Le chef adjoint des Forces de mobilisation populaires (FMP) irakiennes, Abou Mahdi al-Muhandis, tué vendredi 3 janvier dans une frappe américaine sur Bagdad, était considéré comme l'homme de Téhéran en Irak et comme un ennemi juré des États-Unis.
La frappe américaine contre l'aéroport international de Bagdad vendredi matin a également tué son ami, le général de division Qassem Soleimani, commandant de la Force Qods du Corps des Gardiens de la révolution islamique (FQ-CGRI), et le directeur des relations publiques des FMP, Mohammed Ridha Jabri.
Ces hommes sont morts lors d'une frappe contre un convoi appartenant aux FMP, qui est une force paramilitaire irakienne ayant des liens étroits avec l'Iran.
Elle s'est déroulée quelques jours seulement après que des partisans des FMP ont attaqué l'ambassade des États-Unis à Bagdad, provoquant la colère de Washington.
Al-Muhandis, l'alias largement utilisé pour Jamal Jaafar Ibrahimi, faisait partie de la foule pro-iranienne qui a assiégé mardi l'ambassade.
« Al-Muhandis a démontré comment l'Iran a construit son réseau d'intermédiaires en Irak », a expliqué Phillip Smyth, chercheur spécialisé dans les groupes armés chiites.
« Il a un passé avec pratiquement tous les réseaux majeurs que l'Iran avait en Irak. Il était impossible de trouver une meilleure représentation » de l'influence de l'Iran dans le pays, a-t-il poursuivi.
Originaire de Bassorah, al-Muhandis est né d'une mère iranienne et d'un père irakien en 1953. Il s'est installé en Iran en 1979 et est devenu conseiller militaire de la FQ-CGRI. Dans les années 1980, il a également servi comme commandant dans le Corps Badr.
Il a été condamné à mort par contumace au Koweït pour sa participation aux attentats à la bombe en 1983 contre les ambassades américaines et françaises dans ce pays.
Fondateur d'une milice extrémiste
Al-Muhandis a brièvement occupé les fonctions de député irakien suite aux élections de 2005.
Il a ensuite aidé à fonder le Kataeb Hezbollah, une milice extrémiste soutenue par l'Iran qui a pris pour cibles des troupes américaines.
Le 4 décembre, des membres de la milice ont attaqué des manifestants irakiens pacifiques qui ont dénoncé le rôle de Téhéran dans leur pays.
En 2009, les États-Unis ont sanctionné al-Muhandis et le Kataeb Hezbollah en tant qu'entités « terroristes ».
Washington a fait savoir qu'al-Muhandis s'occupait des « réseaux de contrebande d'armes et avait participé aux attaques à la bombe contre des ambassades occidentales et aux tentatives d'assassinat dans la région ».
Michael Knights, expert du Washington Institute, a décrit al-Muhandis comme « l'adversaire le plus invétéré des États-Unis », parmi les groupes armés chiites d'Irak.
Plus tard, il a été nommé chef adjoint des FMP, fondées comme un réseau disparate de factions luttant contre « l'État islamique en Irak et en Syrie » (EIIS) en Irak.
Les FMP ont ensuite été absorbées dans les forces de sécurité officielles irakiennes, mais certaines de ses factions les plus extrémistes, dont le Kataeb Hezbollah, opèrent toujours de façon indépendamment de Bagdad.
« Le centre nerveux central de la FQ-CGRI en Irak »
« Al-Muhandis a travaillé assidûment pour faire des FMP une organisation qui n'était ni entièrement soumise au commandement du Premier ministre, ni subordonnée aux forces de sécurité conventionnelles », a expliqué Knights.
Bien qu'il travaillait sous Faleh al-Fayyad, qui est également conseilleur national à la sécurité d'Irak, al-Muhandis était largement reconnu comme le « vrai » leader des FMP, ont précisé des observateurs.
Il avait la loyauté sans faille de ses forces sur le terrain, et le contrôle de ses ressources financières.
Cela faisait de lui « le centre nerveux central » de la FQ-CGRI en Irak, a écrit Knights l'année dernière.
Il était conseiller personnel de Soleimani, les deux ayant été à plusieurs reprises vus dans de chaleureuses étreintes.
Malgré sa position importante au sein des FMP, al-Muhandis est rarement apparu en public et s'est peu occupé de politique.
On ne sait toujours pas qui pourrait le remplacer, a déclaré Smyth, car il serait difficile de trouver une personne ayant une relation idéologique et personnelle aussi étroite avec l'Iran.