Réfugiés

Des experts libanais appellent à réglementer les camps non officiels

Junaid Salman à Beyrouth

Un camp de réfugiés syriens non officiel a été installé près d'une rivière dans la vallée de la Bekaa, dans l'est du Liban. [Junaid Salman/Al-Mashareq]

Un camp de réfugiés syriens non officiel a été installé près d'une rivière dans la vallée de la Bekaa, dans l'est du Liban. [Junaid Salman/Al-Mashareq]

Le Liban est le deuxième plus important pays d'accueil de réfugiés syriens, où plus d'un million vivent dans 2125 communautés dans les zones urbaines et rurales, selon une étude conjointe du HCR, de l'UNICEF et du Programme alimentaire mondial datant de 2017.

Selon l'Évaluation de la vulnérabilité des réfugiés syriens au Liban, il existe environ 1700 camps non officiels de réfugiés syriens, qui ont des répercussions sur l'environnement, la santé, le logement et la société à la fois pour les réfugiés et pour les communautés hôtes.

Ces campements informels, dont beaucoup se sont installés sur des terres agricoles dans la vallée de la Bekaa et le nord du Liban, peuvent endommager l'agriculture et ne disposent généralement d'aucun réseau d'évacuation ni des conditions nécessaires à un logement approprié, ont expliqué plusieurs experts.

Il est désormais urgent pour les réfugiés et les communautés qui les accueillent de réglementer ces installations sauvages, ont-ils affirmé, malgré les grandes difficultés que cela implique.

Absence de politique urbaine

« La raison de l'expansion de tous ces camps non officiels est l'absence d'une politique urbaine nationale au Liban », a expliqué à Al-Mashareq Howayda al-Harithy, professeur d'architecture et de design urbain à l'Université américaine de Beyrouth.

L'absence d'une politique urbaine nationale a exclu tout effort de développement contrôlé de ces camps informels et tout plan de logement pour les citoyens libanais à faibles revenus, a-t-elle déploré.

« Si le Liban était doté d'une politique urbaine pour résoudre le problème du logement des citoyens à faibles revenus, cela aurait aidé à fournir des logements pour les Libanais et les réfugiés syriens », a-t-elle indiqué.

« Le plus gros problème est celui des camps établis sur des terres agricoles, dont les propriétaires souhaitaient profiter du paiement de loyers », a fait savoir al-Harithy.

Cela leur rapporte plus que l'agriculture, a-t-elle expliqué, par suite du déclin de la production agricole et de l'augmentation des loyers, à cause de la forte demande en logements.

Ces camps ont été construits sur des terres arables et ne sont pas reliés aux réseaux d'assainissement, ce qui est une nécessité de base pour des logements convenables, a-t-elle déclaré, notant que cela a un impact négatif sur les ressources en eau souterraine et en eau de surface.

Pour atténuer ces problèmes et empêcher qu'ils ne s'aggravent, un organisme interministériel à plusieurs niveaux devrait être chargé de ces questions, a préconisé al-Harithy.

Cet organisme serait constitué d'experts de tous les ministères concernés par le logement et les réfugiés, et servirait d'autorité en matière de construction de logements répondant aux besoins environnementaux, sociaux, humanitaires et sanitaires, a-t-elle détaillé.

Une gouvernance est nécessaire dans ce contexte, a-t-elle souligné, plutôt que des efforts séparés où chaque secteur essaie seul de résoudre le problème.

Pour s'occuper du problème des camps non officiels qui sont difficiles à réguler sur la base des normes environnementales et de logement nécessaires, al-Harithy estime que « la responsabilité de trouver une solution rapide incombe aux municipalités ».

Il faut donc accorder aux municipalités des pouvoirs plus larges pour agir, et leur apporter un soutien financier pour accomplir ce travail, a-t-elle poursuivi, ce qui leur donnera la possibilité de s'assurer que les logements répondent aux normes vitales.

Un plan précis est nécessaire

« Les profondes divisions politiques entre les factions libanaises portant sur la situation syrienne ont conduit à l'absence d'un accord sur un plan précis pour gérer la question des réfugiés », a déclaré Serge Yaziji, consultant en urbanisme et organisation.

« Il est préférable de rassembler les réfugiés dans des zones spécifiques qui leur apportent des services de base, car leur dispersion dans les camps informels les empêche de bénéficier de ces services et cause des dégâts à l'environnement et à la santé publique », a-t-il rapporté à Al-Mashareq.

Les camps non officiels font également peser une menace sur les réseaux d'eau et d'assainissement, a-t-il ajouté.

Yaziji a souligné la nécessité pour le gouvernement de mettre au point un « plan pour la réinstallation temporaire des réfugiés » qui analyse les moyens de gérer et de financer celle-ci.

La coordination entre les services officiels et les municipalités est en cours, a-t-il déclaré, notant que les municipalités essaient de régler le problème des camps informels et de leur manque de services sociaux, économiques et développementaux.

La décision du Liban de ne pas créer de camps officiels pour les réfugiés syriens « a provoqué la propagation de camps établis par des personnes », a expliqué à Al-Mashareq Lisa Abou Khaled, agent d'informations publiques du HCR.

Cela a eu pour conséquence de limiter le travail pouvant être accompli pour établir des camps disposant de conditions de logement adéquates, a-t-elle déploré.

« En coopération avec les municipalités d'accueil, le HCR s'efforce autant que possible de prévenir l'aggravation des dégâts environnementaux causés par les camps non officiels », a-t-elle conclu.

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