Économie

La crise monétaire aggrave la situation dans un Yémen éprouvé par la guerre

AFP

Des billets de banque yéménites anciens et nouveaux le 23 janvier dans un bureau de change de la ville portuaire d'Aden, dans le sud du pays. [Saleh al-Obeidi/AFP]

Des billets de banque yéménites anciens et nouveaux le 23 janvier dans un bureau de change de la ville portuaire d'Aden, dans le sud du pays. [Saleh al-Obeidi/AFP]

L'éclatement d'une guerre monétaire entre les adversaires au Yémen a fait s'effondrer le riyal, aggravant une crise humanitaire qui a déjà conduit des millions de personnes au bord de la famine après cinq ans de conflit.

La confrontation a débuté lorsque les Houthis (Ansarallah) soutenus par l'Iran, qui contrôlent la capitale Sanaa et la majeure partie du nord, ont interdit l'utilisation des nouveaux billets de banque imprimés par la Banque centrale d'Aden, qui est gérée par le gouvernement reconnu internationalement.

L'interdiction des billets, qui ont été émis pour la première fois il y a trois ans, est entrée en vigueur le 19 janvier lorsque les habitants et les changeurs de monnaie ont arrêté de les utiliser sous la menace d'une peine de 10 ans de prison, selon des sources proches de la milice.

Les Houthis affirment qu'ils protègent la population contre une forte inflation, mais cette décision a réduit le pouvoir d'achat et a créé dans les faits deux taux de change : environ 682 riyals pour un dollar à Aden, et 600 à Sanaa et dans le nord.

La valeur de la monnaie a chuté de près de 15 % dans le sud au cours des cinq dernières semaines, et d'environ 7 % dans le nord, une chute qui ne montre aucun signe de ralentissement.

Sur les marchés du Yémen, les étals sont chargés de tomates, d'oignons et de bananes, et les commerçants des environs proposent des présentoirs de vêtements et de biens de consommation.

Mais la population est de plus en plus inquiète face à la perte de valeur de son argent, qui inflige davantage de misère dans la longue guerre qui oppose les Houthis au gouvernement, lequel est soutenu par une coalition dirigée par l'Arabie saoudite.

« Les prix sont extrêmement élevés, nous ne touchons pas nos salaires et la situation va de mal en pis », a déclaré Abdo, un habitant de la ville portuaire d'Aden.

À Sanaa, qui est sous le contrôle des Houthis depuis 2014, les habitants ont également critiqué cette mesure.

« L'interdiction a entraîné un préjudice massif pour les citoyens. Nous sommes nombreux à avoir beaucoup de nouveaux billets, mais désormais nous ne pourrons plus les utiliser pour acheter notre nourriture quotidienne », a déclaré Abdoulaziz Ali à l'AFP.

« Avec un riyal qui se déprécie rapidement et le versement des salaires qui est perturbé, nous voyons à nouveau certaines des conditions clés qui ont mené le Yémen au bord de la famine il y a un an », a déclaré au début du mois au Conseil de sécurité des Nations unies Ramesh Rajasingham, qui coordonne l'aide humanitaire dans le pays.

« Nous ne devons pas laisser cela se reproduire », a-t-il poursuivi, ajoutant que même s'il échappe à la famine, le Yémen restera la pire crise humanitaire du monde en 2020.

« Le chantage fait au peuple »

Le gouvernement yéménite a transféré la Banque centrale de Sanaa à Aden en 2016 afin d'avoir un réel contrôle sur la politique monétaire, la monnaie et le paiement des salaires.

Mais le site historique de la banque à Sanaa est toujours exploité par les Houthis.

Le Centre d'études stratégiques de Sanaa a fait savoir dans un récent rapport que la lutte menaçait de faire s'effondrer le système basé sur le riyal et avait poussé le pays à utiliser des devises fortes, principalement le riyal saoudien et le dollar américain.

« Une population dans laquelle des millions de personnes sont déjà au bord de la famine va supporter des coûts croissants, une érosion supplémentaire du pouvoir d'achat et une détérioration de la situation humanitaire résultant de l'escalade de la guerre des monnaies », a-t-il indiqué.

Anthony Biswell, analyste économique au centre à Sanaa, a expliqué que le nord souffrait d'une pénurie d'approvisionnement en vieux riyals, et que les citoyens ordinaires se tournaient vers le marché noir pour convertir leurs nouveaux billets.

« Le sud connaîtra un excès de nouveaux billets de banque imprimés en circulation [...]. On s'attend à ce que cela entraîne une inflation », a-t-il déclaré à l'AFP.

« Les marchandises arrivent. Le problème principal est le pouvoir d'achat et la capacité des gens à acheter les produits disponibles sur le marché », a-t-il poursuivi.

Le gouvernement du président Abdrabbo Mansour Hadi a déclaré que la mesure des Houthis était « oppressive et qu'elle allait dévaster l'économie », accusant la milice de « faire chanter le peuple ».

« Le Premier ministre a rencontré des ambassadeurs de l'Union européenne, et nous leur avons demandé de faire pression » sur les Houthis afin qu'ils lèvent l'interdiction, a indiqué Najeeb al-Ouj, ministre yéménite du Plan et de la Coopération internationale.

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