Droits de l'Homme

Des femmes échappent à l'EIIL sur la route entre al-Raqqa et le Liban

Par Nohad Topalian à Beyrouth

Cette famille de la région rurale d'al-Raqqa, photographiée le 25 novembre, a trouvé refuge à Mazraat Yachouh, sur le mont Liban. [Nohad Topalian/Al-Mashareq]

Cette famille de la région rurale d'al-Raqqa, photographiée le 25 novembre, a trouvé refuge à Mazraat Yachouh, sur le mont Liban. [Nohad Topalian/Al-Mashareq]

Poussées à quitter leurs villages par l'approche des forces de libération, des dizaines de familles originaires des environs de la ville syrienne d'al-Raqqa ont commencé un long et difficile voyage pour échapper à « l'État islamique en Irak et au Levant » (EIIL).

La plupart des groupes familiaux, composés principalement de femmes, d'enfants et de personnes âgées, se sont dirigés vers le Liban, où ils ont trouvé refuge dans des camps de fortune à Qab Elias et chez des proches au mont Liban.

Les femmes s'étant entretenues avec Al-Mashareq ont indiqué qu'elles n'avaient pas d'autre choix que de fuir les villages d'al-Ajajiyah, dans le district d'al-Jarniya, à environ 100 km de la ville d'al-Raqqa, et d'al-Tarka près d'al-Tabqa, après que les conditions de vie soient devenues insoutenables.

Elles ont payé de fortes sommes pour rejoindre leurs maris au Liban, ont-elles expliqué, marchant de longues heures sur un terrain montagneux, avec des passeurs qu'elles ne connaissent pas et en craignant de tomber sur des éléments de l'EIIL.

Parmi elles se trouvaient des résidents d'al-Tarka : Zahia Mohammed, sa fille de deux ans et sa belle-mère malade, Fatima, qui se sont installées dans la ville libanaise de Mazraat Yachouh, où le mari de Mohammed avait trouvé du travail comme charpentier.

« Après que l'EIIL soit entré dans al-Raqqa et ait pris le contrôle de toute la région, mon époux est parvenu à s'échapper vers le Liban il y a un an, et je suis restée avec ma belle-mère et ma fille », a-t-elle raconté à Al-Mashareq.

« Nous avons vécu sous les règles de l'EIIL, dont les éléments ont fait de l'école et du poste de police leur quartier général », a-t-elle déclaré. « Je quittais rarement la maison, donc je ne me faisais pas harceler et je n'ai pas vu les tortures et les assassinats de résidents, ce qui arrivait souvent. »

La récente mobilisation militaire et le renforcement des frappes aériennes contre des positions de l'EIIL dans la région ont poussé ces trois personnes « à tenter sérieusement de partir », a-t-elle affirmé.

Le mari de Mohammed « a insisté pour que nous partions », a-t-elle déclaré, mais ce ne fut pas facile, car la famille devait s'assurer d'arriver en sécurité au Liban.

Un voyage périlleux

Environ 20 familles se sont rassemblées « et nous sommes partis pendant la nuit la dernière semaine d'octobre, pour un voyage périlleux qui a commencé à bord d'un camion qui nous a emmenés vers les montagnes », a relaté Mohammed.

« Après un bref repos, nous avons dû marcher à la lumière de la lune pendant des heures, malgré la fatigue qui mettait à rude épreuve les jeunes et les moins jeunes », a-t-elle poursuivi.

Le trajet d'al-Tarka à Damas, en passant par al-Qamishli, a pris quatre jours, a-t-elle déclaré.

« Nous avons marché sur des routes de montagne, restant hors de vue de l'EIIL. Mais alors que nous nous apprêtions à traverser un chemin montagneux, nous avons été interceptés par cinq éléments de l'EIIL. Le passeur a discuté avec eux, et ils ont réagi en disant à voix haute : "Allez vers les contrées de la débauche" avant de continuer leur route », a-t-elle rapporté.

