Mi-janvier, la Syrie et l'Iran ont signé cinq accords pour développer leurs relations économiques dans les domaines de l'agriculture, de l'élevage, de l'industrie et du pétrole, un autre accord autorisant l'Iran à devenir un opérateur de téléphonie mobile en Syrie.
Les accords commerciaux entre Téhéran et Damas ne sont pas nouveaux, indiquent des économistes à Al-Mashareq, mais vu l'état d'affaiblissement de la Syrie, ceux-ci favorisent clairement l'Iran et soutiennent ses ambitions expansionnistes dans ce pays.
Les liens économiques entre l'Iran et la Syrie « remontent à l'époque de la monarchie en Iran, les premiers accords de ce type entre les deux parties ayant été signés en juillet 1974 », a expliqué Violette Ghazal al-Balaa, rédactrice en chef d'Arab Economic News, s'appuyant sur un rapport du Centre Rawabet pour la recherche et les études stratégiques de 2015.
Avec cet accord, l'Iran a prêté 150 millions de dollars à la Syrie et a financé des projets agricoles et industriels pour un total de 50 millions de dollars, a-t-elle fait savoir.
Les relations économiques se sont davantage développées « après l'établissement de la République islamique d'Iran, dans le contexte du rapprochement politique entre les régimes iranien et syrien, pendant la première guerre d'Irak », a-t-elle ajouté.
L'Iran s'est engagée à exporter près de neuf millions de tonnes de pétrole par an vers la Syrie en échange d'importations venant de la Syrie de 300 000 à 40 000 tonnes de phosphate par an, a-t-elle déclaré, les investissements iraniens en Syrie augmentant encore plus après la prise de pouvoir de Bashar el-Assad.
Une estimation du gouvernement syrien chiffre les investissements iraniens en Syrie pour 2006 à « plus de 400 millions de dollars », les deux pays annonçant des plans pour cette même année visant à renforcer les projets iraniens en Syrie de 10 milliards jusqu'en 2012, a-t-elle poursuivi.
En 2010, la valeur des services techniques et d'ingénierie fournis par l'Iran atteignait un total de 2,2 milliards de dollars, a-t-elle précisé, les deux pays convenant cette année-là d'établir une banque d'exportation irano-syrienne dotée d'un capital de départ de 30 millions de dollars.
Augmentation de la dépendance syrienne
Le début du conflit syrien a marqué un changement dans le commerce et les relations économiques entre Téhéran et Damas, a déclaré al-Balaa, la Syrie devenant plus dépendante de l'Iran.
« La révolution syrienne a donné une grande impulsion géopolitique à Téhéran pour renforcer ses relations commerciales et économiques avec Damas, qui faisait partie d'un projet iranien visant à créer un bloc économique irano-méditerranéen », a-t-elle indiqué.
En 2013, Damas a bénéficié d'un prêt d'un milliard de dollars de la part de l'Iran, après avoir vu ses revenus décliner de 50 % par rapport à 2010, dont une baisse de 90 % des revenus pétroliers à cause du conflit armé, des sanctions économiques et de la baisse des recettes fiscales perçues sur le secteur privé, a expliqué al-Balaa.
La même année, Damas a reçu un deuxième prêt de 3,6 milliards de dollars attribué à l'importation de dérivés de pétrole, ce qui a aidé à limiter la chute du taux de change entre la livre syrienne et le dollar.
« Il est notoire que l'influence économique de l'Iran en Syrie est grandissante », a-t-elle affirmé, ajoutant que « le portefeuille d'investissement de l'Iran inclut désormais les secteurs du pétrole et de l'immobilier ».
La coopération d'investissement ne s'arrêtera pas là, a poursuivi al-Balaa, l'établissement de deux lignes maritimes directes avec la Syrie devrait encore augmenter le volume des échanges commerciaux.
« Comme la Syrie bénéficie d'une grande importance économique géopolitique, Téhéran a prévu d'exporter son gaz naturel vers l'est de la Méditerranée, et de là vers l'Europe du sud-est », a-t-elle ajouté.
Cependant, la prolongation de la guerre syrienne a empêché la construction du gazoduc vers la Syrie, alors qu'elle s'est poursuivie en Irak, a-t-elle déclaré.
Les ambitions géopolitiques de l'Iran
« Il est désormais notoire que l'Iran a des intérêts et des ambitions en Syrie qui dépassent l'aspect purement économique », a expliqué Antoine Farah, rédacteur en économie du journal libanais Al-Joumhouria.
« La Syrie est une partie d'un axe que l'Iran cherche à établir à travers ses agents dans la région, que ce soit le Corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI) ou le Hezbollah », a-t-il indiqué.
« La Syrie est un important maillon géopolitique dans la chaîne de cet axe », a-t-il ajouté.
Le régime iranien a trois objectifs pour ses investissements en Syrie, a expliqué Farah.
« Le premier est de bénéficier financièrement pour compenser les pertes et les coûts subis dans la guerre syrienne par son soutien au régime syrien », a-t-il indiqué.
Le second « est de consolider sa position en Syrie comme puissance étrangère ayant priorité sur les alliés du régime », a-t-il poursuivi, et le troisième est de soutenir le régime économiquement, en plus de l'appuyer politiquement et militairement par la présence de factions affiliées à l'Iran sur le territoire syrien.
« Les investissements de l'Iran ne sont pas réellement économiques », a affirmé à Al-Mashareq l'économiste Jassim Ajaka, expliquant qu'ils ont également une dimension politique, car ils visent à garantir les intérêts de la population chiite de Syrie.
L'Iran ne peut pas investir au niveau qu'il souhaiterait, a-t-il ajouté, car son économie n'est pas forte et doit elle-même attirer des investissements.
En plus de l'état difficile de l'économie iranienne , « le manque de clarté sur l'issue de la situation en Syrie et les combats en cours entravent les ambitions d'investissements de l'Iran », a indiqué Ajaka.