre totale, mais l'ancien président a déclaré le 5 septembre qu'il n'y avait « aucune crise ni aucun conflit en ce moment ».

April Longley Alley, analyste yéménite du Groupe international de crise, a affirmé que les Houthis et Saleh maintiendraient probablement leur alliance tant que la guerre durera.

« Les différences idéologiques et politiques entre eux sont réelles et durables. Mais ils savent aussi qu'une division militaire profiterait à leurs ennemis », a-t-elle expliqué.

La récente fracture publique entre les deux alliés pourrait cependant fournir une ouverture au dialogue, a-t-elle précisé.

« L'Arabie saoudite, avec le Koweït et Oman, devrait appeler les parties yéménites à rejoindre la table des négociations », a déclaré Alley.

Sinon, a-t-elle conclu, « al-Qaïda dans la péninsule arabique et un petit groupe de seigneurs de guerre qui couvrent les différentes factions combattants en sortiront vainqueurs ».

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2 COMMENTAIRE (S)

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Aucun groupe armé ne peut contrôler l'Etat ou le gouvernement au Yémen sans aide. Le fait qu'ils ont fait leur chemin vers le gouvernement était avec l'aide de Hadi parce qu'il était le président intérimaire à ce moment-là. Il a également soutenu Affash pour rester et échapper à la responsabilité juridique.

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Je prie Dieu le Tout-Puissant que la crise du Yémen sera résolue le plus tôt possible.

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