Quatre passeurs se sont relayés pour escorter le groupe, a fait savoir Mohammed.

« Le dernier nous a emmené au point le plus proche d'al-Qamishli et nous a dit de faire nous-mêmes [le reste du chemin] », a-t-elle ajouté.

Depuis al-Qamishli, elles ont pris l'avion pour Damas, a-t-elle indiqué, puis elles sont allées au poste-frontière d'al-Masnaa, où son mari les attendait.

« Nous vivons aujourd'hui loin de l'oppression de l'EIIL et des maux qu'il causera bientôt dans la ville », a conclu Mohammed.

Une difficile route de montagne

Mi-octobre, Aïcha al-Jassim a quitté al-Ajajiyah, dans le district d'al-Jarniya de la province d'al-Raqqa, pour aller au Liban, accompagnée de ses trois enfants et d'autres proches.

« La situation de sécurité dans la région et l'encerclement de notre village et la répression par l'EIIL nous ont poussés à fuir », a-t-elle déclaré à Al-Mashareq. « Mon mari est au Liban et mes parents vivent dans la ville de Manbij. Lorsque les nouvelles de la libération prochaine d'al-Raqqa se sont répandues, mon mari a insisté pour que nous quittions la ville. »

« Le voyage a commencé devant chez nous dans un taxi qui nous a emmenés dans la ville d'al-Raqqa », a-t-elle relaté. « Le chauffeur a dit aux éléments qui tenaient les postes de contrôle que nous avons passé que nous venions vivre dans la ville. »

Après avoir payé le taxi, a-t-elle continué, un passeur les a transportés jusqu'au barrage de Tishrin, où ils ont rejoint des dizaines d'autres familles en fuite.

La seconde partie du voyage a nécessité l'escalade d'une montagne sur une route difficile qui était particulièrement ardue pour ses enfants, âgés de trois, quatre et cinq ans, a déclaré al-Jassim.

Après une expédition de trois jours, ils ont atteint les environs de Damas, et d'ici se sont rendus au Liban par la vallée de la Bekaa, où son mari les attendait.

Ils se sont ensuite rendus dans un camp de fortune à Qab Elias, où ils vivent dans une tente.

Al-Jassim a déclaré que les conditions de vie à al-Ajajiyah « étaient devenues très difficiles, et nous devions nous échapper », ajoutant que la persévérance de sa famille avait porté ses fruits.

Fuir l'EIIL

Zaïnab al-Jassim est elle aussi arrivée d'al-Ajajiyah avec ses cinq enfants au cours de la première semaine de novembre. C'est une parente d'Aïcha al-Jassim et elle partage sa tente.

« Il fallait que nous partions », a-telle indiqué à Al-Mashareq. « Nous avons choisi le Liban parce que mon frère et sa famille sont ici et mon mari est décédé. Beaucoup m'ont conseillé d'aller dans des refuges proches de la frontière turque, où de l'aide est disponible, mais j'ai choisi le Liban parce que je cherche la sécurité pour ma famille. »

« Notre voyage a été dangereux », a-t-elle déclaré. « Nous nous sommes souvent cachés afin que des éléments de l'EIIL ne nous voient pas. Nous avons escaladé des montagnes et avons passé deux nuits dans la nature. Nous marchions de nuit et nous nous reposions durant la journée. »

À son arrivée à Damas avec ses enfants, ils ont pris un taxi et sont entrés au Liban pour s'installer dans le camp de la vallée de la Bekaa.

Tous ceux qui ont parlé avec Al-Mashareq ont confirmé que les habitants d'al-Raqqa vivent dans la crainte de l'EIIL et évitent leurs domiciles et leurs villages. Les vivres s'épuisent, ont-ils indiqué, et les gens vivent dans la peur de ce que l'EIIL fera alors que l'étau se resserre sur lui.

De nombreux résidents envisagent de fuir, ont-ils déclaré, et de nombreuses autres familles vivent dans la nature, hors de vue de l'EIIL.

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