L'Iran traverse une crise économique et politique, et des manifestants exigent que le régime concentre son attention et ses ressources sur les questions nationales au lieu de déclencher des conflits à l'étranger.
Alimentées par la crise économique, les manifestations sont les premières de ce genre en 40 ans, et elles ont des implications importantes, a indiqué le politologue Toni Issa, du journal libanais al-Joumhouriya.
Elles sont le signe que le peuple iranien reconnaît et n'apprécie pas « l'ampleur de la crise économique et politique à laquelle il est confronté », a-t-il déclaré à Al-Mashareq.
La crise économique de l'Iran est aggravée par le rejet grandissant par son peuple de son ingérence dans des pays comme le Liban, la Syrie et le Yémen par le biais du Corps des Gardiens de la révolution islamique (CGRI), a-t-il rapporté, et de ses efforts pour étendre son influence en soutenant des groupes comme le Hezbollah libanais.
« Les manifestations populaires contre la crise économique qui ont lieu en Iran sont sans précédent par leur ampleur et leur nature », a affirmé à Al-Mashareq la professeure d'université libanaise Mona Fayyad.
« Ce sont par essence des manifestations spontanées et populaires », a-t-elle indiqué.
Des files d'attente pour de la nourriture dans les villes iraniennes
L'intensité des manifestations populaires a augmenté ces dernières semaines à cause des mauvaises conditions de vie, des prix élevés, du chômage et du retard dans le versement des salaires des fonctionnaires.
Le 26 février, des manifestations ont été organisées dans plusieurs villes iraniennes.
Des militants iraniens publient des photos et des vidéos sur les réseaux sociaux montrant des foules faisant la queue devant des magasins pour acheter de la nourriture, dans un contexte de graves pénuries.
D'autres magasins ferment, car les produits de base ne sont tout simplement pas disponibles.
Amir Gajsaran a écrit sur Twitter : « Les boulangeries ferment les unes après les autres, bientôt la famine ?! » Il a également publié la photo d'une file d'attente devant une boucherie dans une rue de la ville iranienne de Tabriz.
Toujours sur Twitter, Ali Agha a écrit : « Les gens doivent faire la queue pendant des heures pour acheter de la viande congelée ».
Une vidéo sur la page Twitter « Free Iran » montrait une file d'attente pour du sucre.
Forte augmentation de la pauvreté
Selon le Centre des statistiques d'Iran, l'inflation a atteint 23,5 % en février, 2,9 points de plus qu'en janvier.
« L'Iran traverse la plus grave crise économique de son histoire », a indiqué l'économiste irakienne Salam Smeisem. « Les indices d'inflation ont atteint des niveaux records dans le contexte de l'effondrement de la monnaie iranienne sur le marché des devises étrangères. »
« Cet effondrement de la monnaie a entraîné un déclin de la valeur réelle des salaires et des revenus personnels, qui ne suffisent plus pour acheter les produits de première nécessité, et à une augmentation de la pauvreté », a-t-elle déclaré à Al-Mashareq.
Le taux de pauvreté en Iran a augmenté à cause de la baisse du salaire minimum, et les médias rapportent que dix des quatorze millions de travailleurs iraniens sont désormais sous le seuil de pauvreté.
La crise a également contraint de nombreuses usines de produits de consommation à fermer par manque de fonds et de matières premières.
« L'arrêt de l'activité locale de production a fait encore augmenter le taux de chômage déjà élevé du pays », a rapporté Smeisem.
D'après une récente étude du gouvernement, le nombre de chômeurs a augmenté de 237 000, dépassant trois millions au total à la fin de l'été dernier.
Grosses dépenses en affaires étrangères
« Les Iraniens savent que la cause de cette crise est l'investissement excessif dans la fabrication d'armes et les affaires étrangères », a indiqué Smeisem.
Cela a ensuite conduit la communauté internationale « à isoler leur pays et à lui imposer des sanctions », a-t-elle ajouté.
« Les responsables iraniens sont confrontés à de graves problèmes économiques, et ils semblent incapables de les contenir ou de limiter leurs répercussions dans la rue », a affirmé l'économiste Majid al-Suri à Al-Mashareq.
« Les choses vont empirer avec l'intensification des pressions internationales. »
« L'Iran est en train de perdre son poids économique et politique, et son régime est sur le point de sombrer dans l'abîme », a affirmé à Al-Mashareq l'expert en stratégie Alaa al-Nashou.
« Ces dernières années, le régime iranien s'est intéressé au financement et à l'armement des milices et des mouvements armés dans les pays de la région » et au soutien à des activités qui portent atteinte à la sécurité régionale et internationale, a-t-il rapporté.
« Cela s'est fait aux dépens de l'économie du pays, et les citoyens iraniens paient aujourd'hui le prix de ces politiques hostiles qui ont attiré des sanctions contre le pays », a-t-il expliqué.
« La rue iranienne bouillonne de colère », a ajouté al-Nashou.
Impact sur les alliés de l'Iran
Selon le politologue Tony Issa, « les pressions économiques auront un impact sur le soutien que l'Iran continue à apporter à ses alliés au Liban, au Yémen, en Syrie et en Irak ».
« Téhéran insiste sur le soutien à apporter à ses alliés et à ses milices, parce que son régime est fondé sur [le principe] d'exporter la révolution », a expliqué l'analyste Tony Abi Najm.
« S'il cesse d'exporter la révolution, son régime tombera. »
Quant à savoir si l'Iran pourra continuer à aider ses alliés avec de l'argent et des armes, a-t-il poursuivi, « les sanctions américaines ont sans aucun doute été efficaces ».
Cela se voit dans le fait que l'Iran et son peuple ont reconnu que le pays « traverse sa pire crise économique depuis la révolution », a-t-il conclu.