Analyse

Les forces russes réfléchissent à une présence de long terme en Syrie

AFP

Deux soldats russe et syrien près d'al-Latamnah, dans la province syrienne de Hama, le 25 septembre, sur cette photo prise lors d'une visite guidée organisée par l'armée russe. [Maxime Popov/AFP]

Deux soldats russe et syrien près d'al-Latamnah, dans la province syrienne de Hama, le 25 septembre, sur cette photo prise lors d'une visite guidée organisée par l'armée russe. [Maxime Popov/AFP]

Depuis un poste surplombant un parc boisé dans la base navale russe dans le port syrien de Tartous, le commandant de la base montre une rangée d'arbres.

« Ces arbres auront le temps de pousser », explique le Russe, les yeux protégés du soleil méditerranéen par une casquette de camouflage désert.

Quatre ans après être intervenues en Syrie en soutien au président Bashar al-Assad, les forces militaires russes n'affichent en rien leur intention de quitter le pays.

C'est même plutôt le contraire.

Des membres des forces russes et syriennes en faction devant des affiches du président syrien Bashar al-Assad et de son homologue russe Vladimir Poutine au carrefour d'Abou Duhur, dans les confins orientaux de la province d'Idlib, le 20 août 2018. [George Ourfalian/AFP]

Des membres des forces russes et syriennes en faction devant des affiches du président syrien Bashar al-Assad et de son homologue russe Vladimir Poutine au carrefour d'Abou Duhur, dans les confins orientaux de la province d'Idlib, le 20 août 2018. [George Ourfalian/AFP]

Lors d'une récente tournée en Syrie organisée par le ministère russe de la Défense, des journalistes de l'AFP et d'autres agences de presse ont pu voir les forces de Moscou s'installer pour un long séjour, cimentant une présence qui aura des implications dans tout le Moyen-Orient.

À la base de Tartous, un très vaste complexe situé sur la côte orientale de la Méditerranée, des bâtiments de guerre et des sous-marins russes étaient alignés bien en vue.

Mais les reporters ont également pu voir des gymnases où des soldats au repos faisaient de l'haltérophilie, où des boulangeries servaient des pâtisseries russes, des traditionnels saunas en bois appelés banyas, et même des chapelles chrétiennes orthodoxes à dôme en forme d'oignons remplis d'icônes.

« Tout le confort nécessaire » est fourni aux soldats russes, a précisé un officier.

Moscou avait lancé sa campagne en soutien au régime syrien fin septembre 2015. Son intervention avait marqué un renversement de situation pour le régime, dont les forces avaient repris la plus grande partie du territoire qui échappait autrefois au contrôle du gouvernement.

Officiellement, quelque 63 000 soldats russes ont servi en Syrie durant cette campagne, parmi lesquels des membres de l'armée de terre, des marins et des aviateurs qui, au faîte de leur campagne de bombardement, effectuaient plus de 100 sorties par jour.

Des centaines de sous-traitants militaires privés ont également été présents en Syrie, certains rapports faisant état de la présence de certains d'entre eux sur la ligne de front aux côtés des troupes fidèles au régime.

Près de 3 000 soldats russes sont aujourd'hui déployés en Syrie, sur des bases comme Tartous et la base aérienne de Hmeimim, dans la province de Latakia.

Présence militaire russe de long terme

Moscou a signé des baux de 49 ans pour ces deux bases, assurant ainsi à la Russie sa première présence militaire de long terme au Moyen Orient.

Désireux d'étendre l'influence mondiale de Moscou, le président russe Vladimir Poutine a déclaré que ses forces resteront en Syrie aussi longtemps que nécessaire.

« Notre armée s'y trouve pour garantir les intérêts de la Russie dans une importante région du monde », a déclaré Poutine l'an dernier, lors de l'une de ses conférences téléphoniques marathons à la télévision.

« Grâce à ces bases, la Russie a consolidé sa position » en Syrie tant qu'al-Assad sera au pouvoir, a expliqué le spécialiste de la défense russe Alexei Malashenko.

Ces bases ne sont pas le seul gain de la Russie. Outre la Turquie et l'Iran, elle joue désormais un rôle essentiel dans les négociations internationales sur l'avenir du pays, tout en tissant des liens étroits à la fois avec Ankara et Téhéran.

À l'extérieur de ces bases, la présence de Moscou se fait sentir dans tout le pays.

Des véhicules militaires russes patrouillent sur des routes où des affiches montrent al-Assad et Poutine côte-à-côte. Et dans la campagne à l'ouest de Damas, les journalistes ont pu voir une bataillon de l'armée syrienne que formaient des conseillers russes.

En place pour profiter de la reconstruction

À Alep, où les forces du régime syrien ont repris le contrôle en 2016 après des années d'intenses combats, la Russie s'est engagée dans des travaux de reconstruction.

Jusqu'à présent, ces efforts de reconstruction ont été modestes, avec une communauté internationale prudente sur les financements à apporter à al-Assad.

Mais les Nations unies estiment le coût de la reconstruction de la Syrie après la guerre à 400 milliards de dollars, et la Russie est en place pour y jouer un rôle majeur, et rentable.

Mais des défis subsistent, et Malashenko rappelle que rien n'est sûr en Syrie.

La province d'Idlib, au nord-ouest du pays, échappe encore au contrôle du régime syrien, malgré une offensive sanglante.

Et les espoirs d'une solution politique de long terme restent faibles, malgré l'annonce ce mois-ci par les Nations unies de la création d'une nouvelle commission constitutionnelle.

En apportant un soutien si clair à al-Assad, poursuit Malashenko, la Russie s'est peut-être placée en état de vulnérabilité.

« La Russie ne dispose pas d'autre solution. Sa tactique est certes bonne, mais elle n'a pas de stratégie », conclut-il. «.Elle dispose d'une longueur d'avance, mais personne n'est en mesure de dire ce qu'il va se passer ensuite. »

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