Terrorisme

Bons résultats et faible taux de récidive pour le programme saoudien Munasaha

Par Sultan al-Barei à Riad

Les anciens détenus accusés d'avoir rejoint des groupes extrémistes bénéficient de services de conseil et de réinsertion au Centre de conseil et de suivi Mohammad Bin Naif de Riad. [Photo fournie par le Centre de conseil et de suivi Mohammad Bin Naif]

Les anciens détenus accusés d'avoir rejoint des groupes extrémistes bénéficient de services de conseil et de réinsertion au Centre de conseil et de suivi Mohammad Bin Naif de Riad. [Photo fournie par le Centre de conseil et de suivi Mohammad Bin Naif]

En Arabie saoudite, le programme Munasaha, qui offre une seconde chance aux jeunes délinquants qui purgent une peine de prison pour avoir rejoint des groupes extrémistes, a enregistré un franc succès dans leur réinsertion dans la société, expliquent des spécialistes à Al-Mashareq.

Depuis plus de dix ans, ce programme novateur de déradicalisation offre des conseils, des compétences professionnelles et une aide à la réinsertion à de jeunes délinquants, et a servi de modèle à d'autres pays.

« Le programme Munasaha a été lancé après la mise en place du Centre de conseil et de suivi du prince Mohammad Bin Naif à Djeddah et Riyad », a expliqué à Al-Mashareq Abdoullah al-Mouqrin, professeur à l'université Oumm al-Qoura.

Sont éligibles à ce programme les jeunes qui ont rejoint des groupes tels qu'al-Qaïda et « l'État islamique » (Daech) mais n'ont tué personne, après avoir purgé leur peine, a déclaré al-Mouqrin, qui travaille au sein de ce programme.

« Le traitement est conduit dans des centres qui ne ressemblent pas du tout à des prisons, mais sont plutôt des centres de réinsertion éducatifs, sociaux et religieux », a-t-il précisé.

Le traitement, qui peut aller jusqu'à trois ans, vise à totalement réinsérer les délinquants en les préparant à leur réinsertion dans la société, et en les aidant à développer des compétences qui leur permettront d'entrer dans le monde du travail, a-t-il ajouté.

Ce programme cherche à lutter contre l'idéologie extrémiste par la diffusion d'une pensée modérée, a-t-il poursuivi, et il constitue l'un des plus importants outils de lutte contre le terrorisme.

« Il promeut le patriotisme, que les terroristes tentent au contraire d'effacer par des mensonges et de fausses interprétations de la charia », a expliqué al-Mouqrin. « Après avoir passé le temps nécessaire au centre, ces jeunes sont idéologiquement vaccinés contre les idées déviantes. »

Un programme revu

Plusieurs modifications ont été apportées au programme depuis son lancement, pour lui permettre de répondre de manière plus précise à l'état d'esprit des jeunes délinquants, a précisé al-Mouqrin.

Parmi celles-ci, la décision de construire des « passerelles de confiance » en accordant aux participants un congé de dix jours pour rentrer chez eux « afin qu'ils aient la possibilité de retourner dans une ambiance familiale normale », a-t-il indiqué.

Ce que l'on sait peu à propos du programme Munasaha, c'est qu'il est également destiné à aider la jeunesse chiite, a expliqué Fadel al-Hindi, responsable au Centre de recherches en sciences sociales et humaines de l'université du roi Abdoulaziz.

« Extrémisme et terrorisme ne sont pas l'apanage exclusif d'une secte ou d'un parti, tous les gens sont susceptibles de tomber dans ce piège », a-t-il déclaré à Al-Mashareq.

« Le programme Munasaha commence en fait en prison, lorsque le verdict est prononcé », a indiqué al-Hindi, et la première phase du traitement est conduite en prison.

La deuxième phase commence à la fin de la période de détention, a-t-il précisé, lorsque le sujet est transféré dans un centre de suivi, et la troisième prépare le délinquant à rejoindre la société.

Le programme Munasaha est nécessaire parce que « les efforts visant à repérer, arrêter et traduire les terroristes en justice ne sont pas en eux-mêmes suffisants », a poursuivi al-Hindi.

Sans lui, a-t-il ajouté, les délinquants pourraient potentiellement rechuter, commettre de nouveaux délits et devenir des bombes à retardement qui pourraient exploser en tout lieu et à tout moment.

Une « faible » récidive

« Au total, 3 303 jeunes sont passés par ce programme, avec un taux d'échec de seulement 14% », a précisé Bassam al-Subaie, maître de conférence à la faculté de la charia de l'université du roi Saoud, et enseignant au centre du programme Munasaha.

Près de 500 jeunes sont retombés dans leurs idées extrémistes après avoir repris une vie normale, a-t-il expliqué à Al-Mashareq, soulignant que cela est peut-être dû aux relations qu'ils conservent lorsque le programme se termine.

« Il existe une période quelque peu dangereuse après la libération finale, lorsque le sujet est sensible aux chocs, et soit il les surmonte, soit il replonge », a indiqué al-Subaie.

Les activités du programme s'étendent aux familles qui ont besoin de conseils, a-t-il poursuivi, soulignant que ces cas concernent des sujets qui commencent à montrer des signes d'extrémisme, mais qui ne représentent pas encore un danger pour la société.

« Dans ce cas, les familles contactent le centre et signalent [le sujet], qui bénéficie alors de conseils », a-t-il ajouté, précisant que des femmes sont également incluses dans ce programme.

Lors du programme de traitement, a poursuivi al-Subaie, professeurs et participants jettent un regard critique sur les idées extrémistes qui ont été instillées dans l'esprit des délinquants.

« Ces idées sont ensuite étudiées pour définir la meilleure façon de les contrer », a-t-il expliqué, ajoutant que « cette méthode est la meilleure dans la guerre idéologique contre ceux qui épousent une idéologie dénaturée ».

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