La nouvelle faction irakienne à revendiquer les attaques contre les intérêts américains n’est rien d’autre qu’un écran de fumée destinée à faire oublier les puissantes milices épaulées par l’Iran qui montent ces attaques, expliquent des experts irakiens.
Ousbat al-Thaerin (Ligue des révolutionnaires) a fait ses débuts en revendiquant une attaque le 11 mars, lors de laquelle 18 roquettes s’étaient abattues sur la base aérienne de Taji, tuant deux soldats américains et une soldate britannique.
Trois jours plus tard, une volée de 33 roquettes Katioucha avaient à nouveau frappé Taji, faisant plusieurs blessés, ont rappelé des responsable de la coalition internationale et du commandement des opérations conjointes.
Le 8 avril, la milice avait posté une vidéo du bâtiment de l’ambassade à Bagdad et de la base aérienne d’Aïn el-Assad, dans l’ouest de l’Anbar, filmée depuis les airs à l’aide d’un drone télécommandé.
Elle était accompagnée de menaces de représailles pour la mort du général iranien Qassem Soleimani et d'Abou Mahdi al-Mouhandis, tués par une frappe aérienne américaine en début d’année.
« Des écrans mis en place par l’Iran »
Ces derniers mois, une demi-douzaine de factions jusqu’alors inconnues ont revendiqué des attaques similaires contre des intérêts américains, sous la bannière de la « résistance islamique ».
Aucune direction claire n’est apparue pour Ousbat al-Thaerin ni aucun autre nouveau groupe, mais leurs opérations font souvent la une des journaux iraniens ou affiliés à ces milices.
Ceci renforce le sentiment que ces groupes ont été créés comme de purs outils médiatiques pour détourner les soupçons des principales milices, qui font aujourd’hui partie du paysage politique en Irak.
Parmi ces nouveaux groupes se trouvent Saraya al-Muntaqem (les Régiments du Vengeur), Qabdat al-Mahdi (le Poing d’Al-Mahdi) et Ashab al-Kahf (le Peuple de la grotte), qui ont revendiqué les attentats aux EEI sur des routes utilisées par les convois de la coalition internationale.
Ces groupes « n’existent pas », a expliqué le politologue et chercheur Abdoul Qader al-Nayel. Les véritables auteurs de ces attaques sont la Kataeb Hezbollah, Harakat al-Nujaba et Asaib Ahl al-Haq, les groupes pro-iraniens les plus rigoristes, a-t-il précisé.
L’Iran a été contraint de mettre en avant les noms de factions jusqu’ici inconnues « pour dédouaner des principaux intermédiaires de toute responsabilité dans l’escalade des attaques contre les missions américaines [et d’autres] étrangères et les protéger contre les représailles de Washington », a-t-il expliqué à Diyaruna.
Ousbat al-Thaerin et les autres factions sont des « écrans de fumée » créés par le régime iranien pour maintenir son influence et démontrer qu’il exerce une influence sur des groupes mercenaires en Irak qui peuvent mettre en œuvre son programme, a-t-il poursuivi.
Utiliser l’Irak comme base de lancement
L’escalade des attaques par ces groupes, sous le commandement du Corps des Gardiens de la révolution islamique (CGRI), est une « dangereuse indication des efforts déployés par l’Iran pour faire de l’Irak un théâtre de confrontation avec la communauté internationale », a expliqué al-Nayel.
Elle montre également que ces milices continuent de servir l’Iran « aux dépens du futur, de la sécurité et de la stabilité de leur pays », a-t-il déclaré.
Mais pour le politologue Ghanem al-Abed, Ousbat al-Thaerin et les autres milices récemment apparues peuvent ne pas seulement être des façades, mais plutôt des entités armées créées par l’Iran et représentant « l’élite de l’élite ».
Ce qui pousse l’Iran à mettre en place de nouveaux groupes comprenant certains membres de ses principaux intermédiaires en Irak, dirigés par la Kataeb Hezbollah, a-t-il ajouté, c’est son désir de recruter des gens en qui il a confiance et dont la loyauté lui est assurée.
En utilisant des factions comme Ousbat al-Thaerin, l’Iran « tente d’escalader la confrontation avec les États-Unis sur le sol irakien » afin de pouvoir s’en servir lors des négociations pour soulager le blocus économique qui lui est imposé, a-t-il expliqué.
Les milices pro-iraniennes qui opèrent en Irak « ne sont rien d’autre qu’un outil entre les mains du Guide suprême iranien, du CGRI et des renseignements iraniens », a expliqué Ghazi Faisal Hussein, conseiller auprès du Centre irakien d’études stratégiques.
L’Iran utilise ces intermédiaires pour mettre en œuvre son projet d’exportation de sa révolution et imposer son hégémonie sur la région en « alimentant la violence, l’agitation, les divisions sectaires, la prolifération des armes, le trafic de drogues et le blanchiment d’argent », a-t-il indiqué à Diyaruna.
Les médias pro-iraniens mettent ces nouvelles milices en avant pour cacher et couvrir les activités des intermédiaires rigoristes qui, bien qu’ils soient désormais sur la scène politique, continuent de menacer la souveraineté de l’Irak et les intérêts de ses citoyens, a-t-il conclu.