Terrorisme

La nature de la société yéménite exclut tout avenir pour l'EIIL, selon des experts

Par Faisal Darem à Sanaa

Des Yéménites inspectent le site d'un attentat à la voiture piégée revendiqué par « l'État islamique en Irak et au Levant » le 29 août devant un centre de recrutement de l'armée à Aden. [Saleh al-Obeidi/AFP]

Des Yéménites inspectent le site d'un attentat à la voiture piégée revendiqué par « l'État islamique en Irak et au Levant » le 29 août devant un centre de recrutement de l'armée à Aden. [Saleh al-Obeidi/AFP]

Malgré de nouvelles preuves montrant qu'il a reçu de très importantes sommes d'argent pour financer ses opérations au Yémen, « l'État islamique en Irak et au Levant » (EIIL) n'a aucun avenir dans le pays, ont expliqué des spécialistes à Al-Mashareq.

Cela est dû au fait que la société yéménite est par nature tribale et inhospitalière pour les groupes terroristes, ont-ils expliqué, soulignant que des groupes comme l'EIIL et al-Qaïda n'ont fait qu'exploiter le conflit pour s'emparer de territoires dans le pays, et qu'ils seront affaiblis lorsque la paix sera rétablie .

Dans un rapport confidentiel adressé au Conseil de sécurité, des experts des Nations unies chargés de surveiller les sanctions imposées au pays ont révélé le mois dernier que l'EIIL avait reçu d'importantes sommes d'argent en mars et en avril, que le groupe a utilisées pour recruter des membres, financer ses opérations et acheter des armes.

Ce rapport soulignait le conflit entre Al-Qaïda dans la Péninsule arabique (AQPA) et l'EIIL au Yémen, expliquant qu'al-Qaïda avait mis à profit la guerre dans le pays pour s'emparer des régions méridionales et orientales, tandis que l'EIIL réussissait à s'implanter dans le pays.

Les deux groupes s'épuisent actuellement mutuellement dans leur course pour attirer de nouvelles recrues, selon des agences de presse internationales qui ont pu consulter ce rapport de 105 pages.

La commission nationale yéménite de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme a souligné l'importance de couper le financement des groupes extrémistes.

Dans un communiqué publié le 8 août, elle expliquait que la situation actuelle au Yémen avait permis aux groupes terroristes de mener des opérations de blanchiment d'argent et d'assurer le transfert de fonds à leur avantage.

Cela est particulièrement le cas dans les régions du sud et de l'est du pays, qui sont sous le contrôle de groupes extrémistes, poursuivait ce rapport.

Financement illicite

« Par sa présence dans la province de Hadramaout, l'EIIL a grandement bénéficié des ventes de pétrole et du contrôle qu'il exerce sur le port et les importations de pétrole pour Marib, Sanaa, al-Jawf et d'autres provinces », a expliqué le spécialiste des questions stratégiques Saeed Abdoul Moumin.

Ces opérations ont assuré au groupe un revenu mensuel estimé d'un milliard de riyals yéménites (quatre millions de dollars), a-t-il expliqué à Al-Mashareq.

AQPA et l'EIIL étaient présents dans ces régions en mars et en partie en avril, avant que les forces yéménites et de la coalition reprennent le contrôle de la ville portuaire d'al-Moukalla et d'autres zones de la province de Hadramaout.

« Le pétrole a constitué la première source de revenus, en plus du port d'al-Moukalla, que ces groupes utilisaient pour collecter les droits et taxes », a ajouté Abdoul Moumin.

Il se pourrait également que le mouvement affilié à l'EIIL au Yémen reçoive clandestinement de l'argent de l'organisation mère, a-t-il poursuivi, laquelle utilise la vente illicite de pétrole irakien et syrien pour financer ses opérations.

« Des informations ont fait état de groupes terroristes recevant de grandes quantités d'argent en liquide à al-Moukalla ces derniers mois, sous forme de taxes et droits imposés au trafic maritime et terrestre, en plus des opérations de contrebande », a expliqué Mohammed Azzan, chercheur spécialisé dans les groupes extrémistes.

Le pouvoir du système tribal

« L'EIIL n'a aucun avenir au Yémen, et cela est dû à plusieurs facteurs, dont le plus important est qu'il n'existe pas de véritable incubateur pour le groupe dans le pays », a expliqué le politologue Adnan al-Houmairi.

Cela est en partie dû au fait que « les partis politiques opèrent ouvertement et non de manière dissimulée », a-t-il expliqué à Al-Mashareq, ajoutant « qu'il existe des forces islamiques qui opèrent au grand jour et ont des projets opposés à ceux de groupes extrémistes comme l'EIIL ».

Le peuple yéménite est gouverné selon des systèmes tribaux, a-t-il poursuivi, et « les tribus refusent d'être placées sous la tutelle d'un quelconque groupe radical, quand bien même ces groupes ont parfois réussi à revendiquer certaines régions géographiques où l'État était faible ».

Mais ces groupes ont rapidement perdu le contrôle de la situation, a-t-il précisé, comme ce fut le cas pour al-Qaïda dans l'Abyan et à al-Moukalla, où il a été contraint de partir à plusieurs reprises.

« Quant à l'EIIL, il manque d'un incubateur politique sous la forme de partis et d'un incubateur social sous la forme de tribus », a-t-il ajouté.

La situation actuelle au Yémen a permis à l'EIIL et à d'autres groupes de s'implanter car les institutions militaires et sécuritaires de l'État sont détournées par le conflit en cours et par la guerre, a expliqué al-Houmairi.

Cela a créé une crise économique et un vide sécuritaire qui ont permis à l'EIIL de recevoir de l'argent et de recruter des membres, a-t-il poursuivi, ajoutant que « le retour de la paix au Yémen et la reprise du fonctionnement des institutions de l'État affaibliront énormément ces groupes ».

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