Bien que plus d'un mois se soit écoulé depuis que les autorités ont mis en place cette commission d'enquête chargée de faire la lumière sur la catastrophe du ferry à Mossoul le 21 mars, ses conclusions tardent à être annoncées.
Selon certains responsables locaux rencontrés par Diyaruna, les membres de cette commission ont subi des pressions pour retarder l'enquête ou cacher certains chiffres montrant la responsabilité des milices affiliées à l'Iran.
Le naufrage d'un ferry franchissant le Tigre à Mossoul, un incident qui avait causé la mort d'environ 120 passagers, a mis en lumière la corruption qui prospère dans les régions d'Irak où ces milices sont influentes.
Parlant sous couvert d'anonymat, un membre du conseil provincial de Ninive a indiqué à Diyaruna que l'enquête était terminée.
Mais ses résultats n'ont pas été rendus publics par suite de « pressions visant à supprimer les noms de personnalités impliquées dans l'accident, pour leur épargner une mise en examen», a-t-il précisé.
Selon ce responsable, plusieurs membres de ces milices ont été nommées dans l'enquête comme étant des partenaires de Rayyan al-Hadidi, un investisseur public à al-Jazira al-Siyahiya, une île touristique, où a eu lieu ce naufrage.
Ces miliciens ont également été accusés « d'entraver le travail des comités de défense qui supervisent les procédures de sécurité », a-t-il ajouté.
Les milices récoltent « l'argent de la protection »
Al-Hadidi a reconnu avoir versé chaque mois au moins 30 % des recettes touristiques de l'île aux milices armées « en échange de leur protection et de leur soutien et pour lui permettre de continuer à travailler », a expliqué ce responsable.
« C'est la raison principale pour laquelle les résultats de cette enquête n'ont pas été annoncés », a-t-il poursuivi.
Certaines parties souhaitent que les noms de ces miliciens soient omis et limitent la responsabilité à al-Hadidi, aux salariés du ferry et aux agences gouvernementales qui octroient leurs licences aux ferries, a-t-il poursuivi.
Seules treize personnes ont été arrêtées à ce jour, a-t-il ajouté, « et parmi elles ne se figurent ni Haydar al-Saidi ni Karim al-Mawla de la milice Asaib Ahl al-Haq, pourtant nommément cités comme étant impliqués dans cette tragédie ».
Le leader de la milice Sayyed al-Shuhada, Sayed Abbas, qui possède un bureau sur l'île, a également été désigné dans l'enquête pour avoir fourni une protection aux propriétaires du site et entravé les mesures de sécurité prises par les autorités, a ajouté ce responsable.
Abbas « a même empêché le travail des équipes d'inspection chargées d'inspecter les cabines et les restaurants » sur le site, a-t-il ajouté.
Les enquêteurs pressés de partir
Plusieurs responsables de la sécurité se sont vu retirer cette enquête sur l'accident de ce ferry à leur propre demande après avoir été l'objet de pressions, a expliqué Mohammed al-Hamdani, ancien membre du conseil de district de Mossoul.
Cela s'était produit auparavant avec d'autres enquêtes, a-t-il expliqué à Diyaruna.
Ces enquêtes « ont révélé l'implication de factions armées liées à l'Iran », a-t-il précisé, comme Asaib Ahl al-Haq, Harakat al-Nujaba, Kataib Hezbollah et Sayyed al-Shuhada, entre autres.
Ces milices ont été impliquées dans la contrebande de pétrole et de marchandises entre l'Irak et la Syrie, l'extorsion de civils et l'imposition d'impôts, a-t-il dit.
Selon al-Hamdani, ces milices « représentent la menace la plus sérieuse pour la stabilité et la sécurité de Ninive depuis la défaire de l'EIIS ».
Implication d'Asaib Ahl al-Haq
La députée irakienne de la province de Ninive Ikhlas al-Dulaimi a accusé Asaib Ahl al-Haq d'être impliqué dans le naufrage du ferry à Mossoul.
« Les responsables de la sécurité de la ville ont reconnu être dans l'incapacité de tenir les responsables pour redevables parce qu'Asaib Ahl al-Haq est propriétaire [d'al-Jazira al-Siyahiya] en vertu d'un contrat officiel »,a-t-elle indiqué.
Dans une déclaration publiée le 23 mars sur le site web Rudaw, al-Dulaimi avait affirmé que le naufrage avait été causé par suite de la corruption à la sécurité, soulignant que ce ferry était la propriété partagée d'investisseurs et d'autres parties, notamment Asaib Ahl al-Haq.
Asaib Ahl al-Haq détient 30 % d'al-Jazira al-Siyahiya, et les investisseurs 70 %, a-t-elle poursuivi, ajoutant que le commandant des opérations et chef de la police n'avaient pu intervenir dans cette enquête parce qu'Asaib Ahl al-Haq était impliqué.
Al-Dulaimi a également accusé la milice d'avoir mis la main sur plusieurs lopins de terre dans Ninive pour les utiliser comme quartier général de ses officines économiques, demandant aux responsables des municipalités de suspendre toutes les transactions officielles réalisées depuis 2014, affirmant qu'elles sont illégales.