Les Irakiens s'inquiètent de plus en plus de plus du fait que les milices et les partis politiques alignés sur l'Iran sapent la souveraineté du pays, ont expliqué des responsables irakiens.
L'impact néfaste qu'ont les milices appuyées par l'Iran est en effet manifeste dans les régions libérées de « l'État islamique en Irak et en Syrie » (EIIS), où les groupes armés bafouent la législation irakienne et se livrent à des activités qui portent atteinte à l'unité nationale, ont-ils ajouté.
L'influence de ces milices est devenue plus inquiétante depuis que certains groupes et partis alignés sur l'Iran ont fait leur apparition sur la scène politique lors des élections législatives de mai 2018, a expliqué à Diyaruna le journaliste Omar al-Janabi.
Parmi eux se trouve l'Organisation Badr, dont le leader pro-iranien Hadi al-Amiri dirige le bloc parlementaire de la Coalition Binaa. Ce groupe regroupe plusieurs alliances, notamment Fatah d'al-Amiri, la coalition de l'État de droit de l'ancien premier ministre Nuri al-Maliki, et l'alliance al-Nasr dirigée par Faleh al-Fayyad.
« Ces groupes ont acquis une force politique et l'utilisent pour imposer leur volonté sur l'État de droit et faire de toutes les institutions de l'État des marionnettes manipulées par l'Iran », a ajouté al-Janabi.
Pendant ce temps, a-t-il ajouté, les milices appuyées par l'Iran « sapent activement la sécurité et suscitent des conflits sectaires et des divisions qui servent les intérêts des Iraniens ».
Leurs actions sont particulièrement visibles dans les régions libérées de l'EIIS, où elles « continuent d'empêcher des milliers de DI de rentrer dans leurs foyers », a-t-il expliqué.
Ces régions sont notamment le district de Jarf al-Sakhr, Sulaiman Bek et Aziz Balad, dans la province de Salaheddine, ainsi que Sinjar dans la province de Ninive, entre autres, a-t-il précisé.
Ces milices appuyées par l'Iran sont responsables de la « disparition forcée de nombreux civils dans les provinces de Ninive, de Salaheddine et de l'Anbar, qui sont répertoriés comme portés disparus », a poursuivi al-Janabi.
« Les habitants sont également furieux à propos des vols de pétrole organisés par ces milices dans les puits de pétrole de leurs régions, et du contrôle imposé à leurs activités commerciales transfrontalières et économiques », a-t-il ajouté.
Ces milices « recrutent également les jeunes, en particulier ceux qui sont sans travail » pour se battre sur les champs de bataille en Syrie, a-t-il encore indiqué.
Perturbations politiques et sécuritaires
Les milices appuyées par l'Iran visent à étendre leur présence et leur influence sur les centres de décision politiques en Irak, a expliqué Yahya al-Kubaisi, chercheur au Centre irakien d'études stratégiques.
« Bien qu'ils n'aient pas encore atteint le stade d'un contrôle total, l'influence de ces groupes n'a cessé de croître depuis les victoires politiques obtenues grâce au soutien de l'Iran », a-t-il indiqué à Diyaruna.
Les Irakiens sont de plus en plus préoccupés « parce qu'ils réalisent que ces forces de milices expriment les ambitions iraniennes, qui ne sont en rien conformes à ce qui est bien pour leur pays », a poursuivi al-Kubaisi.
Ces milices sont une cause importante de perturbations politiques et sécuritaires, a-t-il ajouté.
Leur présence dans les villes libérées sape la stabilité sociale et la sécurité en raison de la nature sectaire de leurs activités et des problèmes qu'ils créent en pillant les ressources économiques, a-t-il indiqué.
« Il est donc nécessaire d'exiger le démantèlement de toutes les milices armées et de restreindre la possession d'armes ne serait-ce que pour des raisons de sécurité de l'État », a-t-il affirmé.
La loi des FMP « n'est pas appliquée »
La Loi sur les Forces de la Mobilisation populaire (FMP), approuvée par le parlement irakien en 2016, « n'est pas appliquée juridiquement », a déclaré al-Kubaisi.
Cette loi stipule que les FMP « constitueront une formation populaire indépendante et seront intégrées dans les forces armées irakiennes et rattachées au Commandement général des forces armées ».
« En réalité, certaines des milices affiliées aux FMP sont des forces indépendantes, avec leurs propres décisions et agendas, qui ne suivent pas l'intérêt national », a-t-il expliqué, soulignant qu'elles sont « totalement inféodées à l'Iran ».
« Maintenir le statu quo sans résoudre cette situation signifie des crises et des problèmes pires et plus complexes », a-t-il mis en garde.
Il existe actuellement 67 groupes officiellement placés sous les auspices des FMP, dont plusieurs « reçoivent leurs instructions du Corps des Gardiens de la révolution iranienne (CGRI) et suivent les diktats du leader suprême Ali Khamenei ».
Ces groupes sont notamment Asaib Ahl al-Haq, les Brigades Sayyid al-Shuhada, Harakat al-Nujaba, Kataeb al-Imam Ali, Kataeb Jund al-Imam, Saraya al-Khorasani, le Kataeb Hezbollah, Kataeb al-Tayyar al-Risali et Liwa Assad-Allah al-Ghalib.
Les FMP regroupent quelque 100 000 combattants, en grande majorité déployés dans les provinces libérées, à Ninive en particulier, a poursuivi al-Kubaisi.
« D'autres groupes plus petits ne font pas partie des FMP, mais disposent également d'une présence armée », a-t-il ajouté.
Ingérence dans la gouvernance locale
Les autorités locales de Ninive souhaitent mettre un terme à la multiplicité des décideurs résultant de la présence des FMP et d'autres forces dans la province, a expliqué à Diyaruna Hossam Eddin al-Abbar, membre du conseil provincial de Ninive.
« Certaines de ces factions sont engagées dans des affaires qui sont sans lien avec la sécurité, et qui cherchent uniquement à gagner de l'argent en vendant du pétrole et de la ferraille provenant des bâtiments détruits à Mossoul », a-t-il poursuivi.
« Elles s'ingèrent également dans toutes les affaires locales, comme les ventes aux enchères et les ventes de terrains, et exercent des pressions pour que des projets de construction soient attribués à certaines entreprises », a-t-il expliqué.
« Nous tentons de résoudre ces problèmes par le biais de la commission exploratoire de Ninive », a-t-il précisé en conclusion, qui a été mise en place par le parlement irakien à la fin de l'année dernière pour enquêter sur les événements sécuritaires, économiques, humanitaires et liés aux services dans la province