Les Iraniens qui se sont entretenus avec Al-Mashareq ont exprimé leur inquiétude quant au fait que les cartes d'identité nationales à puce délivrées par le gouvernement, désormais obligatoires pour tous les citoyens iraniens, sont utilisées comme une forme de surveillance de l'État pour garder un œil sur leurs activités.
Ils ont également souligné les difficultés rencontrées par certains Iraniens pour obtenir ces cartes, qui sont désormais nécessaires pour accéder à certains des services et prestations de l'État auxquels ils ont droit.
Le gouvernement a commencé à délivrer des cartes d'identité nationales en 2012, plus de dix ans après avoir attribué un numéro d'identité national à chaque citoyen. Avant cela, les numéros d'acte de naissance étaient utilisés pour vérifier l'identité.
En 2017, le gouvernement du président Hassan Rohani a annoncé que tout individu de plus de 15 ans devait obtenir une carte d'identité nationale à puce, et que les cartes d'identité nationales ordinaires ne seraient plus acceptées.
Les citoyens doivent payer pour obtenir ces cartes, et passer par un processus d'enregistrement qui leur demande de fournir tous leurs documents d'identification, y compris leur certificat de naissance, ainsi que leurs adresses physiques passées et présentes.
Selon les médias iraniens, l'émission de cartes à puce est une entreprise rentable pour le gouvernement, car seul un petit pourcentage des paiements collectés sert à couvrir les frais d'émission des cartes.
Nombreux sont ceux qui n'ont toujours pas de carte à puce
Les Iraniens qui n'ont pas de nouvelle carte à puce ne sont en réalité pas iraniens, en ce sens qu'ils ne peuvent pas demander d'aide de l'Etat, écrivait le quotidien iranien Donya-ye Eqtesad en 2018.
Les Iraniens vivant à l'étranger ne peuvent pas obtenir de carte à puce, car elle n'est délivrée qu'en Iran et ne sera remise qu'à la personne concernée, et non à un avocat ou à un membre de sa famille. Les responsables ont indiqué que le service pourrait être offert à l'étranger « à l'avenir ».
Les cartes à puce contiennent les données biométriques, la photo et la signature électronique du titulaire de la carte. Tout citoyen doit présenter sa carte pour accéder à des services bancaires ou pour tout service ou tâche dans une agence gouvernementale.
Bien que le gouvernement ait jugé les nouvelles cartes à puce obligatoires, certains membres du public, surtout ceux qui vivent dans les zones rurales, n'en ont toujours pas.
Le porte-parole de l'Organisation nationale d'enregistrement, Seyfollah Aboutorabi, a déclaré que sur les 62 millions de personnes qui peuvent recevoir une carte, 55 millions se sont enregistrées pour la recevoir.
Sur ce nombre, environ 45,5 millions les ont reçus, ce qui signifie que 10 millions de personnes qui se sont inscrites et ont payé pour obtenir une carte à puce attendent toujours.
Des médicaments vitaux sont liés aux cartes
L'insuline, les médicaments de chimiothérapie et de nombreux autres médicaments sont rares en Iran.
Depuis début octobre, l'insuline n'est disponible qu'à un prix très élevé sur le marché noir, une situation que les médias iraniens ont décrite comme une crise de l'insuline.
Kianoush Jahanpour, porte-parole de l'Administration iranienne des médicaments et des produits alimentaires, a fait savoir que l'insuline ne sera vendue que si le patient présente sa carte à puce, accompagnée des documents médicaux requis.
Même les vaccins contre la grippe, qui, malgré la promesse du gouvernement, n'ont pas été distribués fin septembre, ne sont destinés qu'aux citoyens détenteurs d'une carte à puce.
Fin octobre, il n'y a ni insuline ni vaccins antigrippaux dans les pharmacies ou les centres médicaux en Iran.
Surveiller les déplacements de la population
« Le gouvernement a créé une base de données qui surveille les activités sociales, politiques et économiques, les affiliations et les biens des citoyens iraniens, et il la développe constamment », a rapporté Hassan-Ali Dadsetan, ancien agent de l'état civil.
En utilisant des cartes à puce nationales, le régime iranien peut surveiller chaque déplacement et accéder aux informations de chaque individu, y compris leurs dossiers médicaux, a-t-il indiqué à Al-Mashareq.
Les voyages nationaux et internationaux sont surveillés par le biais de ces cartes, a-t-il déclaré. Ceux qui souhaitent acheter des devises étrangères les jours où elles sont rares sur le marché doivent également présenter une carte nationale à puce.
Il en va de même pour le paiement des droits et des taxes pour quitter le pays. La carte comporte aussi une déclaration qui oblige le titulaire à signaler tout changement d'adresse à l'Organisation nationale de l'état civil.
Le processus d'émission de cartes nationales à puce a été interrompu il y a environ 18 mois.
Selon Aboutorabi, le gouvernement rencontre des problèmes pour obtenir les matériaux utilisés pour l'émission et l'impression des cartes depuis février 2018.
Jusqu'à cette époque, les matériaux étaient achetés en Chine.
Bien que le gouvernement n'ait pas indiqué pourquoi les cartes ne sont plus importées de Chine, il s'efforce de produire les cartes sur le marché intérieur.
Selon Aboutorabi, 324 983 cartes ont été produites cette année entre mars et septembre. Il a ajouté que les cartes fabriquées en Iran sont similaires aux cartes chinoises, et que « touts les aspects techniques ont été respectés lors de leur production ».
Atteinte à la vie privée des Iraniens
Un employé de l'Organisation nationale de l'état civil, qui connaît bien le processus d'émission des cartes nationales à puce, s'est entretenu avec Al-Mashareq sous condition d'anonymat.
Il a indiqué qu'en 2010 une délégation iranienne s'est rendue au centre technologique chinois de Shenzhen pour discuter d'un plan d'émission de cartes nationales à puce, et a passé un contrat avec la société chinoise ZTE pour mettre en place un système national de cartes à puce en Iran.
L'implication chinoise va probablement créer des problèmes pour les Iraniens, a-t-il poursuivi, « car nous savons que le gouvernement chinois contrôle toutes les actions de ses citoyens ». En substance, a-t-il ajouté, « la vie privée des citoyens iraniens est gravement compromise ».
Dadsetan a déclaré à Al-Mashareq que la production de cartes à puce iraniennes en Chine signifie que le gouvernement chinois peut accéder aux informations des Iraniens.
En plus d'accroître la dépendance de l'Iran vis-à-vis de la Chine, cela constituerait également un risque pour le régime iranien, a-t-il déclaré, notant que les Chinois pourraient exercer des pressions, car ils sont susceptibles d'être au courant des actions des membres du public iranien.
Un point intéressant. Après le décès de ma mère à cause de coronavirus, l'hôpital n'a pas remis le corps de la défunte pour les funérailles, car nous lui devons des dizaines de millions [de factures médicales]. Je leur ai remis ma carte d'identité et un chèque comme garantie, et l'hôpital les garde toujours. En plus, l'hôpital n'accepte pas le paiement en échéances. Et maintenant, l’hôpital probablement achète et vend les médicaments avec [la carte d'identité]. Ils ont pris un chèque. Mais c'est pourquoi l'hôpital voulait avoir ma carte d'identité.
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